SYNTHÈSE DES DÉBATS

Pierre CHEVALIER ~ Président de la SEMA

Monsieur le Sénateur, mesdames et messieurs les présidents, mesdames et messieurs les directeurs, chers amis, cette journée d'échange et de réflexion est essentielle, car c'est bien en anticipant et en s'adaptant que pourra être assurée la pérennité du secteur.

Un certain nombre de difficultés trouvent leur source dans plusieurs causes : d'abord, un manque de connaissance de ces voies professionnelles, un déficit d'image des formations techniques auprès des jeunes, et surtout l'insuffisance évolutive de l'enseignement aux mutations technologiques et économiques.

Comme l'ont souligné Patrice VOELKEL et Isabelle EMMERIQUE, il faut des cycles de formation offrant de véritables débouchés. Certes, les nouvelles mesures prises dans le cadre de la loi sur l'initiative économique pourront certainement apporter des solutions économiques, facilitant notamment la transmission des entreprises métiers d'art. Une meilleure santé économique permettra sans aucun doute de revaloriser des activités qui, si elles font vivre la passion, laissent certaines insatisfactions sur le plan de la rentabilité. Or, le capital image d'une profession et son attractivité reposent tant sur sa capacité à dégager des résultats financiers que sur le contenu de l'activité, et plusieurs intervenants l'ont souligné à juste titre.

Les Journées nationales de métiers d'art et la démultiplication des actions de communication envers le public permettent de mieux faire connaître les valeurs de ces métiers. La prochaine édition des JMA, Journées métiers d'art, des 14, 15 et 16 octobre 2004, s'adressera particulièrement aux jeunes, et il faut espérer de leur part un regain d'intérêt grandissant.

Enfin, la question la plus essentielle, et comme l'ont souligné les intervenants, est liée aux difficultés de l'adaptation de la formation initiale au défi de compétitivité des entreprises métiers d'art dans un marché mondialisé. Il faut certes former les jeunes de manière à ce qu'ils puissent répondre aux besoins des professionnels qui les emploieront, et qu'ils soient en mesure, au fil de leur vie professionnelle, d'harmoniser leurs compétences aux besoins exprimés par le marché.

Comme l'a exprimé Gérard DESQUAND, il faut construire de véritables filières du CAP au Bac +4 avec alternance et revoir les contenus de certains diplômes de façon à permettre aux jeunes de suivre un enseignement supérieur. Mais les voies royales, les grandes écoles parisiennes, ne doivent pas être les seules reconnues pour la solidité de l'enseignement dispensé. Il est important d'encourager les élèves qui optent pour une formation professionnelle dès leur plus jeune âge et poursuivent leurs études vers des qualifications de plus haut niveau.

La forte demande émanant des professionnels en exercice démontre qu'il est nécessaire de savoir créer de la valeur ajoutée dans le bel ouvrage, mais également de savoir valoriser cette valeur ajoutée, et surtout la vendre, comme l'a précisé très justement Pierre BAQUÉ, conseiller technique auprès de Luc Ferry.

Les jeunes qui sortent des filières de formation technique sont appelés à s'intégrer dans un tissu économique particulier, constitué de très petites entreprises où ils devront avoir des compétences plurielles de la tradition jusqu'au design. Comme le disait Françoise COEUR, ils doivent avoir les maîtrises d'excellence nécessaires pour rendre vivant notre patrimoine, une complicité historique, une démarche pour l'avenir.

Ainsi que l'a évoqué Hélène FARNAULT, le paysage économique se modifie, car les nécessités de rentabilité ont mis en difficulté un grand nombre de métiers traditionnels qui n'ont pas su ou n'ont pas pu s'adapter pour survivre. En effet, le consommateur est plus sensible que naguère aux métiers d'art, mais plus informé, il est aussi plus exigeant. Cela est positif, car c'est un signe fort de l'évolution culturelle de la consommation, mais cela engendre l'impérieuse nécessité d'avoir des formations initiales mieux adaptées aux nouveaux modes de consommation. Les produits importés deviennent une menace s'ils égalent les nôtres.

Au-delà des savoir-faire traditionnels acquis, la formation doit ouvrir aux jeunes les horizons de l'innovation, et comme l'on exprimé les intervenants, il faut absolument sortir d'une logique opposant le penseur et le réalisateur.

Comme l'ont dit beaucoup d'intervenants, c'est donc à la recherche d'une meilleure cohérence entre savoir-faire et création, à cet équilibre dans l'enseignement dispensé qu'il convient de tendre. Technique et théorie ne sont pas antagonistes, elles se conjuguent.

La formation des jeunes ne se contient pas uniquement dans les enceintes des établissements scolaires, et l'entreprise est également investie d'une fonction formatrice à part entière. Plusieurs intervenants l'ont fait remarquer.

Doit-elle être développée ? Doit-elle être réformée ? Les exposés de Pascal PORTE, Jean-Patrick FARRUGIA et André MALICOT ont affirmé que l'entreprise est un partenaire indispensable de la formation. Pour bien transmettre le savoir-faire, le maître d'apprentissage doit aimer son métier et faire confiance à son apprenti. Il faut encourager les professionnels qui consacrent du temps à transmettre leur savoir-faire à un jeune. Il faut aussi changer certaines mentalités, ne plus considérer la voie technique comme une voie de garage et changer l'image elle-même de l'apprentissage, on en parlait encore à l'instant.

Le ministre chargé des PME et de l'Artisanat, Renaud DUTREIL, souhaite donner un nouvel essor à l'apprentissage. Un livre blanc est constitué, réunissant 50 propositions issues des consultations effectuées auprès des professionnels afin de moderniser l'apprentissage. Cette réforme qui sera mise en oeuvre prochainement est très attendue.

Les stages de perfectionnement mis en oeuvre par la SEMA s'avèrent aussi des dispositifs adaptés au croisement entre école, élève et milieu professionnel. Ainsi que le disait Nizette GERMAN, un complément de formation en atelier est tout aussi indispensable pour transmettre les tours de main. Le stagiaire découvre la réalité d'un métier, mais également l'identité d'une région, ce qui conduit Pierre CHEVALIER à évoquer la régionalisation.

En effet, au croisement de ces exigences, se trouvent les collectivités territoriales. Les régions, dans le cadre de la deuxième étape de la décentralisation, auront de plus en plus de responsabilités et seront directement au contact des problématiques d'emplois. Comme le soulignait très bien Gérard CHERPION, il est souhaitable que les régions développent une politique métiers d'art fortement inspirée par les grandes options régionales. Pour cela, il faut favoriser l'émergence et la mise en réseau de centres de formation.

Grâce à son centre de ressources, la SEMA est à même d'apporter aux régions un service de capitalisation et de diffusion de l'information. Elle dispose par exemple d'une base de données accessible par Internet qui recense quelque 3 000 formations initiales et continues en France et dans les quinze pays de l'Union européenne. Dans sa mission d'utilité publique, la SEMA devra apporter ses conseils pour harmoniser les formations dans la nouvelle étape de la décentralisation, en s'attachant à renforcer les complémentarités sur le plan régional, mais aussi national, tout en éditant et surtout en évitant les doublons. C'est vrai que les métiers d'art n'ont pas les moyens d'avoir ces doublons.

A l'instar de l'exemple de la filière de la facture instrumentale, comme le préconisent les directeurs des établissements de formation, et comme l'a si bien souligné Marlène SCHAEFFER, il s'avère dans le cas des métiers à faible effectifs, donc de nos métiers, indispensable d'assurer le recentrage de certains centres de formation, permettant ainsi la valorisation des savoir-faire et la mutualisation des compétences des intervenants professionnels. Pour cela, il convient de produire désormais plus de cohérence au niveau national.

Pierre CHEVALIER pense que ce point est très important et que dans la régionalisation, ceux qui sont au Sénat ou au Parlement doivent absolument y penser, c'est un point essentiel. Les métiers d'art sont des métiers à petits effectifs, on ne pourra pas faire de bonnes formations en ayant des centres de formation spécialisée dans toutes les régions de France, c'est impossible.

Enfin, Pierrette CATEL a évoqué l'action « SEMAville » où les métiers d'art peuvent être porteurs de plus-values de qualité et de diversité culturelle parce qu'ils offrent un cadre pour l'accomplissement des individus autour d'un investissement personnel ou pour l'implication des citoyens autour d'un projet collectif.

Pierre CHEVALIER souhaite donc conclure en disant que la formation ne s'arrête pas uniquement à une solide formation initiale, ainsi qu'à l'obtention d'un diplôme. Il faudra traiter dans un prochain colloque de la formation professionnelle continue, car la formation se forge tout au long d'une vie professionnelle, en particulier dans les métiers d'art.

Pierre CHEVALIER remercie l'assistance pour son attention et il espère que tous continueront à combattre pour les jeunes.

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