LA DÉCENTRALISATION AU SERVICE DE LA RÉGION COMME MOTEUR DE L'AMÉNAGEMENT DU TERRITOIRE


M. Adrien Zeller, ancien ministre, président du Conseil régional d'Alsace

Vous l'aurez compris, je ne m'inscrirai pas en opposition frontale avec le discours de Jean Pierre Balligand, même si je pense qu'il est possible de faire plus et mieux.

Il convient de rappeler la définition précise de la décentralisation. C'est le transfert de la responsabilité de mise en oeuvre d'une politique publique d'un ministère ou d'une administration centrale vers une autorité régionale ou locale élue. Ce n'est pas un chèque en blanc, mais un transfert assorti de contrôles juridique, financier et démocratique. Elle ne peut fonctionner que si elle est faite au service de l'intérêt général, des citoyens contribuables et usagers.

Si on veut faire un bilan de la décentralisation par rapport à l'aménagement du territoire, les choses ont évolué dans le bon sens. Par exemple, la carte des lycées d'Alsace établie par la région est très différente de celle de l'Etat. C'est parce que la région s'en est occupée que nous avons pu conserver des lycées dans les régions moins peuplées. Lorsque nous avons pris il y a cinq ans, de manière expérimentale, la responsabilité des transports ferroviaires régionaux, cinq petites lignes étaient menacées. Aujourd'hui, elles sont sauvées, et permettent l'accroissement de l'égalité des chances sur le territoire.

Les choix économiques ne sont pas les mêmes lorsqu'il sont fait d'en haut ou sur le terrain, où l'on essaie de rééquilibrer les choses. Pour que la décentralisation fonctionne, et que l'impératif de cohésion sociale et territoriale soit respecté, il faut que les problèmes d'aménagement du territoire soient mis sur la table. Je rappelle qu'un des objectifs de la décentralisation est de créer des lieux pertinents de débat. Pour le développement économique et social et l'aménagement du territoire, je considère que la région est un niveau pertinent. Il convient, en outre, que les territoires soient bien représentés par un mode de scrutin adapté lors des élections régionales. Je reste, pour ma part, favorable à un mélange entre une représentation par sensibilité politique et par territoire, pour que ces questions puissent être débattues.

Jean Pierre Balligand indiquait que toutes les collectivités territoriales participaient à l'aménagement du territoire. Je rappellerai que l'Etat aussi est un acteur majeur dans ce domaine, par exemple dans l'élaboration des cartes des universités. Je plaide pour que les régions, dont les pouvoirs juridiques sont encore limités, interviennent davantage car elles possèdent la masse critique requise pour ordonner les choses, les cartes de formation professionnelle ou les bassins d'emplois, par exemple. La région doit avoir une vision de l'aménagement et du développement du territoire pour l'espace dont elle a la responsabilité.

En Alsace, nous sommes porteurs d'une vision du développement régional, économique et industriel associé à une territorialisation de cette stratégie. Chaque bassin d'emploi doit avoir des formations professionnelles de haut niveau, un système de transports modernes. Il s'agit de garantir l'égalité des chances sur le territoire.

Il me paraît aussi logique et légitime que les régions puissent s'exprimer sur les grands projets nationaux d'équipement. Vu la manière dont l'économie européenne est en train d'évoluer vers l'Europe de l'Est, les grandes infrastructures doivent servir autant à mieux partager à travers les territoires les activités tertiaires qu'à offrir des commodités aux voyageurs. Les TGV sont devenus un outil de développement économique.

L'aménagement du territoire doit relever de la région. Elle est en train d'acquérir un rôle politique et moral, mais doit rattraper le retard accumulé par rapport aux autres pays d'Europe. L'échelle régionale est la plus pertinente pour gérer les mutations qui affectent les bassins d'emplois.

En conclusion, si on examine la carte d'Europe des régions qui gagnent et qui ont surmonté leurs difficultés, on s'aperçoit que le critère principal est la capacité de synergie entre acteurs (collectivités, universités, centres de recherches, branches professionnelles, acteurs financiers...). Cela suppose que tous les acteurs de la région, mis en réseau, souhaitent participer au développement du territoire et se déconcentrer suffisamment.

Si nous avons cette vision, nous pourrons réaliser ce développement.

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