B. LA COORDINATION DES ACTIONS DE DÉPISTAGE ET DE PRISE EN CHARGE

Si les motifs restent encore difficiles à déterminer, la plupart des handicaps ou déficiences d'origine périnatale peuvent être dépistés dans les premières années de la vie. Il convient donc de mettre en place une détection précoce des lésions cérébrales chez les enfants à risques et de développer une politique de prévention systématique à destination des populations les plus fragiles.

Cette démarche préventive doit également s'accompagner de la mise en place d'un projet thérapeutique adapté et d'une prise en charge effective de l'enfant.

1. Le développement d'une politique de dépistage et de traitement précoce

Malgré le dispositif législatif et réglementaire en vigueur, les actions de dépistage restent encore insuffisantes, tant à l'égard de l'ensemble de la population que, plus spécifiquement, pour les groupes à risques.

a) Systématiser le dépistage après la naissance

La plupart des handicaps ou déficiences d'origine périnatale peuvent être détectés dans les trois premières années de l'enfant, notamment le handicap moteur, les déficiences neurosensorielles et les troubles envahissants du développement.

Dans les premiers mois, les handicaps moteurs sévères sont fréquemment associés à des déficiences sensorielles et intellectuelles. Au cours du deuxième semestre de vie, la lenteur des progrès et le retard d'acquisition de la tenue de la tête et de la posture assise justifient, de la part du médecin non spécialiste, le recours à un avis spécialisé. A la fin de la première année, les anomalies graves et sévères du développement doivent avoir été repérées.

Les examens requis par les rubriques du carnet de santé devraient permettre le dépistage de la plupart des déficiences. Mais cela suppose que les visites obligatoires aient bien eu lieu, d'où la nécessité de prêter une attention particulière aux populations à risques.

Des examens supplémentaires pourraient également être recommandés dans un certain nombre de situations, indépendamment du dépistage classique, pour mesurer les effets cumulatifs et interactifs des facteurs de risques biologiques, périnatals et environnementaux sur le devenir des enfants. Les résultats pourraient déboucher sur la mise en oeuvre d'actions de prévention dans plusieurs domaines : préservation de la relation mère-enfant et des processus d'attachement, programmes de réduction des stress en milieu hospitalier, programmes de soins de développement individualisé en service de réanimation néo-natale, prise en compte de la douleur, programmes de guidance et d'aide à la parentalité.

La nécessité de ce dépistage précoce, alliée à la complexité de certains diagnostics, requiert une sensibilisation répétée des professionnels de santé qui doivent être formées aux techniques et au calendrier de détection des anomalies du développement neurologique.

b) L'intérêt d'un traitement précoce

Les interventions précoces peuvent se définir comme l'ensemble des stratégies de prévention et de traitement destinées, dans la première ou la deuxième année de vie, à favoriser un développement cérébral et une structuration optimaux. Elles reposent essentiellement sur deux grands axes :

- des stratégies d'intervention éducative précoce, qui reposent sur le concept de plasticité cérébrale et se traduisent par des interventions rééducatives sur un cerveau en plein développement. La connaissance des différents mécanismes du développement cérébral confirme en effet l'importance cruciale des premières années de vie pour l'acquisition de compétences cognitives ;

- des stratégies de neuroprotection, dont l'usage, initialement réservé aux molécules protégeant ou prévenant les phénomènes de mort cellulaire, peut maintenant être étendu à toutes les actions favorisant un développement cérébral harmonieux et empêchant la survenance de troubles spécifiques.

2. Les structures de prise en charge de l'enfant handicapé

Le recours au dépistage précoce doit permettre une prise en charge aussi rapide que possible de l'enfant handicapé, accompagnée d'une information des parents sur les structures d'accueil et de soins, notamment autour des centres d'action médico-sociale précoce (CAMSP) qui sont chargés d'une mission de dépistage et d'aide aux familles.

a) Le rôle de la famille

Les professionnels, qui prennent en charge les troubles psychoaffectifs des enfants, les dépressions maternelles et les désordres familiaux post-natals, recueillent depuis longtemps les témoignages de parents porteurs de séquelles traumatiques liées à la non-prise en compte de leurs émotions.

L'association des familles commence par la reconnaissance de la place naturelle des parents : il est impératif qu'ils ne soient pas tenus à l'écart et des réponses doivent être apportées à leurs besoins spécifiques face au handicap. Les premiers effets positifs de leur implication se mesurent, en effet, à la diminution des effets pathogènes liés au stress, à l'établissement d'une meilleure relation avec l'enfant et à la moindre atteinte à l'équilibre familial.

De manière plus générale, il est établi que les programmes combinés enfants et parents sont les plus utiles sur le plan de la relation parents-enfant et du développement cognitif de l'enfant, si la stimulation est maintenue. On a observé que ces programmes sont particulièrement efficaces lorsque les mères possèdent un faible niveau d'études.

b) L'efficacité des politiques de réseau

La tendance de notre système médical et social à la multiplicité d'interventions spécialisées produit un manque de clarté et une revendication légitime d'information de la part des parents.

La nécessité d'une meilleure complémentarité des établissements de soins s'est traduite par la mise en oeuvre de réseaux spécifiques de prise en charge. Des expériences originales se diffusent peu à peu, organisant l'intervention et l'accompagnement des acteurs sous la conduite d'un animateur spécialisé, à l'exemple du programme du Fonds d'aide à la qualité des soins de ville du Languedoc-Roussillon.

Une attention particulière doit être portée à la promotion de ces réseaux qui facilitent le retour des enfants au domicile familial et assurent des programmes d'interventions précoces ou de soins de développement postérieurs à l'issue de l'hospitalisation. Leur pérennité suppose le développement d'outils conventionnels qui permettent d'assurer la rémunération des coordonnateurs, notamment pour l'exécution des tâches administratives.

Participant à l'interaction entre les soignants et les familles, les nombreuses associations spécialisées jouent un rôle important face aux dysfonctionnements du système de soins et à la confusion des différents services. Certaines, notamment parmi les plus anciennes, sont d'ailleurs nées de l'absence de structures d'accueil, avant de devenir gestionnaires d'un grand nombre d'établissements spécialisés. D'autres se sont constituées avec le souci de différencier un handicap particulier parmi les différentes formes de déficiences possibles : elles permettent alors des échanges entre les familles et les soignants ou éducateurs et des rencontres entre parents concernés.

*

* *

L'étude établie par l'Inserm souligne que malgré les efforts de l'État et des conseils généraux, la compétence des professionnels de santé et l'engagement des associations, une politique générale de prévention, de détection et de soin du handicap périnatal reste à développer.

Elle met en exergue un certain nombre de points qui, tout en étant propres aux politiques de prévention du handicap chez l'enfant, présentent des similitudes avec les politiques de santé conduites dans d'autres domaines.

Il en est ainsi de la nécessité de mettre en oeuvre des politiques de prévention systématique, objectif affiché de la future loi de santé publique, ou de l'utilité de créer des filières de soins pour améliorer la prise en charge des malades, comme le rappelle le projet de loi relatif à l'assurance maladie.

Il est également frappant de constater la pauvreté des informations disponibles sur les jeunes enfants handicapés. L'absence de données statistiques françaises concernant les handicaps du tout-petit avait déjà conduit le législateur à mettre en place, en 1973, lors du premier plan de périnatalité, les certificats de santé de l'enfant, à organiser la collecte et le traitement des données et à en prévoir le financement.

Plus de trente ans après, bien que les procédures soient rodées, que les financements existent, que la CNIL ne se soit jamais opposée au traitement informatique des données à des fins statistiques, force est de constater qu'il n'existe toujours pas de données fiables concernant la période périnatale et le handicap de l'enfant. Dans ces conditions, nous ne disposons pas d'une vue d'ensemble de la population des enfants jusqu'à trois ou six ans, en situation de handicap ou en difficulté de santé. Il est a fortiori quasiment impossible de savoir comment se répartissent ces enfants, par tranches d'âge et par catégorie de déficits des  fonctions cognitives.

Il devient donc indispensable d' établir des données fiables permettant l'évaluation de l'efficacité à moyen terme des politiques mises en oeuvre et, surtout, de déterminer les moyens financiers à mobiliser.

Page mise à jour le

Partager cette page