A. UN DIAGNOSTIC À LA PERTINENCE RELATIVE...

La notion de trappe à inactivité renvoie à la situation dans laquelle un individu, chômeur ou inactif, n'est pas incité financièrement à prendre un emploi, parce que la rémunération à laquelle il pourrait prétendre serait à peine supérieure, voire inférieure, aux revenus de transferts qu'il perçoit en restant inoccupé.

Un certain nombre d'éléments arithmétiques viennent donner quelque crédit à l'existence d'un tel phénomène. Toutefois, plusieurs considérations doivent être gardées à l'esprit, qui conduisent à conserver une attitude prudente à l'égard de ce concept.

En premier lieu, on ne saurait passer du constat de l'existence de taux d'emploi 12( * ) et taux d'activité 1 relativement faibles pour des « peu qualifiés » à la conclusion de l'existence, pour les populations concernées, d'un fort chômage volontaire.

C'est le cas pour le taux d'emploi dont la principale variable explicative est la demande de travail. Les très fortes créations d'emplois observées, en France, à la fin des années 90 ont montré la vigueur des liens positifs entre demande d'emploi et taux d'emploi des non qualifiés.

Mais c'est probablement aussi vrai du taux d'activité qui, mesurant la participation au marché du travail (soit comme personne occupée, soit comme personne à la recherche d'un emploi) est a priori un indicateur plus pertinent pour mesurer l'impact dissuasif du système fiscalo-social sur la volonté de trouver un travail. On observe en effet que cet indicateur varie de façon indépendante par rapport aux caractéristiques nationales des systèmes redistributifs. En revanche, une corrélation assez robuste semble exister entre son niveau et celui du taux d'emploi, qui pourrait attester l'existence de phénomènes de découragement des populations en cause devant la persistance du chômage.

Plus globalement, on ne peut que constater la thèse selon laquelle le système redistributif entraîne l'apparition de trappes à inactivité repose sur un modèle de rationalité étroite où les choix ne seraient motivés que par la comparaison entre les gains associés à l'emploi et les revenus sociaux nets d'impôt. Or un tel modèle exclut, par définition, une série de considérations qu'un modèle de rationalité complète recommande de prendre en compte. Ces considérations peuvent comprendre le fait que l'emploi n'est pas seulement un moyen de subvenir à des besoins matériels immédiats, que sont associés des avantages de long terme à la prise d'un emploi (en termes de retraite future plus importante ou de formation et d'expérience professionnelle pouvant sensiblement améliorer sa situation professionnelle dans le futur), ou encore que les structures sociales, l'existence de revenus occultes ou d'autres phénomènes socio-économiques peuvent jouer.

En bref, sans rejeter le cadre théorique expliquant l'éventualité de trappes à inactivité, un spectre complet d'analyse conduit plutôt à s'interroger sur l'ampleur d'un tel phénomène.

Une étude de Laroque et Salanié (2000) a proposé une décomposition du non emploi. Ils estiment que pour 57 %, il s'agit de non emploi volontaire. Cet ordre de grandeur reste toutefois incertain. Par exemple, l'analyse qui le sous-tend exclut le temps partiel. Or, la plupart des travailleurs à temps partiel (le plus souvent des femmes) n'auraient pas intérêt à travailler étant donné les faibles salaires qu'ils perçoivent relativement au RMI et autres allocations associées à l'inactivité. De plus, ils sont souvent en situation de sous-emploi involontaire (ils souhaiteraient travailler davantage). Ainsi, les exclure de l'analyse sous-estime le chômage involontaire et surestime le chômage volontaire. Du reste, le pouvoir explicatif du modèle utilisé semble relatif dans la mesure où la décision de rechercher un emploi telle qu'elle y est représentée dépend en grande partie de facteurs inexpliqués.

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