RECOMMANDATIONS
1.
La délégation constate à
travers
la diversité des droits en vigueur, notamment dans les Etats
européens, un phénomène général de
montée du nombre de divorces depuis les années 1960. Elle observe
cependant, en France, depuis les années 1990, un plafonnement (à
environ 120 000 par an ) et même une légère diminution
de ce nombre qui s'accompagne d'une reprise de l'augmentation des mariages,
alors même que se sont élargies les possibilités de vie en
couple sous d'autres formes. Elle en déduit que le mariage est, plus que
jamais, pour nos concitoyens, et comme en témoigne l'augmentation de
l'âge du premier mariage, un choix réfléchi qui justifie
l'aménagement de procédures de divorce à la fois plus
libres et plus responsables.
2. Elle souhaite cependant que le législateur puisse se prononcer, sur
des données de droit ou de procédure civile, en gardant à
l'esprit les facteurs fondamentaux qui déterminent les ressources des
conjoints, avec notamment des inégalités de revenus entre hommes
et femmes qui restent de l'ordre de 25 % aujourd'hui pour les salaires et
de plus de 40 % pour les retraites.
3. La délégation attire également l'attention sur
l'existence d'une situation asymétrique qui appelle des mesures de
rééquilibrage juridiques et sociales : l'initiative
principalement féminine des demandes de divorce montre que les femmes
ont à subir plus que les hommes, au quotidien, les dysfonctionnements du
mariage et à assumer dans plus de 90 % des cas la garde des enfants
après les séparations.
4. La délégation approuve le principe de la réforme qui
vise à apaiser le divorce et à assurer un équilibre entre
les époux en les incitant à concentrer davantage leur attention
sur les conséquences prévisibles de leur séparation
plutôt que sur ses causes, leur préoccupation majeure devant
rester l'avenir de leurs enfants.
5. Consciente de la diversité des attentes des couples, la
délégation approuve les mesures de simplification du divorce par
consentement mutuel. Elle forme le voeu que cette simplification permette aux
magistrats de consacrer plus de temps à la détection
d'éventuelles violences ou pressions conjugales et de conseiller
utilement les époux dans la préparation et la gestion de
l'après-divorce.
6. Elle attire l'attention sur la fragilité de la situation d'un certain
nombre de femmes qui, pour élever leurs enfants et se consacrer
exclusivement à leur famille, ont abandonné leur emploi ou n'ont
jamais exercé d'activité professionnelle. Elle estime à ce
titre que la simplification et l'accélération des
procédures de divorce appellent, en contrepartie, un examen
particulièrement attentif des garanties de ressources accordées
notamment à des femmes qui ne pourront prétendre à aucune
pension de retraite.
7. Elle constate la suppression, dans le projet de loi, de la clause
d'exceptionnelle dureté. Justifiable du point de vue pratique, cette
suppression marque, en même temps, la disparition de tout lien entre le
code civil et l'indissolubilité du mariage dont la symbolique continue
néanmoins d'imprégner fortement un certain nombre d'unions.
8. Elle approuve pleinement le dispositif permettant à l'époux
victime de violences de saisir le juge, avant même toute requête en
divorce, pour organiser la résidence séparée du couple en
bénéficiant d'une priorité à son maintien dans le
domicile conjugal
.
Elle souligne, à ce titre, que l'auteur des
violences ne doit pas pouvoir se soustraire à ses obligations relatives
au financement du logement
.
Elle appelle à
réfléchir à un dispositif similaire pour les concubins et
les « pacsés » vivant avec des enfants.
9. Tout en souscrivant à l'objectif d'apaisement du divorce, elle
recommande, à l'article 242 du code civil, de maintenir, comme
caractérisation de la faute, la violation non seulement grave mais aussi
« renouvelée » des devoirs et obligations du
mariage : cette précision utile est aujourd'hui fondée sur
une analyse approfondie des modalités parfois insidieuses des violences
conjugales et vise notamment la répétition des attitudes de
dénigrement ou de mépris et, a fortiori, le cas des femmes
contraintes par leur conjoint à des pratiques ou des rapports sexuels
forcés.
10. La délégation manifeste sa vive préoccupation à
l'égard des femmes divorcées qui, après s'être
consacrées à leur famille, risquent de se retrouver en âge
de retraite, affaiblies, isolées et sans ressources.
Elle souligne la nécessité de prendre en considération ces
situations difficiles au moment de la fixation des modalités de
versement de la prestation compensatoire.
En particulier, elle souhaite que soit facilité le
« panachage » entre capital et rente viagère
, et
s'inquiète
du
durcissement des critères d'attribution
d'une rente viagère
.
Elle estime nécessaire de veiller à ce que le décret
fixant le barème de conversion d'une rente en capital définisse
des modalités de conversion équitables
et d'écarter
cette possibilité lorsque l'époux créancier a par dessus
tout besoin de moyens de subsistance réguliers.
La délégation souligne également que la prestation
compensatoire doit être complétée par une palette d'outils
de rééquilibrage qui vont du contrat d'assurance vie en faveur du
conjoint jusqu'à l'aménagement des conditions permettant à
un parent isolé de concilier sa vie professionnelle avec sa vie
familiale.
11. Sans aller jusqu'à préconiser une franchise fiscale en cas de
séparation, elle estime nécessaire d'adapter la fiscalité
du divorce et de la prestation compensatoire pour empêcher celle-ci
d'être pénalisante et favoriser la bonne exécution des
accords conclus entre époux ou des décisions du juge, sans
imposition excessive.
12. Elle souligne enfin la nécessité d'appliquer sur le terrain
les dispositions législatives qui visent à éteindre
progressivement et irréversiblement
certaines pratiques du statut
personnel en vigueur à Mayotte comme la polygamie et la
répudiation unilatérale.
13. La demande en divorce étant la première et la principale
occasion pour le citoyen d'être confronté à la Justice
ainsi qu'à la terminologie judiciaire, la délégation
recommande de perfectionner l'information du justiciable, trop souvent
désorienté, en mettant à sa disposition des lexiques et
des schémas simples.