2. Les données macroéconomiques ne traduisent pas une spécialisation des pays en développement dans les activités polluantes

En dépit des exemples susmentionnés, on n'assiste pas à un mouvement général de délocalisation des industries polluantes vers les pays du Sud.

Une étude de la Banque mondiale de 1998 28 ( * ) a examiné les exportations et les importations de produits à forte intensité de pollution pour différents groupes de pays. Il ressort de cette étude que les pays à haut revenu exportent davantage de produits à forte intensité de pollution qu'ils n'en importent (le ratio exportations/importations est supérieur à 1), alors que la situation inverse prévaut pour les pays en développement. Comme le montre le diagramme suivant, cette tendance s'est plutôt accentuée entre 1986 et 1995 (sauf pour les pays à bas revenu) : le ratio exportations/importations de produits à forte intensité de pollution a augmenté dans les pays à haut revenu, mais a décliné dans les pays à revenu intermédiaire. Les pays développés semblent donc avoir conservé un avantage comparatif dans la production de produits polluants, malgré le renforcement de leurs normes environnementales.

Ratio exportations/importations de produits à forte intensité de pollution

Cette conclusion est partagée par P. Sorsa 29 ( * ) , qui estime que la part des pays développés dans les exportations de produits dont la fabrication est polluante est restée stable entre 1970 et 1990 (81,1 % en 1990 contre 81,3 % en 1970). Des éléments d'explication de ces résultats seront apportés dans la section suivante.

Les observations faites sur les chiffres du commerce international sont corroborées par des études portant sur les flux d'investissement.

Repetto 30 ( * ) a analysé les investissements des Etats-Unis à l'étranger en 1992. Il a constaté que la part des pays en développement et en transition dans ces flux était de 45 %, mais que leur part des investissements dans des industries polluantes (pétrole et gaz, produits chimiques et connexes, métallurgie) était bien inférieure : seuls 5 % des investissements reçus par les pays en développement concernaient ces secteurs, contre 24 % des investissements destinés aux pays développés. Il semble donc que les pays développés exportent leurs industries polluantes principalement vers d'autres pays développés.

Ce résultat a été confirmé en 1998 par J. Albrecht 31 ( * ) , qui a examiné les IDE entrant et sortant des Etats-Unis. Il montre que la croissance des IDE sortant est plus forte pour les industries « propres » que pour les industries polluantes. Il obtient le résultat inverse pour les IDE entrant aux Etats-Unis. En d'autres termes, les Etats-Unis semblent « importer » davantage d'industries polluantes qu'ils n'en exportent.

De même, Eskeland et Harrison 32 ( * ) ont examiné si l'investissement étranger direct dans les pays en développement était concentré sur des industries polluantes, analysant la situation du Mexique, du Venezuela, de la Côte-d'Ivoire et du Maroc durant les années 1980. Les deux premiers de ces pays recoivent l'essentiel de leurs investissements étrangers des Etats-Unis, et les deux autres de la France. Ils n'ont trouvé aucun élément tendant à montrer que ces investissements privilégiaient les secteurs polluants. Ils ont vérifié leurs conclusions en estimant l'effet du coût de la réduction de la pollution sur les investissements directs des Etats-Unis à l'étranger de façon générale et ont constaté que les entreprises américaines, qui devaient engager les frais de lutte antipollution les plus élevés aux Etats-Unis, n'investissaient pas plus à l'étranger que la moyenne.

* 28 Banque mondiale, Indicateurs du Développement mondial, 1998, Washington D.C.

* 29 P. Sorsa, « Competitiveness and Environmental Standards », Policy Research Working Paper n° 1249, Banque mondiale, Washington D.C.

* 30 R. Repetto, « Jobs, Competitiveness and Environmental Regulation : What are the Real issues ? », 1995, World Resources Institute, Washington D.C.

* 31 J. Albrecht, « Environmental Policy and Inward Investment Position of U.S. Dirty Industries », Intereconomics, juillet/août 1998.

* 32 G. Eskeland et A. Harrison, « Moving to greener pasture ? Multinationals and the pollution-haven hypothesis » Policy Research Working Paper n° 1744, Banque mondiale, Washington D.C.

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