2. L'imposition locale des entreprises

De même, dans le cas de l'imposition locale des entreprises, plusieurs réformes méritent d'être évoquées :

- en Allemagne, la « taxe professionnelle », précédemment assise sur les immobilisations et la masse salariale, à l'instar de la taxe professionnelle française, repose désormais sur les bénéfices ;

- en Italie, depuis 1998 les régions reçoivent les recettes d'une taxe additionnelle à l'impôt sur le revenu, ainsi que l'IRAP (impôt sur le revenu des activités productives), qui repose sur la valeur ajoutée (cf. encadré ci-après).

La réforme de la fiscalité locale en Italie, selon Fitch Ratings

« Jusqu'en 1997, 85% des revenus des régions italiennes étaient constitués de transferts. A partir de 1998, cette proportion a commencé à décroître rapidement au profit des impôts dont la part dans les recettes totales est brusquement passée de 12% à 45% ! Ce développement de la fiscalité locale est la conséquence directe des lois « Bassanini » et la loi sur le fédéralisme fiscal en 2000, qui ont introduit des changements fiscaux majeurs pour les régions à statut ordinaire.

Ces lois ont en effet créé, au profit des régions, une taxe additionnelle à l'impôt sur le revenu (IRPEF : Imposta sul Reditto delle Persone Fisiche ) composée d'un taux fixe (0,9% en 2000) et d'un taux variable (dans la limite de 0,5% supplémentaire). Les régions à statut ordinaire ont vu également leur part dans la taxe sur les carburants augmenter et bénéficient de la possibilité d'augmenter de 10% le tarif national de la taxe sur l'équivalent de la carte grise.

Les régions reçoivent par ailleurs un impôt régional sur l'activité productive (IRAP : Imposta Regionale sulle Attività Produttive ) qui a été créé en 1998. Son assiette est constituée de la valeur ajoutée nette hors amortissement (salaires, charges financières et profits) sur les entreprises, les commerces, les entreprises agricoles, les professions libérales, l'Etat et les collectivités publiques. En 2001, les régions avaient la possibilité d'augmenter le taux normal, fixé à 4,25%, dans la limite de 1% (soit un taux maximum de 5,25% ) En 2001, le produit de l'IRAP était au total de EUR 25,6 milliards soit environ un tiers des recettes réelles de fonctionnement des régions. Celles-ci disposent par ailleurs de la faculté de fixer des taux d'imposition différenciés selon les catégories d'entreprises. A titre d'exemple, le Latium a choisi d'imposer plus lourdement les grandes entreprises du secteur chimique.

Ce mouvement s'est poursuivi en 2001 avec la loi Amato qui a eu pour effet d'accroître les pouvoirs fiscaux des régions, notamment celui de créer et de percevoir leurs propres taxes. Cette loi a ouvert la voie à une révision de la Constitution, confirmée par referendum le 7 octobre 2001. Selon cette loi, les régions participent dès lors au partage du produit fiscal perçu sur leur territoire (pour l'instant à travers la TVA dont 38,5% va aux régions et qui a remplacé en 2001 les transferts de l'état en matière de santé). Avec la TVA, le gouvernement central institue un fonds de péréquation pour les régions les plus démunies (l'effet péréquatif est total en 2001 puis dégressif, jusqu'à disparaître en 2013). Par ailleurs, la Commission Régionale de Contrôle et le Commissaire, instances nommées par le Premier ministre pour contrôler les activités des régions, sont supprimées.

Aujourd'hui certaines incertitudes demeurent quant à l'application de ces nouvelles règles. En effet, s'il semble que les régions aient le droit d'augmenter sans limite la surtaxe sur le revenu des personnes physiques, cette question ne fait pas l'unanimité. Par ailleurs, le gouvernement Berlusconi, inquiet du non-respect de la promesse électorale de baisse des impôts (l'état diminue ses impôts mais les régions les augmentent) veut «congeler» l'autonomie financière des régions. Enfin, la Constitution ne détermine et ne garantit pas les ressources des régions, qui sont déterminées par la Loi de Finances. L'Etat dispose donc en la matière d'un pouvoir discrétionnaire (les régions ordinaires ne sont pas représentées en tant que telles au Parlement ou auprès du gouvernement).

En résumé, les régions italiennes ont réalisé un véritable « bond en avant » en termes d'autonomie fiscale et financière en passant d'un financement par le biais de transferts à un financement majoritairement fiscal assorti de la possibilité d'augmenter les taux et, depuis 2001, de créer leurs propres taxes. La principale limite à l'autonomie financière régionale qui tenait jusqu'en 2001 à l'absence d'une véritable liberté en matière de dépenses -- très largement affectées au secteur de la santé -- a désormais disparu. Mais les conditions d'acquisition de l'autonomie sont loin d'être idéales car elles n'ont pas été suffisamment programmées. Le transfert des compétences dans un premier temps puis, dans un deuxième temps, des ressources a fait apparaître des déséquilibres plus ou moins persistants. Enfin, l'autonomie fiscale est obérée par une certaine « incertitude du droit » illustrée par la surtaxe IRPEF qui n'a pas été clairement interprétée et qui risque aujourd'hui d'être « congelée » par l'Etat. Il est également question d'abolir l'IRAP, jugé contre-productif économiquement ; or l'IRAP est la principale ressource offrant une autonomie. »

Source : Nicolas Painvin (directeur du département Finances publiques de l'Agence Fitch Rating)s, in Jean Arthuis, Fiscalité locale : quelles pistes pour la réforme ?, rapport d'information du Sénat n°289 (2002-2003)

Comme le souligne l'OFCE, si ces assiettes (bénéfices ou valeur ajoutée) apparaissent économiquement mieux fondées, elles présentent cependant deux inconvénients : elles sont plus difficilement localisables, et leurs recettes sont plus sensibles à la conjoncture.

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