A. LES CRISES FINANCIÈRES : UNE TYPOLOGIE91( * )
Même
si elles paraissent diverses en termes de causes et de manifestations,
l'expérience historique suggère qu'on peut distinguer trois types
généraux de crises financières ou des périodes
d'instabilité financières (Davis, 2002)
Des crises entraînées par des faillites dans le secteur
bancaire dues à des pertes d'investissements ou à un excès
de prêts non-performants.
Les exemples de ce type de crise sont
nombreux (le crise bancaire texane et la crise « Savings and
Thrifts » aux USA entre 1979-89, la crise bancaire dans les pays
nordiques en 1991-92, la crise asiatique en 1998), mais l'exemple le plus
frappant est le cas Japonais depuis une décennie. Ce type de crise
implique une contraction du crédit aux secteurs non-financiers de
l'économie, et a donc des implications directes pour l'économie
réelle. A noter que ce type de crise peut faire surface même dans
des économies avec des moyens de financement alternatifs aux banques
(marchés boursiers et obligataires. En d'autres termes, ce type de crise
est dû à un endettement excessif qui fragilise le système
financier ; les crises financières suivent un cycle d'expansion du
crédit dû à un choc positif initial qui provoque du
surinvestissement et une croissance excessive de l'endettement. Une phase de
sous-estimation du risque par les prêteurs et/ou une inflation des prix
des actifs injustifié, seront suivis par la déflation et un crise
bancaire, dés lors qu'un choc négatif fera éclater la
bulle. Pour certains économistes d'inspiration keynésienne ceci
est une caractéristique « normale » du cycle
économique (Kindleberger : 1978 ; Minsky : 1977).
Les crises dues à une volatilité extrême des prix des actifs financiers, souvent suite à un valorisation excessive générée par un changement radical des anticipations . Ce type de crise est au coeur de nos problématiques car, de nos jours, les acteurs principaux semblent être les investisseurs institutionnels. Ce qui nous intéresse ici ce sont les implications des fluctuations extrêmes des prix pour les autres institutions, financières ou non-financières. Souvent ces fluctuations résultent des comportements moutonniers ou des stratégies mimétiques des investisseurs institutionnels. Les mouvements soudains et violents des prix des actifs ne déclencheront pas nécessairement des crises systémiques. Mais, lorsque d'autres institutions ont pris des positions importantes sur les marchés, à un niveau de prix des titres élevé, le déclin peut provoquer des pertes en capital importantes pour les institutions concernées. Des exemples de ce type de crise incluent le krach de 1997, la crise du SME en 1992, le retournement du marché obligataire en 1994, et la crise mexicaine.
La
troisième catégorie de crise est étroitement lié
à la deuxième. Cette fois-ci la crise est
caractérisée par
un assèchement prolongé de la
liquidité des marchés financiers.
Du coup ces mêmes
marchés
perdent leur capacité à absorber une
volume élevé de transactions sans générer une
baisse soutenue des prix. Les comportements moutonniers des zinzins sont
profondément impliqués dans ce type de crise. La capacité
à faire face à ce genre de crise dépend de la
maturité des marchés financiers qui leur permet de supporter les
phases de volatilités élevées. Aussi la capacité
des structures et des entités de régulation à contrecarrer
un effondrement de la liquidité jouera un rôle essentiel (cf
intervention de la FED dans la crise de liquidités suite au choc LTCM).
Dans ce dernier cas, les conséquences pour l'économie
réelle peuvent être graves ; les risques sont aigus non
seulement pour les acteurs qui détiennent des titres du marché
financier, mais aussi pour les secteurs les plus dépendants de
financements externes,
ce qui inclut aussi les banques, et les investisseurs
institutionnels eux-mêmes
.
Historiquement, ce type de crise a plutôt caractérisé des
marchés spécifiques et idiosyncrasiques qui attirent des
investisseurs et emprunteurs très particuliers, par exemple le
marché des « junk bonds ». Cependant, depuis la
crise russe de 1999, et le sauvetage public aux Etats-unis du
« hedge fund » LTCM (Long-Term Capital Management), ont
sait que les conséquences d'un effondrement de la liquidité des
marchés peut aussi menacer des marchés plus
généraux et essentiels, par exemple les marchés boursiers
des obligations d'entreprises et celui des titres de dette publique (Treasury
bonds
92(
*
)
.)
Les crises de liquidité des marchés sont les plus graves qu'on
puisse distinguer, non seulement en raison des
« disruptions » que cela peut entraîner pour
l'économie réelle, mais aussi pour la solvabilité des
engagements des investisseurs institutionnels envers les ménages.
Source : BIPE
Tableau 6 - Eléments des crises financières 1970-2000
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Thrifts & Savings Crisis
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Krach boursier 1987 |
Crise bancaire nordique 1990-91 |
Crise bancaire japonaise 1992 |
Crise SME 1992 |
Détournement du marché obligataire 1994 |
Crise mexicaine 1994 |
Crise asiatique 1997 |
Russie et LTCM 1998 |
La
crise « nouvelle économie »
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Accumulation excessive de dette |
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Inflation des prix des actifs |
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Concentration du risque |
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Changement de régime |
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Nouveaux intermédiaires |
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Innovation financière |
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Politique monétaire restrictive |
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Déclin de la solvabilité |
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« Rationnement de crédit »/ assèchement de la liquidité/ « bank runs » |
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Contagion entre marchés |
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Transmission internationale |
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Actions des autorités |
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Impact macroéconomique sévère |
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Défaut de fonctionnement du système financier/effondrement économique |
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Source : BIPE, Davis, 2001
L'éclatement de la bulle de la nouvelle économie
depuis mars 2000, et les problèmes du secteur telecom et aussi d'autres
secteurs, ont généré une volatilité des prix de
marché très élevée. La déflation a
provoqué une décroissance des patrimoines financiers des
ménages (ce qui peut avoir des effets sur la consommation des
ménages). En même temps, ce déclin, qui pénalise la
liquidité du marché implique un durcissement des conditions de
crédit, et en conséquence l'investissement des entreprises a
souffert. Les zinzins ont-ils joué un rôle décisif dans la
déflation des marchés boursiers ?
Selon le tableau ci-dessus, la situation contemporaine est très
similaire à la crise russe et LTCM ; la crise contemporaine a
été précédée par un endettement excessif,
une inflation des prix des actifs et une concentration du risque (Davis, 2001).
On a aussi assisté à un changement de régime :
accès facilité des ménages aux marchés
boursiers ; apparition de nouveaux intermédiaires importants tel
que les OPCVM ; et le rôle de l'innovation financière
(« brokerages » virtuels et « on-line »
accessibles pour les particuliers, titrisation massive des créances
hypothécaires). Suite au Krach boursier, on a vu la solvabilité
des assureurs, des fonds pension et des banques décliner. En Europe
continentale on assiste a une contraction de crédit, pas encore
très forte mais qui pourrait bien accélérer. On assiste
à une corrélation renforcée entre marchés boursiers
au niveau international. Mais il y a aussi des différences
décisives avec la crise russe. La transmission de la crise entre
les différents marchés financiers (boursiers et obligataires)
n'est pas encore là, et la politique monétaire s'est plutôt
assouplie en réponse aux développement financiers, surtout aux
Etats-Unis.
Il est trop tôt pour porter un jugement définitif sur l'effet
macroéconomique de la crise présente. On sait que la croissance
des crédits s'est aussi ralenti, l' investissement s'est affaibli aux
Etats-Unis et en Europe, et que l'on a déjà assisté
à des phases de récessions légères (Etats-Unis,
Allemagne).