3. La réforme des systèmes de santé en Europe : concilier équité, qualité et efficacité

M. Claude Evin , Député, à partir de son expérience ministérielle en ce domaine mais aussi dans le souci des évolutions actuellement en cours dans tous les États européens, prend la parole en ces termes :

« Ce rapport permettra de fixer un certain nombre de principes face à la situation à laquelle nous sommes confrontés dans chacun de nos pays: réformer nos systèmes de santé.

Quels que soient, en effet, les modes d'organisation de notre système, qu'ils soient organisés plutôt sur un mode assurantiel de type «Bismarck» ou plutôt organisés autour de l'État, en systèmes de santé de type «Beveridge», que nous soyons dans des pays de l'Europe ouverts depuis longtemps à une économie de marché, ou dans des pays d'Europe centrale et orientale, en transition de l'économie étatisée vers une économie plus libérale, nous sommes tous confrontés à la nécessité d'adapter nos systèmes. Tous nos systèmes sont confrontés d'une part au vieillissement de la population et d'autre part à l'augmentation des coûts car assurer des soins de qualité coûtent de plus en plus cher.

Il est bon que notre Assemblée, face à ces situations qui nous rassemblent tous, exprime aujourd'hui un certain nombre de principes. Et précisément, le rapport de notre collègue Brînzan en affirme un certain nombre.

L'égalité de l'accès aux soins, qui est notre souci, est le premier principe à affirmer. L'accès aux soins, ce n'est pas une activité économique comme les autres. Tout le monde doit pouvoir se faire soigner quels que soient ses revenus, tout le monde a droit de recevoir des soins de qualité. Il s'agit de ce qui est le plus fondamental pour l'homme: le droit à la vie. J'entends bien un certain nombre de mes collègues me rétorquer: «mais il faut que les patients soient responsables»! Certes! Loin de moi, naturellement, l'idée de nier la responsabilité de chacun.

Chers collègues, je voudrais appeler votre attention sur le fait que, devant la santé, le choix de chacun d'entre nous n'est pas évident. Quand nous sommes malades, nous ne savons pas ce qui est bien pour notre santé disons, plus généralement, ce qui est bien dans notre situation. Chacun a besoin d'être éclairé. Voilà pourquoi il est nécessaire d'affirmer un rôle régulateur de la part de l'État. On ne peut pas laisser le patient seul face à un choix devant une offre de soins non organisée. On ne peut admettre une offre de soins organisée uniquement en fonction des règles du marché. L'État doit jouer un rôle de régulation de notre système de santé.

Le fait que l'État joue ce rôle ne signifie pas qu'il doit tout faire, que la seule organisation du système de santé préconisée dans ce rapport serait une organisation étatique. Les pays qui ont fait, par exemple, le choix d'un système fondé sur des assurances sociales et qui organisent le financement de l'accès aux soins selon des principes de solidarité nationale et non en fonction des principes de marché ou de la concurrence commerciale, n'ont pas tout confié à l'État. Ils ont affirmé fortement la nécessité que l'État organise à la fois l'offre de soins et son financement. Notre Assemblée doit donc confirmer l'égalité de l'accès aux soins. Cette égalité doit faire partie des principes fondamentaux des droits des personnes.

Le rapport est important en ce qu'il insiste sur la prévention. Notre objectif ne doit pas être, seulement, d'offrir des soins et d'organiser leur consommation, il est aussi de tout faire pour éviter que nos populations soient malades. Il importe que nous puissions conduire des politiques de santé publique dans les domaines des comportements dits «à risque», qu'il s'agisse de la consommation de tabac ou d'alcool. De ce point de vue, l'État doit pouvoir jouer aussi un rôle important.

En effet, ce rapport doit être approuvé parce qu'il affirme très fortement -mais sans doute faudra-t-il l'enrichir d'un amendement en la matière- les droits des patients. Il est absolument nécessaire de les affirmer tout comme il faut affirmer les droits à l'autonomie de la personne face aux systèmes de santé.

En conclusion, cet excellent rapport mérite d'être soutenu. Il affirme la nécessité de l'équité dans l'accès aux soins, de la qualité dans l'offre de soins. Ce rapport réaffirme des principes qui sont parfaitement en cohérence avec ceux de l'ensemble du Conseil de l'Europe, des principes de cohésion sociale. »

M. Jean-Pierre Kucheida , Député, prend la parole à son tour pour insister sur l'impératif de solidarité qui doit continuer de régir nos systèmes de soins :

« L'excellent rapport de notre collègue Ovidiu Brînzan aborde en peu de pages de nombreux problèmes et ouvre à notre réflexion des pistes que, sans doute, nous retrouverons dans les travaux de notre Assemblée au cours des années à venir. Je rejoins très largement ce que vient de dire mon collègue Claude Evin.

Je suis d'accord avec M. Brînzan pour considérer, comme le dit le projet de recommandation, que la réforme des systèmes de santé européens doit être guidée par les valeurs de dignité, d'équité, de solidarité et d'éthique professionnelle.

Je voudrais insister ici sur l'idée de solidarité. La solidarité, au sein même de notre société, avant d'être le critère d'une réforme, doit être le guide du comportement de chacun. Nous en avons eu la preuve l'été dernier en France: la canicule a pris par surprise un pays classé par l'OMS comme le premier au monde pour son système de santé. Mais là où existe une tradition collective d'entraide, comme dans les régions minières que je connais bien, la canicule n'a pas eu d'effet dévastateur aussi frappant que dans la région parisienne ou dans quelques grandes agglomérations. La solidarité doit donc être dans les fondements de notre société.

La solidarité justifie aussi la création d'un véritable service public de la santé, assurant effectivement l'égal accès de tous aux soins. La couverture maladie universelle qui se met en place par exemple en France et qui est contestée par certains, est un bon exemple de mise en oeuvre de cette idée de service public. Mais puisque la solidarité est au fondement du système, elle implique aussi la responsabilisation de ceux qui en bénéficient. La santé n'est pas la surconsommation des produits de santé; les effets pourraient d'ailleurs en être diamétralement opposés. Une véritable pédagogie de la santé est à mettre en place.

Enfin, la solidarité implique que la santé échappe le plus possible aux lois du marché. La vie ne peut être objet de commerce. Si la qualité des soins obéit si peu que ce soit à un arbitrage de rentabilité, il ne fait pas de doute que nous assisterions aux pires abus. A cet égard, l'expérience du système de santé américain est éclairante. »

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