2. Les « trappes à bas salaires », un effet pervers à surveiller

Les allègements de charges sociales sur les bas salaires créent potentiellement des « trappes à bas salaires » : le taux de charges sociales est plus faible pour les salaires les plus bas, ce qui peut inciter les entreprises à maintenir des salaires bas et des structures de qualifications privilégiant les postes à salaires peu élevés.

Ce risque ne doit pas être négligé. Il revêt deux visages, tous deux susceptibles d'écorner la valeur du travail, qu'il convient de restaurer dans notre pays :

d'une part, celui de la démotivation de salariés dont les perspectives de progression de leurs revenus sont amoindries ;

d'autre part, celui de la démotivation de salariés qui, quoique plus qualifiés, obtiennent une rémunération indifférenciée.

Toutefois, ce risque est plus ou moins élevé selon les modalités d'allégements. Les exonérations dégressives de cotisations sociales ont pour effet de rendre très coûteuses les hausses de salaire . Quand une entreprise augmente le salaire d'un salarié au SMIC, une hausse très forte des cotisations patronales intervient. Au niveau du SMIC, le taux de cotisations patronales est de 26,2 % contre, environ, 45 % hors ristourne dégressive. Une augmentation du salaire brut de 10 % se traduit par une augmentation du coût du travail de 15,2 %. Le taux marginal de cotisations varie selon les dispositifs une fois les seuils d'allégements dépassés. Hors ristourne, une augmentation du salaire mensuel brut (SB) de 113 euros coûte 165 euros à l'entreprise. Avec la ristourne « Juppé », l'entreprise doit débourser 216 euros pour augmenter le SB de 113 euros ; le taux marginal de cotisation patronale est de 92 %. Pour les entreprises bénéficiant de la ristourne « Aubry », la trappe à bas salaire est plus faible : le taux marginal de cotisations patronales est de 80 %. Pour ces entreprises, l'effet de trappe à bas salaire joue jusqu'à 1,8 SMIC contre seulement 1,3 SMIC pour les entreprises ne bénéficiant que de la ristourne « Juppé ».

Ces effets pervers sont moins accusés lorsque la réduction de charge est forfaitaire , c'est-à-dire lorsque le montant de réduction est indépendant du salaire (c'est le cas du nouveau système belge, ou d'une partie du système français pour les 35 heures). Une autre solution consiste à définir des seuils en deçà desquels le taux de cotisations est plus bas (ou nul), à la condition que les marches soient nulles, c'est-à-dire que le taux au-delà du seuil s'applique au salaire diminué du seuil, comme dans le système anglais après les réformes initiées en 1997. Dans les cas des réductions forfaitaires ou à seuil, le taux marginal des cotisations sociales reste modéré, au niveau du taux moyen de cotisations, au lieu d'être très élevé (comme dans le système français ou néerlandais où il est supérieur à 100 % dans certains cas).

Dans ce contexte, une récente évaluation a posteriori sur données microéconomiques réalisée par Crépon et Desplatz a suscité une réelle controverse. Elle conclut à un effet important et rapide des baisses de charges sur les bas salaires mises en oeuvre entre 1994 et 1996 avec 460.000 emplois créés entre 1994 et 1997.

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