D. UNE COOPÉRATION ÉCONOMIQUE FRANCO-IRANIENNE À RENFORCER
1. Les entreprises françaises en Iran
a) Le secteur de l'énergie
Il
convient en premier lieu de souligner que la participation des entreprises dans
ce secteur stratégique est limitée par une contrainte de nature
constitutionnelle. La Constitution disposant explicitement que les richesses
pétrolières ne peuvent être cédées à
des entreprises étrangères, les projets d'investissements
pétroliers et gaziers ne se concrétisent que par
l'intermédiaire de plans « contre achat » (contrat
dit de buy-back). Il s'agit de contrats de service négociés par
la NIOC avec une ou plusieurs entreprises étrangères en vue
d'assurer l'exploitation de nouveaux gisements et les investissements de
développement. L'exploitation reste, dans ce cadre, entièrement
sous le contrôle de l'Etat. Les contrats de buy-back sont d'une
durée assez courte -entre trois et cinq ans- et sont
rémunérés à taux fixe jusqu'à présent
(entre 16 et 18 %).
TotalFina-Elf est implanté en Iran depuis 1954 et sa prise de
participation dans le consortium qui avait succédé à
l'Anglo-Iranian, nationalisée par le gouvernement Mossadegh en 1951.
Entre 1968 et 1974, Elf a découvert les champs de Sirri et de Kangan.
Toutefois, la révolution islamique a mis fin au consortium et à
cette coopération. Les contentieux liés aux intérêts
de Total et d'Elf en Iran ont été réglés par une
indemnisation partielle.
Le dégel politique qui a suivi la guerre avec l'Irak a permis, ces
dernières années, à TotalFina-Elf, de renforcer sa
présence sur place, en dépit des menaces de sanctions des
Etats-Unis.
D'une manière générale, après une période de
tension, les relations franco-iraniennes se sont stabilisées. Sur le
plan industriel, les entreprises françaises, notamment dans le secteur
énergétique, sont favorisées par l'absence de concurrence
américaine, et bénéficient sur le plan politique du
contexte très favorable créé par les positions de la
France, qui s'est nettement démarquée des Etats-Unis sur deux
sujets importants :
- la loi d'Amato, qui a fait l'objet d'une condamnation ferme et
répétée ;
- l'évacuation des hydrocarbures de la Caspienne, sujet sur lequel
la France s'est montrée systématiquement ouverte en n'excluant
a priori
aucun tracé, y compris iranien.
Les contrats de Total en Iran
Dès 1995, Total, associé à Petronas, a
présenté une offre et obtenu le contrat pour la mise en valeur du
champ d'huile de Sirri. En 1997, le groupe a signé, malgré la
menace des sanctions américaines liées à la loi d'Amato,
un contrat pour le développement d'une partie du champ gazier de South
Pars, ce qui a suscité une vive réaction de la part des
autorités américaines.
Celles-ci ont toutefois, en mai 1998, lors du sommet transatlantique de
Londres, accepté d'accorder « au nom de l'intérêt
national » une exemption limitée (section 9c de la loi) aux
trois compagnies (Total, Gazprom et Petronas) signataires du contrat relatif
à South Pars. Ils ont par ailleurs promis d'examiner dans le même
esprit tout contrat analogue de type « buy-back » et
d'accorder d'éventuelles exemptions au cas par cas, sans
caractère automatique et à l'exclusion des pipelines.
Un deuxième contrat de « buy back » a
été signé entre la NIOC et un consortium formé par
Total, Petronas et Gazprom. Il prévoit la mise en valeur de plusieurs
tranches du champ gazier de South Pars situé à 100
kilomètres des côtes iraniennes, près de la
frontière maritime avec le Qatar. Ce projet est le premier
développement gazier offshore de l'Iran à atteindre le stade
opérationnel. Il a été inauguré officiellement le
15 février 2003 en présence de M. Desmarest, PDG
de Total, et du président de la République, M. Mohammed
Khatami.
Total a également participé à l'étude sur
l'utilisation du gaz réalisée en 2001 par un consortium de neuf
sociétés internationales en coopération avec la NIOC.
Cette étude a montré que, pour faire face à la demande
prévue, l'Iran devait investir massivement dans des réseaux de
transport terrestre
.
En dépit d'un cadre contractuel très contraignant, la
présence de Total se renforce en Iran. Ce mouvement a été
permis par le processus progressif d'ouverture de l'amont décidé
par les autorités iraniennes, aujourd'hui confrontées à la
croissance rapide des besoins énergétiques du pays.
Les
autorités iraniennes attendent de cette ouverture un apport de
technologies permettant de freiner le déclin des gisements
pétroliers matures
. Elles espèrent également mettre
à profit le savoir-faire gazier des opérateurs internationaux et
leur capacité de financement pour accélérer le
développement du potentiel gazier du pays. Une croissance rapide de la
production est en effet nécessaire pour prendre rapidement place sur le
marché gazier international, que de nombreux acteurs, pourtant moins
richement pourvus (Oman, EAU, Qatar, Egypte, Angola, Yémen,
Azerbaïdjan, etc..), menacent d'occuper.
Les enjeux industriels pour le
secteur énergétique français sont donc majeurs.
Gaz de France coopère depuis 1990 avec la NIGC (National Iranian Gas
Company), avec laquelle il a constitué un accord d'association. Dans le
cadre d'un consortium avec Shell, British Gas et Petronas, Gaz de France a
proposé de développer une phase de South Pars et de financer les
investissements dans le réseau iranien pour transporter le gaz
jusqu'à la frontière turque, dans le cadre d'un projet
d'exportation de gaz vers la Turquie. Le groupe participe également,
avec huit autres sociétés pétrogazières, à
l'étude sur l'utilisation du gaz de South Pars commandée par la
NIOC.
L'avenir des contrats de buy-back est primordial pour le renforcement des
partenariats franco-iraniens. Ces contrats, de l'avis de M. Tahmasb
Mazaheri, ministre de l'économie et des finances, pourraient être
améliorés, même s'il a été souligné
devant la délégation que les règles constitutionnelles
empêchaient tout transfert de propriété.
b) Le secteur automobile
Initié dans les années 1960 avec l'implantation
de
nombreux constructeurs étrangers (Rover, American Motor, Daimler Benz,
Citroën, Volvo, Mitsubishi), le développement de l'industrie
automobile a connu une évolution heurtée.
Le secteur a été malmené par la Révolution
islamique et les nationalisations, la guerre Iran-Irak et les
difficultés financières survenues dans les années 1990. Il
affiche désormais un niveau de production record depuis 1977. La
production a atteint les 530.000 véhicules de mars 2002 à
mars 2003, et ceci grâce notamment à une coopération
industrielle avancée avec le groupe PSA. Ce secteur se situe à
une étape cruciale de son développement, avec à l'horizon
2005 des objectifs de production pour le moins ambitieux, évalués
entre 800.000 et un million de véhicules par an.
Pour ce faire, le ministère de l'industrie a annoncé, par
l'intermédiaire de l'IDRO, son intention de lancer une nouvelle gamme de
véhicules à bas prix, par la création d'une plate-forme de
production. Plusieurs constructeurs étrangers sont actuellement en
négociation avec les autorités. Renault est le premier d'entre
eux à avoir signé, à la suite d'un déplacement de
M. Louis Schweitzer, PDG de Renault SA, une lettre d'intention avec l'IDRO
pour la production d'un véhicule.
Le marché de l'automobile est en pleine croissance, avec un taux de
progression annuel moyen de 27 % depuis sept ans. Le parc automobile
iranien est estimé à 4,6 millions d'unités et
près de 40 % des véhicules en circulation ont plus de
20 ans. Par ailleurs, le taux de possession d'un véhicule
automobile est de 1 pour 20 personnes, soit dix fois moins qu'en France.
L'industrie automobile iranienne constitue un des poids lourds de
l'économie nationale. On dénombre 14 constructeurs et
1.200 équipementiers, qui emploient directement ou indirectement
près de 500.000 personnes. Le secteur contribue pour environ
18 % de la valeur ajoutée totale des biens produits en Iran.
Les marques de véhicules particuliers et de véhicules utilitaires
présentes, directement ou indirectement, sont les suivantes : Iran
Khodro, Saipa, Peugeot, Renault Trucks, Nissan, Mercedez Benz, Kia, Mazda,
Fiat, Volvo, Daewoo, Iveco.
Il n'en demeure pas moins que le marché iranien est fortement
monopolistique, puisqu'il est très largement dominé par deux
constructeurs publics : Iran Khodro et Saipa, qui détiennent
92 % des parts de marché.
Le groupe Iran Khodro, filiale de l'IDRO, première entreprise du
pays
8(
*
)
et plus grand
constructeur du Moyen-Orient, a entrepris depuis 1992 une coopération
industrielle avec Peugeot.
Depuis mars 2001, Iran Khodro assemble des Peugeot 206 dont la part
d'intégration locale demeure encore faible. Le modèle le plus
produit aujourd'hui par Iran Khodro dans le pays reste encore celui que l'on
assimile à la vieille voiture nationale, à savoir la Paykan,
fabriquée depuis plus de trente ans. Ce modèle est toutefois
appelé à disparaître dans les années à venir,
au profit d'une nouvelle voiture, de prix équivalent et répondant
aux normes internationales actuelles de qualité et de consommation.
C'est dans cette optique que le ministère de l'industrie a lancé
un appel d'offre.