I. LES RÉSULTATS SECTORIELS

Les résultats pour l'Europe

Quatre groupes de secteurs peuvent être distingués du point de vue des effets et des résultats (cf. graphique 9) : les secteurs intensifs en R&D, les secteurs de biens intermédiaires, les secteurs de biens d'investissement (non compris ailleurs) et les secteurs de biens de consommation.

Graphique 9 : Production, emploi et investissement des secteurs en Europe en 2030*

* En % par rapport au compte tendanciel.

Dans l'ensemble des secteurs, on peut observer que l'évolution sectorielle est conforme à celle de la macroéconomie (voir, à titre illustratif, le graphique 10 pour le secteur des biens électriques) : les premières années de maturation sont marquées par une croissance plus lente et un creusement du déficit extérieur dû à l'augmentation de la demande, qui accroît les importations, et à l'augmentation des prix, qui diminue les exportations et accroît encore plus les importations. Après cette phase de maturation, s'enclenche le processus de croissance tiré par les innovations, par leurs effets sur la demande finale et la compétitivité. D'une façon générale, les hausses de production sont très supérieures aux augmentations d'emplois, en raison des forts gains de productivité.

Les secteurs intensifs en R&D

Les secteurs intensifs en R&D sont ceux où la productivité des connaissances, et donc de la R&D, est la plus élevée. Il s'agit de la chimie, des machines de bureau, des biens électriques et des matériels de transport. Les autres services marchands, qui comptabilisent la R&D qui ne l'est pas dans les secteurs industriels (sous-traitance de services de recherche marchands), est un autre secteur intensif en R&D.

Graphique 10 : Le secteur des biens électriques en Europe*

* En % par rapport au compte tendanciel.

Tous ces secteurs ont un taux de croissance de la production élevé : la production augmente en 2030 de 14,6 % pour les matériels de transport à 22,3 % pour les machines de bureau. Cette croissance est explicable par l'amélioration très importante du solde extérieur sur la période ; la forte hausse des exportations est en effet accompagnée d'une diminution également très importante des importations. Dans les secteurs des biens électriques (graphique 10), de la chimie et des matériels de transport, où la progression des exportations dépasse celle de la production, les gains en compétitivité-prix et en compétitivité structurelle expliquent ainsi l'essentiel des évolutions.

C'est ce que confirme encore l'évolution de la demande intérieure adressée à ces secteurs intensifs en R&D, qui est soutenue en dépit de ce qu'ils recouvrent partiellement des produits intermédiaires, comme la chimie, ou des produits d'équipement, comme les biens électriques et le matériel de transport ; la baisse de prix due à l'effet qualité et aux gains de productivité réalisés nourrit ainsi l'accroissement de la demande par des effets de substitution favorables aux biens produits par ces secteurs ; l'impact négatif sur cette demande lié aux progrès de productivité des secteurs clients s'en trouve ainsi amoindri.

Dans le secteur de biens électriques, par exemple, la demande pour des besoins de consommation, d'investissement et de consommation intermédiaire s'accroissent respectivement de 13,6 %, 9,5 % et 13,2 %.

L'emploi des secteurs intensifs en R&D s'accroît beaucoup moins que la production en raison des forts gains de productivité engendrés par la R&D. Pour prendre un exemple, dans le secteur des biens électriques, la production croît de 16,8 % en 2030 alors que l'emploi ne progresse que de 10,5 % ; la réduction du contenu en emplois de la croissance de ce secteur s'explique ainsi par l'importance des gains de productivité totale, avec 12,2 % de progression en 2030. On peut alors imaginer, dans ce secteur à fort contenu technologique, un mode de développement où la production matérielle requiert de moins en moins d'emplois, en raison des progrès de productivité et de qualité que permettent de réaliser des activités de recherche elles-mêmes très riches en emplois. On assiste ainsi à une substitution progressive des métiers de R&D à ceux de production.

Les secteurs des biens intermédiaires76 ( * )

Ce sont ceux qui pâtissent le plus de la politique de R&D : les progrès dans la productivité globale des facteurs vont diminuer la demande de ces produits. Comme, par ailleurs, le contenu de ces produits en R&D est relativement faible, les améliorations de qualité et les progrès réalisés dans leur fabrication ne sont pas de nature à beaucoup relancer la demande qui leur est adressée. L'emploi s'en trouve légèrement diminué (graphique 11).

Graphique 51 : Le secteur des métaux ferreux et non ferreux en Europe *

* En % par rapport au compte tendanciel.

Les secteurs des autres biens d'investissement77 ( * )

Ces secteurs sont à distinguer des secteurs de biens d'investissement qui réalisent beaucoup de R&D et qui voient leurs débouchés s'accroître, en 1raison de l'effet qualité et de l'effet productivité, de telle sorte que l'emploi augmente ; ces derniers font partie des secteurs « intensifs en R&D ».

En revanche, les secteurs dont il s'agit ici, pâtissent de la faiblesse de leur intensité de R&D. Leurs gains limités de productivité et de qualité ne leur permettent pas d'accroître autant que la moyenne des autres secteurs le niveau de la demande qui leur est adressée, dans un contexte où, de surcroît, leurs clients réalisent eux-mêmes d'importants gains de productivité et réduisent leur taux d'investissement. C'est le cas notamment du secteur des machines agricoles et industrielles (graphique 12) dont la production n'augmente que de 7,2 % et qui enregistre une très légère décroissance de l'emploi (-0,8 % en 2030). Le secteur de la construction représente toutefois une exception dans la mesure où une part importante de la demande qui lui est adressée émane des ménages dont le pouvoir d'achat et l'épargne investie augmentent considérablement en Europe. Les évolutions dans ce secteur sont alors plutôt à rapprocher de ce qui passe dans les secteurs de biens de consommation et de services.

Graphique 62 : Le secteur des machines agricoles et industrielles en Europe *

* En % par rapport au compte tendanciel.

Les secteurs des biens de consommation et des services78 ( * )

Ces secteurs sont avantagés à la fois par le renforcement de leur effort de R&D, et par l'augmentation du salaire réel et plus généralement du pouvoir d'achat des ménages. La consommation finale des ménages est ainsi un moteur puissant de la croissance qui se met en place en Europe, et plusieurs secteurs de biens de consommation voient leur production augmenter de plus de 15 %, presque tous dépassant les 10 %.

La forte croissance de l'emploi dans l'ensemble des secteurs de consommation et de services aux particuliers participe ainsi d'un cercle vertueux, la croissance de ces secteurs se nourrissant d'elle-même et entraînant avec elle la croissance de l'ensemble des secteurs de l'économie.

Graphique 73 : Le secteur des textiles, vêtements et chaussures en Europe*

* En % par rapport au compte tendanciel.

Nous voyons ainsi que la politique de 3 % du PIB pour la recherche en Europe va modifier de façon importante la contribution à la croissance des différents secteurs de production composant l'économie européenne. Les secteurs à forte intensité technologique, avantagés par d'importantes améliorations de leur productivité et de la qualité de leurs produits, vont gagner les parts de marché les plus nombreuses, suivis par les secteurs fournissant les ménages en biens et services qui voient leur contribution à la croissance européenne se stabiliser ou progresser légèrement ; en revanche, les secteurs fournissant des biens intermédiaires ou des biens d'investissement au système productif, et qui sont en même temps faiblement intensif en R&D, vont, pour leur part, voir leur contribution à la croissance européenne se réduire.

Les résultats pour la France

Au niveau national, chaque secteur va améliorer sa compétitivité vis-à-vis du reste du monde, tandis que les pays d'Europe effectuant un rattrapage de leur effort de R&D vont voir leur compétitivité relative s'améliorer au niveau européen ; il se produit l'inverse en France, qui se situe en 2002 dans le peloton de tête des pays européens pour le niveau de son effort de R&D (2,2 points de PIB contre 1,9 pour l'ensemble de l'Europe).

Les secteurs intensifs en R&D

Ce sont les secteurs dans lesquels l'évolution de la production, relativement aux autres pays européens, va le plus dépendre de l'évolution de l'effort de recherche ; la croissance de ces secteurs en France est ainsi légèrement inférieure à la moyenne européenne, comme l'illustre parfaitement l'exemple du secteur des biens électriques (graphique 15).

La production de ce secteur augmente de 15 % en 2030, contre 16,8 % pour l'ensemble de l'Europe, tandis que les pays les moins engagés dans la R&D en 2002 voient leur production augmenter beaucoup plus fortement (jusqu'à 28,7 % en Grèce) ; la situation relative de la France est similaire en ce qui concerne les autres secteurs intensifs en R&D (Cf. graphique 14).

Graphique 84 : Production, emploi et investissement des secteurs en France en 2030*

* En % par rapport au compte tendanciel.

Ce résultat pour le secteur des biens électriques en France provient des progrès plus faibles de la productivité globale des facteurs et de l'indice de qualité qui y sont réalisé relativement au reste de l'Europe. La position compétitive de ce secteur sur le marché européen se détériore légèrement, la France connaissant en 2030 un accroissement de ses importations intra européennes de biens électriques de 13,9 % contre une progression de seulement 11,5 % de ses exportations intra européennes.

Graphique 95 : Le secteur français des biens électriques*

* En % par rapport au compte tendanciel.

L'évolution du commerce extra européen est par contre très favorable à la France (comme à l'ensemble de l'Europe) avec une progression de 18,7 % des exportations de biens électriques et une diminution des importations de 7,1 % en 2030. Le solde extérieur du commerce de biens électriques s'améliore donc globalement très fortement en France, ce qui est vrai également pour les autres secteurs intensifs en R&D.

Concernant l'emploi, en France, comme en Europe, les forts gains de productivité réalisés dans les secteurs intensifs en R&D jusqu'en 2030 ne permettent qu'une progression limitée, très inférieure à celle de la production. La progression de l'emploi est par exemple limitée à 3 % dans le secteur des biens électrique (contre 15 % pour la production). L'emploi progresse par contre beaucoup plus rapidement que la production dans les secteurs intensifs en R&D jusqu'en 2010, qui correspond à la période de maturation des efforts de R&D ; le personnel de recherche augmente de façon très importante au cours de cette période, alors que les gains de productivité restent très limités en raison des délais de maturation importants de la R&D.

Les autres secteurs

Les secteurs de biens intermédiaires 79 ( * ) voient la demande qui leur est adressée se contracter sous l'effet des gains importants de productivité réalisés par l'ensemble des secteurs. De plus, la France subit des pertes de parts de marché en Europe, qui ne sont pas toujours compensées par des gains de parts de marché suffisamment importants en dehors de l'Europe ; la structure du commerce extérieur par zone (intra et extra européenne) va ainsi dicter l'évolution du solde extérieur de chaque secteur intermédiaire. On observe globalement pour ces secteurs une redistribution de la structure du commerce intra européen qui profite aux pays du sud de l'Europe, dont la compétitivité relative s'améliore.

Dans le secteur des métaux ferreux et non ferreux, par exemple, le prix de production diminue de 15,8 % en France alors qu'il est réduit de 17,9 % en moyenne en Europe et jusqu'à 35,1 % en Grèce. En revanche, la France gagne en compétitivité vis-à-vis du reste du monde : ses importations extra européennes diminuent de 9,8 % et ses exportations extra européennes augmentent de 10,5 %. Les importations totales de la France diminuent de 2,1 % en 2030, et ses exportations totales augmentent de 4,7 %. Ce secteur est le seul secteur de biens intermédiaires pour lequel la production française croît davantage que la production européenne (2,9 % contre 1,1 %). Mais cette faible amélioration de la balance commerciale ne permet pas de maintenir l'emploi qui décline dans ce secteur de 2,8 %, en raison des effets positifs de la R&D sur la productivité globale des facteurs ; le déclin de l'emploi est également perceptible dans tous les autres secteurs intermédiaires en France.

L'exemple du secteur des métaux non ferreux pourrait permettre d'illustrer également ce qui se passe dans un secteur de biens d'investissement (non intensif en R&D) comme celui des machines agricoles et industrielles. L'effort d'innovation y est généralement insuffisant pour compenser les gains de productivité dans les secteurs clients et maintenir le niveau de la demande et donc de la production et de l'emploi ; ici encore, seuls les pays, comme la Grèce, qui améliorent leur compétitivité relative au niveau européen, parviennent à développer la production et à créer de l'emploi. L'emploi diminue ainsi de 2,8 % dans ce secteur en France en 2030

Parmi les secteurs peu intensifs en R&D, ce sont ainsi les secteur de biens de consommation et de services aux particuliers qui améliorent le plus leur situation relative ; le bilan réalisé précédemment au niveau européen est ainsi valable également au niveau national. Ces secteurs bénéficient de la hausse de revenus des ménages résultant, d'une part, de la croissance économique, et, d'autre part, de la redistribution des gains de productivité aux salariés, à hauteur d'un tiers. L'exemple du secteur du textile et de l'habillement illustre parfaitement les retombées positives pour l'emploi et la production de ce contexte favorable qui se met en place pour ces secteurs ; pour la production, la progression en 2030 s'établit à près de 10 % en France, soit une progression reflétant davantage la mesure dans laquelle le pouvoir d'achat des ménages français est amélioré que l'évolution du niveau de compétitivité de ce secteur.

* 76 Il s'agit des secteurs des métaux ferreux et non ferreux, des produits minéraux non métalliques, des produits métalliques, et du caoutchouc et matières plastiques. La chimie, qui inclut la pharmacie est pour sa part comptée parmi les secteurs intensifs en R&D.

* 77 Il s'agit des machines agricoles et industrielles, des équipements de transport, des autres industries et de la construction.

* 78 Il s'agit des secteurs de l'alimentation, des boissons et du tabac, des textiles, vêtements et chaussures, de produits de papier et d'imprimerie, d'hébergement et restauration et des services de transport.

* 79 Hors le secteur de la Chimie, qui inclut également la Pharmacie.

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