CHAPITRE I :

LA ONZIÈME CNUCED, UN ELAN
POUR LE COMMERCE SUD/SUD

I. LA CNUCED : INSTRUMENT DES NATIONS UNIES POUR LE COMMERCE ET LE DÉVELOPPEMENT

A. UNE ORGANISATION QUARANTENAIRE, DOUBLÉE PAR L'OMC

Votre rapporteur juge utile de rappeler brièvement l'histoire de la CNUCED, dont la onzième conférence se tenait cette année au Brésil.

Présentation de la CNUCED et de la contribution française à son budget

La CNUCED est un organe subsidiaire de l'Assemblée Générale des Nations Unies, créé en 1964 par la résolution 1995(XIX) du 30/12/64, amendée par les résolutions 2904 (XXVII) du 26/09/72 et 31/2 du 29/09/76). Placée sous le contrôle du Conseil Economique et Social (ECOSOC), elle compte 192 Etats membres. La Conférence se réunit tous les 4 ans : la X e CNUCED s'est tenue à Bangkok en février 2000, la onzième, à laquelle participait donc les membres de la mission, à São Paulo en juin 2004.

L'organe directeur permanent entre les Conférences est le Conseil du Commerce et du Développement , qui se réunit à Genève chaque année au mois d'octobre, pendant deux semaines. Ses travaux sont répartis entre trois commissions :

- Commission du commerce des biens et services et des produits de base ;

- Commission des entreprises, de la facilitation du commerce et du développement ;

- Commission de l'investissement, de la technologie et des questions financières connexes.

Le groupe de travail sur le plan à moyen terme et le budget-programme, qui se réunit trois fois par an, traite de la gestion de l'organisation.

Le Secrétariat de la CNUCED comprend 400 fonctionnaires.

La CNUCED a organisé trois Conférences sur les pays les moins avancés (PMA), deux à Paris, en 1981 et 1990, une troisième, à l'invitation de l'Union Européenne, à Bruxelles, en 2001. Une section spécifique de son secrétariat est consacrée au Programme pour les PMA.

Les grands axes des travaux de la CNUCED ont été revus à Bangkok en 2000. La déclaration et le plan d'action de Bangkok définissent quatre axes prioritaires d'action :

- améliorer l'intégration effective de tous les pays dans le système commercial international ;

- aider les PED à améliorer leurs capacités de production ;

- promouvoir l'investissement afin de favoriser le développement des entreprises et la diffusion des technologies ;

- favoriser le développement de l'infrastructure des services, l'efficacité commerciale et la valorisation des ressources humaines.

Le budget ordinaire de la CNUCED provient du budget de l'ONU. De l'ordre de 50 millions de USD par an, il couvre les dépenses de fonctionnement.

En complément, des contributions volontaires servent à financer les programmes d'assistance technique. Elles s'élèvent à environ 25 millions de USD par an. Le premier bailleur de fonds pour ce second poste est l'Union Européenne, les principaux donateurs bilatéraux étant l'Allemagne, la Belgique, le Danemark, la Finlande et la France. La contribution volontaire de la France s'élève en 2004 à 465 000 euros. Cette contribution se concentre sur 4 domaines d'activités :

(i) La France soutient le programme TRAINFORTRADE (155.000 euros), qui propose des formations dans le domaine commercial aux responsables des pays en développement, afin de les assister dans la définition de leurs politiques commerciales ;

(ii) Le programme INFOCOM (87.000 euros) propose des bases de données sur les marchés des produits de base ;

(iii) La France finance à hauteur de 100.000 euros la Fédération Mondiale des Pôles commerciaux, qui apporte son soutien aux PME pour l'accès aux marchés internationaux. 127 pôles ont été constitués dans 90 pays. Un budget de 100.000 euros a été alloué par la France à ce programme ;

(iv) La France apporte une contribution de 100.000 euros au programme de renforcement des capacités en matière d'investissement : aide à la négociation et à la mise en oeuvre d'accords régionaux, renforcement des capacités humaines et institutionnelles, etc. Par ailleurs, des projets bi/multilatéraux sont menés avec la CNUCED, en particulier pour l'aide aux PMA (projet Laos et Cambodge) dans le domaine de la préparation aux négociations commerciales.

Source : Ministère des Affaires étrangères

La CNUCED, créée en 1964 et rassemblant 192 Etats, est le seul organe de l'ONU compétent en matière de commerce et de développement. A ce titre, elle joue un rôle complémentaire à celui de l'Organisation mondiale du commerce (OMC), organisation créée le 1 er janvier 1995 au terme des négociations du dernier cycle de négociations du GATT, le cycle d'Uruguay (1986-1994), et réunissant 147 pays 2 ( * ) .

L'action de la CNUCED complète celle de l'OMC sur trois plans :

- l'analyse : elle est apportée par la CNUCED essentiellement par le biais de rapports annuels de référence (l'un sur le commerce et le développement, l'autre sur les pays les moins avancés, le dernier sur l'investissement dans le monde);

- le dialogue : la CNUCED y participe en sa qualité de forum Nord/Sud permettant des échanges constructifs sur les principaux enjeux économiques actuels (commerce, concurrence, intégration régionale, dépendance des produits de base...) ;

- la mise en oeuvre : la CNUCED y contribue en apportant une coopération technique aux pays en développement pour les accompagner dans la mise en oeuvre des politiques et des accords commerciaux. Cette coopération technique consiste à doter les pays en développement des moyens institutionnels nécessaires à leur développement dans les domaines du commerce, des activités financières et des investissements internationaux. Plus de 300 projets sont en cours d'exécution dans une centaine de pays.

B. UNE ONZIÈME CONFÉRENCE PERMETTANT DE RENOUER LE DIALOGUE NORD/SUD

Quand la délégation de votre commission s'est rendue au Brésil le mois dernier, la CNUCED célébrait donc son quarantième anniversaire en même temps qu'elle tenait sa onzième conférence quadriennale à São Paulo, agglomération de 18 millions d'habitants qui fêtait, pour sa part, son quatre cent cinquantième anniversaire cette année.

Cette onzième CNUCED était d'une importance stratégique particulière. La dixième édition, tenue à Bangkok en 2000, s'était en effet fixée comme priorité, après le changement majeur qu'avait représenté la création de l'OMC en 1995, d'améliorer l'intégration effective de tous les pays dans le système commercial international. Or l'échec de la conférence ministérielle de l'OMC tenue à Cancùn en septembre 2003 avait apporté la preuve que les pays du Sud, notamment réunis au sein du G90, contestaient les modalités de leur intégration dans l'économie mondiale. La réunion de la CNUCED à São Paulo devait donc contribuer à trouver les moyens d'assurer une plus grande cohérence entre les stratégies de développement et l'ouverture commerciale , afin de restaurer ainsi la confiance entre pays développés et pays en développement, neuf mois après ce constat d'échec.

C. COMMERCE ET DÉVELOPPEMENT : UN LIEN COMPLEXE

Comme le met en avant le rapport 2004 de la CNUCED sur les pays les moins avancés (PMA), la réduction de la pauvreté passe par une croissance économique soutenue et un développement de l'emploi productif.

Le commerce international peut grandement contribuer à la réduction de la pauvreté dans les PMA. Il est vrai que, dans la plupart des PMA, le secteur primaire, en particulier l'agriculture, occupe une place prédominante dans la production et dans l'emploi. Les exportations apparaissent alors comme le moyen de transformer des ressources naturelles sous-utilisées et une main-d'oeuvre excédentaire en importations de biens nécessaires à la croissance économique.

Le commerce international est particulièrement important pour la réduction de la pauvreté dans les PMA parce que le « degré d'ouverture » de ces pays est élevé : pendant la période 1999-2001, les exportations et les importations de biens et services ont représenté en moyenne 51 % de leur produit intérieur brut (PIB), taux supérieur à celui de 43 % constaté dans les pays de l'OCDE à revenu élevé.

Toutefois, les liens entre le commerce international et la réduction de la pauvreté ne sont ni simples ni directs.

D'une part, la croissance économique nécessite des investissements dans le capital physique, humain et institutionnel et exige de favoriser l'innovation et le progrès technique. Il est donc nécessaire, non seulement d'augmenter les exportations, mais aussi d'utiliser efficacement les facteurs de production que l'accroissement des exportations permet d'importer.

D'autre part, la contribution des exportations à l'augmentation de la capacité d'importation des PMA doit être considérée du point de vue global de la balance des paiements. La quasi totalité des PMA souffre d'un déficit commercial important et chronique et les recettes d'exportation couvrent à peine plus de la moitié des importations totales, selon les chiffres fournis par la CNUCED. Ces déficits commerciaux sont surtout financés par des apports d'aide. C'est pourquoi la contribution des exportations à l'augmentation de la capacité d'importation peut se trouver neutralisée par une baisse des entrées de capitaux ou par un alourdissement du service de la dette. Le lien entre l'expansion du commerce et la réduction de la pauvreté risque ainsi d'être rompu si l'essor du commerce est considéré comme une occasion de limiter l'aide.

Enfin, il est à craindre qu'une croissance mue par les exportations soit « enclavée », c'est-à-dire concentrée dans une petite partie de l'économie, du point de vue à la fois géographique et sectoriel. Il peut arriver que l'expansion des exportations d'articles manufacturés soit circonscrite à des zones franches industrielles et que le reste de l'économie reste à l'écart de ce mouvement. Pour que la croissance économique profite à tous, elle doit être fondée non seulement sur l'essor des exportations, mais encore sur une expansion générale des autres activités rémunératrices et sur une diversification de la production.

La relation entre le commerce et la pauvreté est donc asymétrique : si la baisse des exportations s'accompagne presque toujours d'une recrudescence de la pauvreté, leur augmentation ne se traduit pas nécessairement par un recul de ce fléau. Le rapport 2004 de la CNUCED sur les pays les moins avancés montre que le commerce a le plus de chance d'exercer un effet positif quand la croissance économique est équilibrée, c'est-à-dire quand l'expansion de la demande intérieure en est le principal moteur, l'essor des exportations jouant cependant aussi un rôle important dans le processus.

* 2 Au 23 avril 2004.

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