B. FACTEURS DE FRAGILITÉ DU SYSTÈME FINANCIER, CHOCS ET DIFFUSION DES CRISES
Il est
utile de distinguer ici entre les facteurs qui peuvent déclencher des
crises et des facteurs de diffusion. Un choc positif initial (par exemple le
développement des nouvelles technologies qui dope les anticipations de
croissance, pour prendre l'exemple récent) pourrait facilement mener
à une accumulation excessive de dette, à une inflation du prix
des actifs et à une concentration du risque. Ceci est un
mécanisme historiquement très connu et étroitement
lié aux bulles précédentes.
L'effet
général est d'augmenter la fragilité du système
financier,
c-.à.d. augmenter l'exposition du système à
un crise potentielle.
Les changements de régime (dérégulation,
régulation), l'émergence de nouveaux intermédiaires, et
l'innovation financière sont des facteurs qui peuvent potentiellement
renforcer cette fragilité (Davis 2001). C'est ici que le rôle des
investisseurs institutionnels devient de plus en plus intéressant.
D'abord, comme nous allons voir dans la section suivante, même si au
niveau macroéconomique les zinzins jouent un rôle
d'intermédiaires parfois similaire aux banques, les paramètres de
leur comportement et les structures résultantes de leur portefeuilles
d'actifs sont souvent différentes. Ceci est dû à
l'environnement concurrentiel différent, mais aussi à des
différences de régulations et aux problèmes
attachés à la gestion déléguée. En bref, les
zinzins ont des stratégies marketing et d'allocations d'actifs plus
agressives et moins restreintes. Leur montée en puissance
représente aussi un nouveau degré de concentration des capitaux,
et partant, du risque.
Le développement des zinzins a contribué à l'inflation des prix des actifs à travers une hausse importante de la demande d'actions, non relayée par une offre en croissance. En soi, cette montée a facilité l'accès aux marchés boursiers des particuliers à revenus modestes (la « démocratisation » de la détention des titres boursiers et du risque) (Heaton et Lucas, 1999 ; Vissing-Jorgensen, 1998). La diffusion de l'intermédiation institutionnelle a augmenté le nombre d'actionnaires potentiels. Potentiellement, l'effet est de générer un excès de liquidité sur les marchés boursiers et d'augmenter la tendance aux comportements moutonniers.
Graphique 13 - Capitalisation du marché de l'indice S&P500 et la performance réelle des entreprises constituant l'indice 1980-2002, dernier point octobre 2002
Source : Shiller, 2002, calculs BIPE
Les
tendances contemporaines renforcent cette idée. Le graphique 13
démontre la relation entre la capitalisation réelle
93(
*
)
du marché boursier aux
Etats-Unis, repris par l'indice Standard & Poors 500 et la performance des
entreprises constituantes de l'indice en termes de résultat net
d'exploitation par action (un indicateur souvent utilisé pour mesurer la
performance des entreprises).
Les anticipations de rendement sur des investissement en actions ont
stimulé fortement les flux de capitaux vers ces marchés et en
conséquence ont gonflé fortement la capitalisation
boursière. Sur la période 1995-2001 les ménages
américains versaient 3,113 milliards d'USD à des fonds mutuels,
fonds de pension et assureurs-vie, soit 92% des acquisitions des actifs
financiers sur la période. La plupart de ces ressources
financières ont été investies dans les marchés
boursiers. Mais le rendement sur les investissements en actions est
étroitement lié a la performance des entreprises : la
divergence entre les deux indicateurs à partir de 1995 est remarquable.
Le dégonflement du marché à partir de 2000 n'est pas moins
remarquable, mais on a toutefois du chemin à parcourir pour
rétablir la relation historique « normale » entre
les deux indicateurs.
La divergence est plus visible encore si on regarde la relation entre les prix
des actifs et les revenus des entreprises
94(
*
)
.
Source : BIPE, d'après Schiller, 2000
Suite à la fragilisation du système financier, un choc négatif, soit sur une institution ou soit sur un marché particulier, peut déclencher une crise . 96( * ) Soit les liens directs entre les marchés ou les institutions à travers les bilans financiers déclenchent la faillite des autres institutions financières et marchés. Soit l'effondrement d'une institution/marché crée des incertitudes fortes sur la solvabilité des institutions/ marchés concurrents.
Chapitre
3
Actifs sous gestion institutionnelle en Europe et aux Etats-Unis