E. LA PROCÉDURE
1. Le rôle de l'avocat.
Votre rapporteur a entendu des opinions variées sur ce thème, qui se ramènent essentiellement à deux conceptions assez divergentes : l'une préconisant le recours systématique à un avocat pour chaque époux, y compris en cas de consentement mutuel ; et l'autre qui tend à limiter les facteurs de ralentissement injustifié des procédures de divorce.
a) Le maintien de la possibilité pour les époux de choisir un seul avocat d'un commun accord en cas de consentement mutuel
Dans la
procédure de divorce par consentement mutuel, le droit en vigueur (art.
230 du code civil) prévoit la possibilité pour les époux
de choisir un seul avocat d'un commun accord, le divorce contentieux
nécessitant, pour sa part, que chaque époux soit assisté
d'un avocat. Le présent projet de loi ne modifie pas ce schéma
(texte proposé pour l'article 250 du code civil).
Votre délégation s'est interrogée sur une question
controversée et difficile : faut-il imposer un avocat à
chacun des époux même en cas de divorce par consentement
mutuel ?
Certes, le consentement des époux est beaucoup plus
éclairé lorsque chacun a son conseil et votre rapporteur est
particulièrement sensible au besoin de certaines femmes de trouver un
appui dans une situation difficile.
En même temps, imposer, de manière systématique un avocat
à chaque époux peut apparaître contraire au
développement du divorce par consentement mutuel entre des époux
pleinement capables de faire des choix.
De manière pragmatique, on peut tout d'abord, observer que
l'interdiction de choisir un seul avocat constitue dans un grand nombre de cas
-et tout particulièrement pour les couples n'ayant ni enfants ni
intérêts patrimoniaux- une mesure contraire à l'objectif de
simplification qui sous-tend la réforme et correspond à une
attente réelle.
Ensuite, le juge est le garant du consentement « libre et
éclairé des deux conjoints » et on peut craindre, dans
les cas où existe « un rapport de dominant à
dominé », que l'un des conjoints puisse influencer le choix du
second avocat.
Tels sont les arguments, fondés sur l'analyse de la pratique du divorce,
qui militent en faveur du maintien de la possibilité de choisir un
avocat unique. Celle-ci est utilisée en pratique, dans 90 % des divorces
par consentement mutuel, l'avocat intervenant essentiellement comme conseiller
dans la rédaction des conventions des époux.
Il convient de rappeler que lors de la comparution des époux, le juge
les entend séparément, puis ensemble, et conformément
à l'article 1093 du nouveau code de procédure civile,
« leur adresse les conseils qu'il estime opportuns ».
Votre délégation a eu l'occasion de souligner que l'extorsion du
consentement, tout particulièrement à certaines femmes victimes
de violences et qui souhaitent avant tout s'en éloigner, est un
problème fondamental dont la solution ne relève pas uniquement du
perfectionnement -ou de la complication- des procédures judiciaires.
Votre délégation avait suggéré, de ce point de vue,
contre la loi du plus fort, de lancer des campagnes de communication efficaces
sur l'ampleur et la gravité des violences conjugales afin de rompre le
sentiment d'isolement et le silence des femmes -ou des maris- victimes et en
les incitant à enclencher les démarches utiles auprès des
institutions et associations d'ores et déjà prêtes à
se mobiliser. Le nouveau dispositif du projet de loi permettant
l'éloignement du domicile de l'auteur des violences est susceptible de
contribuer à cet objectif en permettant à la victime de retrouver
la quiétude nécessaire pour défendre au mieux ses
droits.
b) Le risque de ralentissement des procédures
Lorsque
l'épouse prend l'initiative du divorce, la procédure peut
être provisoirement bloquée si le mari, pourtant d'accord sur le
principe de la séparation se présente à l'audience seul
pour minimiser les frais d'avocat.
Tel est par exemple, le sens de l'objection formulée par Mme
Françoise Dekeuwer-Défossez lors de son audition par la
délégation. Elle a, en effet évoqué ce point
problématique du déroulement prévu de la procédure
contentieuse. La rédaction de l'article 253 du code civil
résultant du projet de loi, dispose qu'en dehors du divorce par
consentement mutuel, «
les époux ne peuvent accepter le
principe de la rupture du mariage et le prononcé du divorce sur le
fondement de l'article 233 que s'ils sont chacun assistés par un
avocat
».Or tout en indiquant qu'elle comprenait bien l'esprit
d'un tel dispositif, Mme Françoise Dekeuwer-Défossez a cependant
estimé que cette rédaction, qui réserve l'accord du
défendeur sur le principe du divorce au cas où il a recours
à un avocat, était susceptible de paralyser un certain nombre de
procédures. En effet, a-t-elle précisé, ce sont les femmes
qui, le plus souvent, demandent le divorce et une grande partie d'entre elles
bénéficient de l'aide juridictionnelle ; cependant, à
l'audience, un certain nombre de maris ne bénéficiant pas de
l'aide juridictionnelle refusent non pas le divorce, mais de prendre en charge
des frais d'avocat.
Elle a estimé dommageable de ne pas tenir compte de l'accord des
époux sur le principe du divorce lorsque celui-ci ne fait aucun doute,
d'autant que le juge est chargé de s'assurer de la réalité
du consentement de chacun.
Votre rapporteur, tout en rendant hommage à la justesse et au
réalisme de cette objection, estime pourtant essentiel de
préserver le principe de l'assistance obligatoire de chaque époux
par un avocat dans les procédures contentieuses. Pour s'en convaincre,
il suffit de « renverser le tableau » en imaginant une
épouse dépourvu d'avocat et dont le consentement de principe
pourrait être « extorqué » sous la pression de
violences morales.