II. II.- L'INSTRUCTION DES DOSSIERS ET LES CONTRÔLES

Malgré les observations antérieures de la Cour 17 ( * ) la gestion des interventions publiques confiées au CNASEA continue à enfreindre sur des points essentiels les règles de la comptabilité publique ainsi que, pour les aides cofinancées par le FEOGA, les règlements communautaires, étant d'ailleurs rappelé que ces derniers imposent aux Etats membres de respecter non seulement les normes qu'ils édictent, mais aussi leurs propres dispositions nationales ayant pour objet de garantir la réalité et la régularité des opérations bénéficiant de concours financiers européens.

Les irrégularités affectant ces dernières opérations exposent la France à devoir rembourser celles des aides qui seraient jugées indûment allouées. Elles méritent d'autant plus d'attention.

A. A.- L'INSTRUCTION ET LES CONTRÔLES ADMINISTRATIFS

1. 1.- Le schéma institutionnel

Aux termes de l'article R. 313-27 du code rural, le directeur général du CNASEA est ordonnateur principal des dépenses et recettes de l'établissement.

Toutefois, pour la plupart des dépenses d'intervention gérées par le CNASEA, le pouvoir d'engager et de liquider les dépenses est en fait partagé avec les préfets et les services déconcentrés de l'Etat.

Pour la plupart des aides à l'emploi, le directeur général du CNASEA a compétence liée pour effectuer la liquidation et l'ordonnancement, sur la base des conventions transmises par les services de l'Etat. Pour les rémunérations des stagiaires de la formation professionnelle, il a également compétence liée pour ordonnancer les paiements, dans la limite des agréments notifiés, même si son rôle d'instruction préalable à la liquidation est plus étendu.

En matière agricole, l'article R. 313-14 du code rural dispose que le CNASEA reçoit et instruit, sous le contrôle de l'administration, les demandes d'aides et les transmet, en vue de décision, au préfet.

L'article R. 313-18 ajoute que, dans les départements où il n'estime pas nécessaire d'exercer lui-même ses missions, il peut confier la responsabilité de leur exécution à des organismes agréés, en pratique les associations départementales pour l'aménagement des structures des exploitations agricoles (ADASEA). Le CNASEA rémunère les ADASEA pour les services publics qu'elles rendent ainsi. Dans la pratique, les ADASEA reçoivent les dossiers et, après une pré-instruction, les transmettent aux DDAF qui sont responsables de l'instruction, sans passer par le CNASEA, qui les rémunère pour des services qu'il n'est pas en mesure d'apprécier. Le CNASEA n'intervient, pour le paiement, qu'après la décision du préfet et sa notification au bénéficiaire.

Cette division de la responsabilité d'ordonnateur est sans fondement juridique et contrevient aux règles de la comptabilité publique. Elle conduit les préfets à engager de fait des dépenses sur un budget dont ils ne connaissent pas les crédits disponibles. Elle dilue les responsabilités et nuit à la qualité des contrôles, qui sont de fait partagés entre le CNASEA d'une part, et les DDTEFP et DDAF d'autre part.

Enfin, dans le cas des interventions agricoles cofinancées par des crédits européens, ce schéma institutionnel n'est pas conforme aux règlements communautaires applicables au CNASEA, en tant qu'organisme payeur des aides bénéficiant de concours du FEOGA.

La réglementation européenne prévoit bien qu'un organisme payeur puisse déléguer la fonction d'ordonnancement et les contrôles administratifs à un autre organisme mais à condition que plusieurs conditions soient respectées. En particulier, cette délégation doit être formalisée, les compétences et obligations respectives du déléguant et du délégataire doivent être claires et l'organisme payeur doit procéder lui-même aux contrôles nécessaires pour être sûr que l'instruction des dossiers est correctement effectuée par son délégataire.

Les conditions nécessaires pour que les DDAF puissent être considérées comme des délégataires du CNASEA au sens de la réglementation européenne ne sont pas remplies. Il n'existe pas de délégation formelle de compétence du CNASEA à l'Etat. Comme le soulignait déjà la Cour dans son rapport public de 2001 à propos de la gestion des aides européennes à l'agriculture, il est en fait difficile d'imaginer quelle signification pourrait avoir une telle délégation d'un établissement public à ses autorités de tutelle.

Le MAAPAR considère qu'une délégation formelle n'est pas nécessaire dans la mesure où les compétences respectives des organismes intervenant dans l'instruction et l'attribution des aides sont clairement fixées par la réglementation nationale. S'il est clair que l'attribution des aides revient aux préfets et que les DDAF ont un rôle éminent à jouer dans l'instruction des dossiers, le schéma institutionnel est en fait assez confus, contrairement aux obligations communautaires.

Les règlements communautaires, la complexité des règles applicables aux interventions agricoles et l'éclatement des responsabilités entre le CNASEA, les DDAF et les ADASEA rendent nécessaire l'établissement de manuels de procédure exposant précisément les fonctions imparties à chaque agent et permettant à ceux qui les contrôlent de savoir ce qu'ils doivent faire. Le CNASEA, avec la collaboration du MAAPAR, a entrepris depuis quelques années de rédiger de tels manuels mais cet effort est récent et encore insuffisant. Toutes les mesures ne font pas l'objet d'un manuel ; certains d'entre eux sont incomplets, notamment parce qu'ils ne couvrent pas les traitements opérés par les DDAF ou les ADASEA ; d'autres n'ont pas été mis à jour.

Le CNASEA et ses administrations de tutelle ont fait état de ce que le projet d'arrêté interministériel préparé en application du décret du 29 août 2000 modifiant le statut de l'établissement s'efforçait, en son article 8, selon les termes de l'exposé des motifs, « d'apporter une réponse à la détermination de la qualité de l'ordonnateur et de la justification du service fait ». Il s'agirait, selon la rédaction portée en son temps à la connaissance de la Cour, de permettre que la constatation des droits des bénéficiaires puisse le cas échéant être « effectuée pour le compte du CNASEA » par les différents donneurs d'ordre.

Quelles qu'en soient les modalités, une clarification s'impose, dans le respect des normes tant nationales que communautaires.

* 17 cf. en particulier, rapport public 2001, p. 251, « la gestion des aides européennes à l'agriculture » et référés n° 8587 à 8591 / 17023 du 23 décembre 1998.

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