2. Des mesures ponctuelles qui ont besoin d'être confortées
Certaines mesures ont d'ailleurs déjà été prises afin de protéger les droits des femmes, mais elles sont souvent ponctuelles ou résultent d'initiatives individuelles.
• Le refus d'accorder des horaires séparés dans les piscines
Ainsi, M. Guy Malandain, maire de Trappes, a expliqué son refus d'autoriser l'instauration d'horaires séparés dans les piscines en faisant référence à des fondements historiques et philosophiques et en insistant sur la dissociation entre l'histoire des peuples et l'histoire des religions : le service public ne doit pas, au nom d'une religion, cautionner la soumission de la femme à une autorité masculine ou religieuse . Parmi les explications de la recrudescence du port des signes religieux, il a fait valoir, en effet, que si, pour certains, les motifs purement religieux paraissaient déterminants, on ne pouvait pas faire abstraction de la pression masculine qui s'exerce dans une grande majorité de cas .
• Préserver la laïcité et la mixité à l'hôpital
De même, la contestation de la mixité à l'hôpital a amené les responsables des établissements à réagir.
M. Maurice Toullalan, directeur du centre hospitalier d'Argenteuil, a ainsi indiqué, s'agissant tout d'abord des agents hospitaliers, que, depuis quatre ans, figurait dans le règlement intérieur du centre un article 109 qui prévoit qu'« une tenue irréprochable dans son habillement [...] est exigée de l'ensemble du personnel » et que « l'obligation de réserve impose que soit observée, pendant le service, une stricte neutralité religieuse et politique » ; de même, « tout signe ostentatoire d'appartenance religieuse ou politique, notamment lui serait contraire ».
Si, jusqu'à présent, le règlement intérieur a pu être appliqué, subsistent cependant, d'une part, une incertitude quant à la valeur juridique de ce dispositif, et, d'autre part, le problème de son applicabilité aux personnels nommés par d'autres instances que le pouvoir de nomination du centre hospitalier, les étudiants hospitaliers ou les internes par exemple.
Le règlement intérieur du centre hospitalier d'Argenteuil prévoit également, dans son article 49, que « l'exercice du culte doit se faire dans le respect de la laïcité propre à tout établissement public et dans le respect des personnes tiers dans le cas d'une hospitalisation en chambre double ». En outre, « les signes ostentatoires ne doivent en aucun cas faire obstacle ni au bon exercice de la médecine et des soins, ni au contrôle efficace de l'exercice du droit de visite ».
Il convient néanmoins d'être conscient que reste posé le problème de la valeur juridique de cette norme ainsi que du risque de mise en cause de la responsabilité pénale du centre hospitalier et de ses agents.
Aussi M. Maurice Toullalan a-t-il insisté sur le besoin d'un « balisage » juridique minimum pour pouvoir exercer la profession médicale et a exprimé le besoin d'un texte de valeur législative ou réglementaire qui fixerait un certain nombre de points de repère permettant l'exercice normal de la médecine, pour mettre fin à l'impression de « bricoler » des dispositifs face aux difficultés soulevées par des comportements dogmatiques, l'hôpital devant rester axé sur sa mission de soins plutôt que de gérer des problèmes de société.
Aussi convient-il de rappeler que le Premier ministre a annoncé qu'une disposition législative tendant à réaffirmer le principe de laïcité à l'hôpital serait prochainement proposée à l'examen du Parlement, ce qui paraît effectivement indispensable.
• Une clarification législative à l'école bienvenue
La loi n° 2004-228 du 15 mars 2004 encadrant, en application du principe de laïcité, le port de signes ou de tenues manifestant une appartenance religieuse dans les écoles, collèges et lycées publics a été publiée au Journal officiel du 17 mars 2004, et entrera en vigueur à la rentrée 2004.
Cette loi devrait ainsi contribuer à mieux garantir l'égalité des sexes à l'école.
M. Philippe Guittet, secrétaire général du SNPDEN, a certes estimé que, si des provocations n'étaient pas à négliger à la rentrée 2004, l'éducation nationale saurait gérer d'éventuels problèmes, comme elle l'a toujours fait, la loi sur la laïcité n'étant pas incompatible avec un dialogue soutenu avec les élèves et leurs parents, ce dialogue préalable étant du reste prévu par la loi. Il a surtout affirmé que céder sur ce point à l'école conduirait à céder dans l'ensemble des services publics .
Il a également rappelé que M. Jean-Paul Costa, vice-président de la Cour européenne des droits de l'Homme, lors de son audition par la commission Stasi, avait expliqué qu'en vertu de l'article 9 de la convention européenne des droits de l'Homme, la limitation de l'exercice de la liberté religieuse ne pouvait être opérée que sur la base d'une législation, et sûrement pas sur celle d'un règlement intérieur.
D'ailleurs, dans l'entretien, mentionné plus haut, que M. Rémy Schwartz a accordé à la revue AJDA , en décembre 2003, le rapporteur général de la commission Stasi a précisé que cette loi « permettra aux établissements de poser une interdiction dans les règlements intérieurs et de dresser, s'ils le souhaitent, une liste précise de ce qui est autorisé et de ce qui est interdit ».
M. Fernand Girard, délégué général du SGEC, a d'ailleurs indiqué que l'enseignement catholique avait d'ores et déjà engagé une réflexion sur la modification des règlements intérieurs qu'induirait l'application de la loi du 15 mars 2004.