LE PARC INFORMATIQUE DANS LES UNITÉS : UNE TROP GRANDE DIVERSITÉ DE MOYENS ET D'INVESTISSEMENTS

Les éléments observés sur le terrain

Un taux d'équipement en ordinateurs non négligeable mais très hétérogène

Le parc informatique dont disposent la Police Nationale et la Gendarmerie Nationale est assez conséquent, puisque le taux d'équipement « déclaré » est d'1 poste pour 2,53 policiers et d'1 poste pour 2 gendarmes.

Il existe un standard défini par la Direction de l'Administration de la Police Nationale (DAPN) 89 ( * ) . Ce standard existe aussi dans la gendarmerie même s'il est différent 90 ( * ) . La durée d'utilisation des PC est fixée généralement entre 5 et 6 ans 91 ( * ) . Pourtant, ces standards ne sont pas véritablement respectés :

Exemple : une des brigades de gendarmerie visitées compte 18 gendarmes. Sur les matériels recensés, on distingue 5 Céléron 333 (de 2 à 3 ans d'existence) et 3 Pentium 100, ce qui est différent des standards évoqués précédemment.

Les observations faites sur le terrain montrent qu'il existe, en fait, une grande hétérogénéité des équipements. Ce constat est d'ailleurs partagé par la Sous-Direction des Transmissions et de l'Informatique (SDTI), pour laquelle « le parc est hétérogène et incomplet par rapport aux besoins ; l'objectif d'un micro-ordinateur pour deux militaires n'a plus de sens car le poste de travail (bureau et PC) est personnalisé ». Un bon nombre de personnes interrogées s'accorde à reconnaître un certain retard des forces de sécurité en la matière. De surcroît, l'équipement dépend de la volonté des responsables locaux :

Exemple : un directeur départemental de la Sécurité Publique rencontré entend mener une politique très active en matière d'équipement informatique. L'ensemble des unités se voit dotée d'un ratio de poste par agent élevé (1 pour 2). Les commissariats sont, a minima , en réseau interne. En revanche, dans un autre département, l'équipement informatique des commissariats ne suit aucune règle précise.

Exemple : dans ce cadre, la Préfecture de Police n'est pas plus performante. Le fax et la disquette font majoritairement office de réseau et les applications nationales de suivi ne sont pas installées (Main Courante Informatisée par exemple). Le matériel est en général particulièrement obsolète, aucune règle n'existe en terme de mise en réseau, l'allocation des postes n'est pas non plus idéale.

Il convient de noter une conséquence également dommageable : dès lors que le matériel est hétérogène, les consommables informatiques sont hétérogènes. Cet effet ne permet aucune économie d'échelle en termes d'achat de consommables.

Exemple : dans une brigade de gendarmerie, on recense jusqu'à 12 modèles d'imprimantes différents, pour lesquelles il faut acheter les cartouches au prix souvent prohibitif, car non négocié, sur les crédits délégués (38 euros la cartouche). Ce fait est constaté dans une autre brigade, où les postes fournis étaient déjà obsolètes au moment de leur livraison. Les retards dans l'approvisionnement sont encore vivement ressentis dans les unités.

Si le parc est hétérogène, l'allocation des postes n'est pas optimale

L'allocation des postes ne répond pas non plus de manière toujours optimale aux besoins des agents. Il n'est pas rare de dénombrer plusieurs ordinateurs dans un seul et même bureau, et pour une seule et même personne. Parallèlement, certains ne disposent que d'un seul poste pour plusieurs agents.

Exemple : dans un commissariat, les fonctionnaires de police ne disposent que d'un poste pour saisir la Main Courante Informatique (MCI) : si plusieurs équipages reviennent au poste en même temps, il est alors nécessaire de faire la queue devant cet unique poste. De surcroît, le commissariat n'est pas en réseau, obligeant à une ressaisie de la main courante par le Bureau d'Ordre et d'Emploi sur son propre poste. Ce dernier dispose quant à lui, de 3 postes pour un seul agent. L'explication la plus souvent donnée : « la machine n'était pas assez performante pour accueillir une nouvelle application. Donc, nous l'avons installée sur un second poste ».

Le phénomène est identique dans la Gendarmerie Nationale :

Exemple : dans une brigade de gendarmerie, les 14 gendarmes disposent d'un seul poste BB 2000 pour la saisie des comptes rendus de service.

En fait, une règle généralement suivie veut que l'ensemble des agents travaillant à des tâches administratives disposent d'un, voire de plusieurs postes, tandis que les agents de terrain n'en ont pas en propre.

Exemple : dans un commissariat central, si l'équipement informatique est relativement correct pour les agents administratifs, il est très faible pour les unités de terrain. Et le parc est lui-même très ancien : 50 % des postes dont disposent les commissariats d'un des départements visités sont obsolètes. Or le budget informatique - bien que premier poste budgétaire - ne permet d'en remplacer que 20 % par an.

Des raisons multiples qui rendent actuellement l'harmonisation très délicate à mettre n oeuvre

L'hétérogénéité du parc, l'obsolescence de certains appareils, les pratiques « d'achats en direct » peuvent trouver différentes explications dans :

§ l'évolution constante des technologies qui augmente d'autant le taux d'obsolescence des matériels,

§ la durée des marchés publics (le cadre juridique des marchés de fourniture étant établi pour 4 ans et la durée d'utilisation étant de 5 ans, « il est difficile de préjuger de la pertinence d'un modèle pour garantir son adéquation aux besoins futurs »),

§ les priorités d'allocation des ressources en fonction du contexte national (la Loi de présomption d'innocence a nécessité l'allocation de 3.000 PC équipés de webcam et de graveurs pour la gendarmerie, ce qui n'était pas pris en compte dans le cadre de la Loi de Programmation Militaire),

§ les considérations économiques (acheter le matériel au prix le plus bas).

Il y a ainsi coexistence entre le matériel fourni par le SGAP ou la légion et celui acheté directement par le commissariat ou la brigade. Dès lors, il est difficile d'harmoniser les standards d'équipement en matière de postes informatiques.

Cette diversité de politiques d'achat a des impacts négatifs dans la mesure où les « initiatives locales » entraînent des dysfonctionnements à plusieurs niveaux :

§ des incompatibilités entre les postes lors de leur mise en réseau,

§ des performances dégradées par une mauvaise adéquation entre le poste et l'usage qui en est fait (notamment pour les applications métiers), ce qui milite dans certains cas pour le maintien des applications locales,

§ un risque de rejet des utilisateurs ne faisant pas la part des choses entre performances du nouvel outil et performances du poste informatique,

§ un déploiement des applications nationales freiné 92 ( * ) ,

§ l'absence d'économies d'échelle dans l'achat des matériels et des consommables informatiques ou dans la passation des contrats de maintenance. C'est le cas par exemple des imprimantes personnelles jet d'encre souvent acquises avec les PC qui induisent des coûts prohibitifs 93 ( * ) ,

§ une procédure de maintenance pénalisée et ralentie par le grand nombre de références produits,

§ la nécessité de produire des applications sous différents systèmes d'exploitation.

Un très fort retard dans la mise en réseau des unités décentralisées

L'absence de moyens de communication par réseau entre les unités décentralisées et les autres structures est un frein important à l'amélioration des fonctionnements. L'hétérogénéité des moyens de transmissions de l'information présente des inconvénients considérables :

§ manipulations inutiles dans le passage d'un support à un autre,

§ double saisie avec les risques d'erreur que cela entraîne.

Exemple : dans un commissariat central, les unités saisissent leur activité dans la Main Courante Informatique (MCI) sur un poste unique. Ensuite, une édition papier est transmise au Bureau d'Ordre et d'Emploi (BOE) qui ressaisit l'information sur son propre poste - le Commissariat n'est pas en réseau et MCI ne permet pas de transmission par disquette.

§ perte d'information (un cas relevé dû à des problèmes de fiabilité de serveur du centre de transmission), ce qui génère un travail supplémentaire en phase de contrôle pour identifier les sources d'erreurs et les corriger,

§ utilisation des réseaux tactiques (notamment RUBIS) à des fins de transmissions d'informations à caractère non opérationnel.

Exemple : dans une Brigade Départementale de Renseignements Judiciaires (BDRJ), la transmission des MIS (Message d'Information Statistique) s'effectue de la brigade à la compagnie par l'intermédiaire du réseau RUBIS. L'agent de la BDRJ récupère le fichier sur le poste RUBIS, sur disquette, et reprend ces informations sur son poste pour alimenter la Base Départementale de Statistique de la Délinquance (BDSD).

Des solutions temporaires de mise en réseau ont été trouvées mais ne peuvent pas constituer une solution viable : les performances sont affaiblies.

Exemple : dans un groupement de gendarmerie, les brigades de communautés communiquent par le biais du logiciel « PC Anywhere » qui permet à une brigade d'accéder à distance à un ordinateur situé sur un site distant. Certaines brigades communiquent avec « PC Anywhere », ce qui perturbe le fonctionnement interne dans la mesure où le poste sur lequel se connecte les brigades distantes est le poste maître du réseau local. Cela impacte ses performances pendant toute la durée de la connexion, limitant ainsi ses capacités d'emploi.

Au niveau de la gendarmerie, ces inconvénients devraient pouvoir être traités à la suite de la décision de la Direction Générale de la Gendarmerie Nationale, dans le cadre de la LOPSI, de mettre en oeuvre un programme de mise en place d'infrastructure réseau prévoyant :

§ l'installation de réseaux locaux dans l'ensemble des brigades (aujourd'hui environ 400 BT sont équipées, cette mesure concerne donc les 3.200 brigades territoriales restantes) 94 ( * ) ,

§ la connexion en réseau sécurisé de toutes les unités de gendarmerie (projet SAPHIR 3G), permettant de créer un vaste intranet accessible à l'ensemble des personnels.

Dans la mesure où ces projets devront être finalisés dans les 2 années à venir, la Direction Générale de la Gendarmerie Nationale a décidé d'équiper l'ensemble des brigades d'accès à l'internet pour l'automne 2003 (solution externalisée) 95 ( * ) . Cet accès permettra aux brigades d'échanger des fichiers.

Des terminaux mobiles propres à chaque organisation

Les forces de sécurité disposent d'équipements embarqués mais ils sont spécifiques à chacune des deux forces.

Les Terminaux de Gendarmerie Embarqués (TGE) de la Gendarmerie Nationale

La gendarmerie utilise des TGE. Ces terminaux sont des PC portables embarqués et fixés à l'intérieur des véhicules. L'avantage est qu'ils offrent les capacités d'un ordinateur et permettent d'accéder aux informations centralisées par l'intermédiaire des réseaux RUBIS et SAPHIR, directement sur le terrain. Cependant plusieurs inconvénients subsistent :

§ la limitation du débit d'information autorisé par le réseau RUBIS limite les échanges à quelques informations (pas de possibilité d'échanger des images ou des cartes par exemple),

§ la sécurité des derniers modèles de véhicules équipant les équipages étant renforcée, la présence d'airbags à l'avant-droit empêche toute fixation du TGE. Le terminal, placé sur les genoux des passagers, perd de son ergonomie et de plus, risque des détériorations pouvant être fatales.

Face à ces limitations, la gendarmerie étudie des équipements de substitution aux PC portables, comme les tablettes graphiques.

TESA pour la Police Nationale

La Police Nationale s'appuie sur TESA. C'est un système informatique opérationnel (SIO) assurant le relais entre ACROPOL et la partie informatique fixe, qui assure la transmission des messages et l'accès aux bases de données nationales.

Chaque SIO gère les utilisateurs d'un réseau de base ACROPOL, c'est à dire d'un département.

Grâce à TESA, les utilisateurs peuvent ainsi, à partir d'un mobile, transmettre et recevoir des messages d'un autre mobile ou d'un poste fixe, et, bien sûr, consulter l'ensemble des fichiers nationaux.

Ce système n'est pas encore généralisé et, dans tous les cas, est dépendant du déploiement du réseau ACROPOL. Les bénéfices sont cependant appréciés, évitant aux équipes d'accéder directement aux fichiers, sans passer par le Centre d'Information et de Commandement (CIC), ce qui représente un gain de temps non négligeable et allège la charge de travail des CIC.

D'autres extensions de TESA sont également prévues, notamment le dialogue automatisé, avec l'application de la Main Courante Informatique (MCI), installée dans les services de sécurité publique.

Les policiers pourront enregistrer les déclarations de main courante directement sur leur portable. Ces équipements illustrent des usages prometteurs (mais à quel horizon ?) des systèmes d'information et de commandement au plus proche des pratiques opérationnelles, apportant un réel bénéfice en termes de :

§ accès aux informations centralisées depuis le terrain,

§ communication facilitée entre unités (dans le cadre de conférences limitant l'accès aux seules personnes habilitées),

§ échanges sécurisés,

§ élément de géolocalisation des faits et des équipages (chaque terminal pouvant être localisé) pour une meilleure appréciation des situations au niveau des Centres d'Information et de commandement,

§ saisine immédiate et unique, favorisant la transmission d'informations contextuelles qui pourront être exploitées immédiatement par les services concernés en constituant de ce fait un élément notoire d'amélioration de la présence des équipes sur le terrain.

Enfin, des terminaux mobiles contribuerait à l'amélioration de la relation avec les citoyens : « l'utilisation des portables permettrait d'aller davantage vers le public. Aujourd'hui, c'est le public qui doit se rendre au commissariat », selon l'administration centrale.

Une maintenance non harmonisée des systèmes utilisés par les unités décentralisées

La maintenance ne fait pas l'objet d'une harmonisation ni dans la police, ni dans la gendarmerie.

Pour la Police Nationale, chaque direction départementale de Sécurité Publique dispose d'un service informatique avec des correspondants dans les commissariats centraux. Le personnel affecté à la maintenance n'a pas obligatoirement suivi de cursus informatique, notamment au niveau local. Les fonctions peuvent être occupées par des agents « autodidactes » motivés.

Les correspondants départementaux, quant à eux, doivent suivre 5 formations obligatoires sur une période de 9 mois.

En tout état de cause, une forte disparité règne d'un département à l'autre, d'une unité à l'autre :

Exemple : une des directions départementale de la Sécurité Publique visitées et les commissariats bénéficient de fonctionnaires de police qui connaissent très bien l'informatique. En revanche, le commissariat d'un autre département ne dispose d'aucun correspondant.

Pour la Gendarmerie Nationale, propriétaire de près de 65.000 postes informatiques, la maintenance des postes est assurée par la filière télécom-informatique 96 ( * ) présente à presque tous les échelons organiques.

Les équipes de maintenance supportent les prestations d'acheminement sur site (les PC sont livrés par palette vers un point central), d'installation et de préparation des PC neufs (mise en place des applications de services). En effet, les marchés d'acquisition de matériels informatiques ne prévoient pas la prise en charge de ces opérations. Elles sont presque entièrement réalisées par des gendarmes et sont consommatrices de temps.

La mise en réseau des 3.500 brigades aura un impact significatif sur la charge de maintenance. « La nécessité de renforcer la filière TI en qualité et en quantité s'accroît pour assurer un soutien minimal (développement, maintenance et exploitation) face à l'accroissement des SIC (système d'information et de communication) », selon un interlocuteur de l'administration centrale.

Dans cette perspective, la Sous-Direction des Télécommunications et de l'Informatique (SDTI) étudie les possibilités d'externalisation de la maintenance PC : « Le problème du développement et du MCO (Maintien en Conditions Opérationnelles - évalué à 11,5 % du budget de la SDTI) du parc informatique conduit à étudier les solutions d'externalisation ». Cette pratique est d'ores et déjà mis en oeuvre concernant le parc des télécopieurs au sein des brigades : « un contrat établi avec un fournisseur engage ce dernier à équiper chaque brigade en s'assurant d'adapter le matériel (gamme, capacité) aux besoins réels de l'unité. Un contrôle des dépenses est facilité dans la mesure où le contrat est établi en fonction de la consommation réelle, sur la base d'un coût fixe par page ».

Concernant la qualité de service, la relation des unités de terrain avec ces correspondants informatiques ne semble pas donner toute satisfaction, notamment en matière de maintenance. La plupart des commandants de brigade interrogés ont reconnu qu'ils ignoraient la date de passage du service des télécommunications pour la connexion en réseau de leurs machines, voire pour la livraison des consommables demandés.

Enfin, les locaux eux-mêmes ne sont pas toujours adaptés pour accueillir un grand nombre de postes informatiques.

Exemple : dans un commissariat central de la Préfecture de Police, un système de climatisation de certaines salles a été installé après que les quatre postes du service des statistiques ont été endommagés à cause de la trop forte chaleur.

* 89 Matériel de type Pentium II ou III , 1,7 Ghz, 256 RAM, 20 G DD (avec une majorité d'ordinateurs tournant sous système d'exploitation Windows 98 soit 64,7% et sous Windows 2000 pour 17,3 %).

* 90 Processeur Céléron, 1,8 Ghz, 256 RAM, 40G DD, Windows 2000.

* 91 Le seuil communément admis dans le secteur privé est fixé à 3 ans.

* 92 Un rapport de mission de la DCSP effectué durant l'été 2002 constate que 63 % des sites continuent d'utiliser la version DOS de la Main Courante Informatisée

* 93 Une page éditée sur une imprimante couleur personnelle peut coûter jusqu'à 0,76 euros contre 0,015 euros pour une copie.

* 94 fin des travaux prévues fin 2004

* 95 6 000 postes PC seront distribués à cet effet, dans ce cadre (marché GAIA - Groupement d'Achat de l'Informatique des Armées)

* 96 La charge de maintenance est estimée à 200 équivalents temps plein par la SDTI.

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