Les préoccupations éthiques et gouvernementales
M. Douglas PARR
Direction Scientifique, GREENPEACE
traduit simultanément en
Français
(en français)
Bonjour. Merci de me donner l'opportunité de parler ici. Mon nom est Douglas PARR et je suis de Greenpeace Londres. Pardon mais je parle en anglais. Au lieu de quelque chose bizarre en français, je parle quelque chose d'intelligent en anglais. En français, ce n'est pas possible.
(M. PARR parle maintenant en anglais)
Je voudrais parler de différentes questions pour lesquelles j'envisage des problèmes possibles dans l'avenir.
Je voudrais d'abord vous présenter notre position sur la nanotechnologie : nous n'avons pas de position... La nanotechnologie est beaucoup trop diversifiée pour pouvoir avoir une position globale sur cette question. Par contre, il y a des questions qui sont soulevées en relation avec la nanotechnologie.
Beaucoup des allocutions qui ont été présentées cet après-midi concernent l'aspect médical de la nanotechnologie et je ne vais pas en reparler.
Tout d'abord, je dois dire que nous voyons des bénéfices de la nanotechnologie pour l'environnement et pour la société. L'un des exemples est l'énergie solaire bon marché dont nous avons désespérément besoin dans notre société et également la possibilité de détruire les déchets nocifs de l'industrie.
Je pense également que la société attend avec impatience beaucoup de développements qui se font dans le domaine de la nanotechnologie mais les applications dépendent de la recherche, du développement et du déploiement. Je vous parlerai plus tard de ces différents choix.
Nous, nous avons un souci particulier en ce moment concernant les nanoparticules qui peuvent entraîner des risques terriblement dangereux. Il faut bien comprendre ces risques, en connaître les effets, l'impact que cela a sur l'environnement. Les applications dans le domaine médical seront traitées par les organismes qui attribuent des autorisations de mise sur le marché dans le domaine médical.
En ce qui concerne l'environnement, il y a d'autres soucis concernant d'autres questions. Le développement des nouveaux capteurs risque de soulever des problèmes en ce qui concerne la vie privée et les données sur la vie privée.
Le développement des nouvelles technologies va soulever des questions concernant les brevets et le niveau de contrôle industriel. Il y aura également des problèmes du fait que les personnes qui ont un intérêt légitime dans ces produits seront exclues de la prise de décision en ce qui concerne le développement.
Un exemple est la consultation et l'implication des handicapés et leur droit à participer à ces recherches. Beaucoup de ces questions sont traitées dans un rapport qui a été publié l'année dernière. J'ai un exemplaire pour les personnes que ça intéresse.
Je voudrais vous parler maintenant de l'avenir et des choix qui seront soulevés avec le développement de la nanotechnologie.
Je pense que les applications à court terme ne seront pas révolutionnaires, elles développeront notre connaissance mais elles ne seront pas vraiment révolutionnaires. Par contre, les possibilités à plus long terme pourront apporter des révolutions industrielles. Parmi ces révolutions industrielles, nous pouvons citer l'assemblage moléculaire et également les nouveaux comportements chimiques présentés par le résultat de ces nanochimies.
S'il y a une nouvelle révolution qui intéresse chaque individu, alors se pose la question : dans l'intérêt de qui est-ce que cette technologie sera déployée ? Et la question est de savoir comment et quand.
A ce stade, la nanotechnologie a de nombreuses voies d'évolution possibles. Si le développement est essentiellement commercial, cela sera pour développer des produits et, à ce moment-là, ce sera dans l'intérêt des industries et des gouvernements. Est-ce que ça va entraîner des applications pour les pays en développement ?
L'un des choix auxquels nous serons peut-être confrontés sera le suivant : est-ce que l'on va développer les organismes génétiquement modifiés ou bien est-ce qu'on va développer les organismes déjà existants ? Est-ce qu'on va apporter de l'eau potable aux pauvres ou bien est-ce que cela sera utilisé pour avoir des pantalons proprement nettoyés ?
Ces questions ne sont pas différentes de celles qui se posent dans d'autres domaines scientifiques concernant les produits qui sont en cours. Mais je pense que la question des nanotechnologies est beaucoup plus importante que d'autres domaines technologiques.
Je voudrais parler du débat qui fait rage concernant les organismes génétiquement modifiés et la nourriture génétiquement modifiée. Je crois que le grand public a une bonne connaissance des questions à ce sujet. Il y a eu des recherches et des décisions qui ont été prises au niveau transeuropéen par plusieurs pays européens. La question est : qui bénéficie de ces recherches ? Qui prend les risques ? Et avec quelles incertitudes ?
Tout le monde est très sceptique sur la capacité de la science à prédire et à contrôler les choses nouvelles. En général, les gens ne croient pas vraiment ou se posent la question, se demandent si les gouvernements, l'industrie et la science vont se comporter de façon responsable.
Le document que j'ai ici (future technologies, today's choices) est disponible sur le Web et ces questions concernent aussi bien la nanotechnologie dans tous ces différents secteurs que les récoltes génétiquement modifiées (adresse : www.greenpeace.org.uk)
Je n'ai pas le temps maintenant de développer le sens des résultats que l'on peut prévoir sur les nanotechnologies. Ce n'est pas uniquement une question morale mais également un sens commercial. Créer des produits dont personne ne veut, ça n'a pas beaucoup de sens.
La première leçon qu'il faut tirer, c'est que la politique et les réglementations ne doivent pas être faites par des petits groupes d'experts et de bureaucrates. Il doit y avoir un engagement réel, ce n'est pas seulement une question d'éducation avec le public, ça doit aller dans les deux sens.
Comme je l'ai dit, la technologie est prometteuse mais quelles promesses est-ce qu'elle va nous offrir et quelles sont les promesses qui vont avoir la priorité ? Cela veut dire que cela implique des choix de la part des gouvernements, de la part des sociétés concernant la recherche et le développement et ces choix ont déjà été faits. Les gens ne comprennent pas toujours que les choix ont déjà été faits.
En ce qui concerne la santé et l'environnement, la question se pose sur les risques et il faut vraiment les étudier attentivement. On peut également avoir des preuves, ce qui associe les nanoparticules avec la santé.
Nous devons éviter de répéter les erreurs qui ont déjà été commises. Des erreurs telles que celles commises pour le DDT, l'amiante et la vache folle. Je répète que Greenpeace demande qu'il y ait un moratoire sur cette question. Nous le demandons très fortement.
Merci de votre attention.
M. Alain CIROU
Je vous propose de poser des questions si vous en avez maintenant car il y a un train qui doit ramener Douglas PARR vers Londres et je pense qu'il y aura moins de stress si ces questions se font maintenant.
M. Louis LAURENT
Vous parlez d'un moratoire sur les nanomatériaux mais, comme vous le savez, beaucoup de choses sont déjà nanostructurées comme le bois ou une coquille d'oeuf. Où mettez-vous les limites pour un tel moratoire ?
M. Douglas PARR
Je vois une très grande différence entre les nanoparticules libres et les particules qui sont liées naturellement. Il n'y a aucun souci si les nanostructures restent liées avec leurs matrices, dans lesquelles elles sont liées originellement.
Par exemple, le nitrure de carbone est utilisé pour rendre l'acier encore plus robuste. Donc ça, c'est utile. Et je pense qu'il n'y a aucun risque que ces particules se libèrent. Donc, ça ne pose aucun problème.
A ce stade, nous sommes prêts à développer des nanoparticules synthétiques, et ceci par tonnes, et il faut savoir ce qu'on fait avant de démarrer.
Une intervenante (journaliste au Figaro magazine, « Pages Sciences »)
J'aimerais connaître votre background et depuis combien de temps vous êtes à la direction scientifique de Greenpeace.
M. Douglas PARR
Je suis directeur scientifique de Greenpeace depuis dix ans. J'ai un doctorat en physique-chimie porrtant sur les cinétiques en phase gazeuse.
M. Laurent CHICOINEAU
Vous dites que vous souhaitez l'engagement du public, pas l'éducation du public. Comment escomptez-vous avoir l'engagement d'un public qui ne serait pas éduqué et qui pourrait donc être très facilement manipulé ?
M. Douglas PARR
Je crois que la façon dont ceci peut être fait est encore à établir mais il y a des principes de base très simples. Il faut qu'il y ait une implication et une sélection du public et, pour cela, le public doit entendre ce qu'ont à dire les scientifiques pour bien comprendre. Ces techniques ont déjà été éprouvées, par exemple pour les jurés de citoyens ou pour les conférences du grand public.
Comment est-ce que ceci peut être construit et quelles questions poser ? Ceci reste à établir en démarrant et en essayant de le faire. Mais, actuellement, il ne se passe rien du tout dans ce domaine sur cette base et nous pensons que ce type de perspectives doit être envisagé maintenant plutôt que dans l'avenir.
Une intervenante
Bonjour. Pouvez-vous nous éclairer sur le type de controverses qui se développent aux Etats-Unis autour des nanotechnologies et la place que les Américains veulent donner au débat public au sein même du programme de développement des nanotechnologies.
M. Douglas PARR
Aux Etats-Unis, je ne crois pas qu'il y ait beaucoup d'implication du public. Il y a des universitaires qui disent qu'il doit y avoir une plus grande implication de la part du public. Mais ce qui est différent dans le système de financement américain, c'est qu'ils affectent des fonds relativement faibles pour les études de l'environnement. Les études scientifiques étaient assez limité jusqu'à présent.
M. Alain CIROU
Merci beaucoup à vous. Je vous propose de continuer en accueillant l'intervenant suivant, M. Louis LAURENT, du CEA, pour les nanotechnologies et leur impact sur la société, l'acceptabilité sociale. Merci.