2. Alléger la charge sur les assiettes délocalisables

Le rapport du Conseil d'analyse économique sur la compétitivité se montre particulièrement lucide sur les raisons qui pourraient conduire la France à se doter d'un régime fiscal d'exception pour attirer les « talents étrangers » : « (...) la situation réservée aux cadres impatriés est certainement moins avantageuse qu'à l'étranger (notamment concernant les frais déductibles). Cette situation pose un problème d'image : la vitrine fiscale de la France est bien terne. Que contient la vitrine de nos concurrents ? Le Royaume-Uni et l'Irlande fonctionnent sur le principe dit de « remittance basis », tandis que le Danemark a un taux marginal réduit pour les «impatriés », tout comme la Finlande. Plus généralement, neuf États européens sur quinze ont un régime spécifique pour les cadres « impatriés » : Autriche, Belgique, Danemark, Finlande, Irlande, Luxembourg, Pays-Bas, Royaume-Uni et Suède. La France ne dispose pour sa part que du régime des « quartiers généraux », autorisant le remboursement par l'employeur des surcoûts de logement, d'excédent d'impôt ou de cotisations sociales. (...) C'est en ce sens que les propositions du rapport Charzat ou celle de Paris Europlace doivent être comprises : la mise en place d'un régime spécial pour les « impatriés », à l'image de ce qui existe pour les expatriés, relève du « produit d'appel », c'est-à-dire de la concurrence fiscale. Un tel régime ne se justifie que par son existence dans les pays concurrents et se heurte en France au principe constitutionnel de l'égalité devant l'impôt ».

Le tableau ci-dessous montre en effet les avantages consentis à ceux qui sont source de croissance à moyen terme :

Avantages fiscaux accordés aux « impatriés »

 

Types d'activité

Nature des avantages fiscaux

Belgique

Cadres supérieurs
Chercheurs

Exonération d'impôt sur le revenu du remboursement par l'employeur des dépenses d'expatriation

Luxembourg

Cadres et dirigeants d'entreprises nouvelles

Abattement mensuel en distinguant les résidents (60 mois) des non résidents (36 mois)

Pays-Bas

Haute qualification professionnelle

Indemnité pour frais, exonérée d'impôt sur le revenu de 30  % au plus, de la rémunération globale
Exonération d'impôt sur le revenu du remboursement par l'employeur des frais de scolarisation des enfants à l'étranger

Royaume-Uni, Irlande

Toutes activités

Non-imposition des rémunérations versées par les employeurs non résidents tant que les revenus ne sont pas transférés dans l'Etat du domicile

Source : Conseil d'analyse économique

Le gouvernement a entrepris une réflexion sur ce thème. Dans son discours du 27 juin 2003 lors de la Conférence mondiale pour les investissements nationaux à La Baule, M. Jean-Pierre Raffarin a ainsi indiqué : « conformément aux recommandations de nombreux rapports récents, dont le rapport Charzat de juillet 2001, sous la précédente majorité, j'ai demandé à Francis Mer de proposer des premières mesures adaptant leur situation fiscale avec comme objectif de rapprocher le statut du cadre impatrié de celui de nos expatriés. » Il a par ailleurs confié une mission à notre collègue député Sébastien Huygue visant à formuler des propositions pour favoriser la localisation en France des sièges sociaux et des centres de décision des entreprises internationales.

Au-delà de ces mesures de « vitrine fiscale », qui pourraient comprendre, en ce qui concerne l'ISF, l'allongement de la période, actuellement fixée à cinq ans, durant laquelle un résident étranger n'est pas taxé sur ses biens sis en dehors de notre territoire et des mesures d'amnistie pour les capitaux revenant en France, des dispositions structurelles doivent être prises pour attirer et retenir les qualifications les plus élevées et les entrepreneurs les plus dynamiques. Ceci passe par un allègement déterminé de la fiscalité des « facteurs mobiles », qui est par excellence celle du patrimoine, aujourd'hui dissuasive.

En ce qui concerne l'impôt de solidarité sur la fortune, que ne connaissent pas dix pays sur les quinze de l'Union européenne, une réflexion en termes d'attractivité conduit, sinon à sa suppression, du moins à une réforme du barème, en diminuant le nombre de tranches, et en réduisant le taux marginal d'imposition.

En ce qui concerne les droits de mutation, auxquels votre rapporteur général a consacré un rapport d'information 29( * ) , une réforme diminuant le nombre de tranches, les élargissant et remontant l'abattement à la base coûterait 2,6 milliards d'euros pour les successions, et un milliard d'euros supplémentaire pour les donations, soit un montant du même ordre que la baisse de 6 points de l'impôt sur le revenu.

L'ensemble des réformes structurelles visant à renforcer l'attractivité du « site France », en allégeant la fiscalité des facteurs de production les plus mobiles, ne doit pas avoir pour effet de créer de nouvelles distorsions économiques, en particulier au détriment du travail non qualifié, qui ne doit pas voir son coût augmenter sous peine de freiner l'emploi. Une réflexion sur les assiettes non délocalisables doit ainsi être menée.

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