INTRODUCTION

Dans son rapport remis en 1981 au Premier ministre M. Pierre Mauroy, M. Pierre Moinot justifiait ainsi l'ambition de créer une autorité de régulation de l'audiovisuel pour garantir l'exercice effectif de la liberté de communication, fondement des libertés politiques :

« La liberté ne se postule pas. Elle se conquiert à travers les luttes menées par les peuples pour parvenir à des sociétés plus justes où la voix de chacun puisse se faire entendre. Ces luttes ont imposé, depuis la Déclaration des Droits de l'homme en 1789, la reconnaissance successive de la liberté d'opinion, de la liberté d'expression, de la liberté de la presse, de la liberté de recevoir ou de communiquer par quelque moyen que ce soit des informations et des idées.

« Mais l'exercice de la liberté de communiquer s'est longtemps heurté à la rareté des moyens dont elle disposait pour s'affirmer. Favorisée par des progrès qui conduisent à cet égard à une situation d'abondance, elle peut maintenant recourir à une grande variété de techniques de communication à distance des sons et des images, et s'inscrire dans la réalité.

« Notre pays peut en même temps affirmer le droit à la communication et organiser ce droit pour qu'il puisse démocratiquement trouver ses pleins effets. Le droit à la communication englobe l'ensemble des autres libertés et transforme les conditions de leur usage : il les met au service d'un échange entre les citoyens, d'un dialogue de la Nation avec ses diverses composantes. Il concourt ainsi à une participation accrue de chacun à l'exercice des responsabilités collectives » 1 ( * ) .

Le rapport de M. Pierre Moinot devait conduire à la création de la Haute autorité de la communication audiovisuelle, ancêtre du Conseil supérieur de l'audiovisuel (CSA), et permettre de définir les missions du CSA : garantir le pluralisme nécessaire à une société démocratique, mais également définir les conditions d'exercice de la liberté audiovisuelle nouvellement consacrée.

La création d'une autorité administrative indépendante marquait ainsi une rupture avec la tradition de régulation du service public par l'Etat, caractérisée notamment par l'existence d'un ministère en charge des médias, supprimé en France en 1995.

Par rapport aux autres pays européens, la France a joué un rôle de précurseur. Le CSA français présente une triple caractéristique : des pouvoirs parmi les plus étendus en Europe, avec le Commissariat pour les médias hollandais ; une autorité compétente à l'échelle nationale, à la différence notamment de l'Allemagne fédérale ; une distinction entre les autorités de régulation de l'audiovisuel et des télécommunications, pouvant s'expliquer par l' « exception culturelle » française.

La conduite par le rapporteur spécial du budget des Services généraux du Premier ministre d'une mission de contrôle budgétaire, en application de l'article 57 de la loi organique du 1 er août 2001 relative aux lois de finances (LOLF), sur l'activité du CSA trouve sa justification dans la forte identité de cette instance, amenée à évoluer au rythme très rapide des changements dans le paysage audiovisuel. Le CSA affiche un niveau de ressources tout à fait modeste (33 millions d'euros dans la loi de finances initiale pour 2004), inscrites au budget des services généraux du Premier ministre. Pour conduire ce contrôle budgétaire, votre rapporteur spécial s'est rapproché de notre collègue Claude Belot, rapporteur spécial des crédits de la communication audiovisuelle, qu'il tient à remercier pour lui avoir fait part de son expérience, fort complète en ce domaine.

Le CSA est ainsi confronté à des défis qui impliquent une évolution de son organisation : la préparation du passage à la Télévision numérique terrestre (TNT), la mise en place d'un cadre réglementaire européen et des attentes croissantes de nos citoyens en matière de contenu des programmes. Comment le CSA s'adapte-t-il à ces enjeux, compte tenu de moyens stables à moyen terme ? L'autonomie financière, découlant de l'autonomie administrative, est-elle compatible avec une gestion rigoureuse de ses moyens budgétaires ? Le CSA dispose-t-il d'instruments internes permettant de mesurer le coût de chacune de ses missions et d'effectuer les arbitrages nécessaires face à des événements exceptionnels, tels que la mise en place de la TNT ? Ces questions méritent une réflexion détaillée.

Pour répondre à l'ambition ayant présidé à sa création, le CSA s'est vu doter par le législateur, dès sa création en 1989, d'un statut d'autorité administrative indépendante, de pouvoirs étendus et de moyens spécifiques. L'analyse des missions et des moyens du CSA a consisté à apprécier sa capacité à faire face à une activité croissante, du fait de l'augmentation du nombre de chaînes et de missions plus nombreuses. A cet égard, votre rapporteur spécial tient à remercier le président du CSA, M. Dominique Baudis, pour sa disponibilité et l'excellent accueil de ses services, qui lui ont permis de mener à bien sa mission de contrôle budgétaire.

Cette adaptation du CSA a ensuite été étudiée au regard des enjeux qu'implique la mise en oeuvre de la LOLF. La liberté nouvelle de gestion dont disposera le président du CSA doit s'envisager dans le cadre de sa politique d'emploi. Elle implique la définition d'indicateurs et d'objectifs de performance qui rendent compte au Parlement de l'activité du CSA, mission par mission.

* 1 Pierre Moinot, « Pour une réforme de l'audiovisuel » ; La Documentation française, Paris, 1981.

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