UNE ÉVALUATION CRITIQUE DE LA GESTION PAR LES PERSONNELS INFORMATIQUES DE L'ETAT

UNE FAIBLE EXTERNALISATION

UNE RÉTICENCE CULTURELLE

La réticence des administrations à recourir à des moyens externes a été notamment soulignée par M. Jean Mounet, président de la chambre syndicale des sociétés de service en informatique (SSII). Il a indiqué que si l'externalisation pouvait apporter des gains en termes de qualité, de productivité et de coût, elle demeurait trop peu pratiquée par les administrations, marque d'une certaine « frilosité », et ce, contrairement à la culture anglo saxonne.

Il est significatif que, pour motiver le recours à des ressources extérieures pour la maintenance, les ministères de la culture et de la justice évoquent « la faiblesse des moyens humains ». Sans cette « faiblesse », l'externalisation n'aurait donc peut-être pas été envisagée.

Le ministère de l'agriculture justifie le retour à des moyens extérieurs par l'inadéquation de ses agents aux contraintes nouvelles . Il plaide aussi pour un équilibre entre ressources internes et ressources externes ( cf encadré ci-dessous ).

L'externalisation vue par le ministère de l'agriculture

« Cette évolution nécessite d'obtenir un équilibre délicat entre compétences techniques internes (suffisantes pour spécifier et juger de la crédibilité d'une offre ou d'une prise de position) et capacité à spécifier, conduire, procéder aux opérations de réception. Elle déplace la demande en personnels vers les profils d'expert technique, d'analyste et de chef de projet qu'il est difficile de mobiliser sur les seules ressources internes. Enfin, les enjeux et la taille des nouveaux projets induisent des à coups dans la demande de personnels, nécessitant réactivité et capacité à constituer rapidement de nouvelles équipes. Ce ne sont pas de manière évidente les caractéristiques majeures de la gestion du personnel des administrations ».

La perspective de devoir se soumettre aux procédures longues, lourdes et souvent complexes du code des marchés publics , en cas d'externalisation, peut provoquer un réel découragement. Les services pourront préférer recourir à des ressources internes plutôt que de subir des délais longs et préjudiciables. M. Jean Mounet, président de la Chambre syndicale des sociétés de services en informatique et ingénierie (SSII) a estimé que la récente réforme du code des marchés publics avait apporté de réels éléments de souplesse dans une procédure qui demeure complexe. Toutefois, il a regretté que, contrairement aux entreprises privées, les administrations semblent hésiter devant l'utilisation des marges d'appréciation qui leur étaient faites, par crainte de la faute.

Cependant, l'externalisation, il est vrai, ne constitue pas une garantie absolue de meilleure gestion, comme l'a relevé la Cour des comptes dans sa communication effectuée à la demande de la commission des finances 32 ( * ) sur la gestion du Centre national pour l'aménagement des structures et des exploitations agricoles (CNASEA) , en application de l'article 58-2° de la loi organique relative aux lois de finances (LOLF). Le CNASEA, chargé initialement d'assurer l'application des textes d'aide à l'aménagement des structures agricoles, a ensuite étendu son activité à la gestion d'autres aides agricoles et des prestations de services pour la gestion des fonds structurels européens. Présentant sa communication devant la commission des finances, M. Jean-François Carrez, président de la cinquième chambre a indiqué que la Cour des comptes notait « les faiblesses du contrôle de gestion de performance et émettait par conséquent des doutes sur l'affirmation selon laquelle le CNASEA est plus rapide, plus efficace et moins coûteux que l'administration si elle intervenait directement. On a souvent justifié le recours au CNASEA par la nécessité de payer un certain nombre d'aides publiques impatiemment attendues par leurs bénéficiaires ; or, le contrôle des délais de paiement n'est pas véritablement bien assuré dans le système actuel. De même, en matière de coûts, le suivi de la productivité est mal assuré ».

LES PARTENARIATS PUBLICS PRIVÉS (PPP)

Nouvelle forme possible d'externalisation, la formule de « partenariat public privé (PPP) » , instituée par l'ordonnance n° 2004-559 du 17 juin 2004, introduit en droit français un type de contrat inspiré du droit britannique. A la différence des marchés publics, ces contrats peuvent s'étendre sur le long terme, comprendre une prestation globale allant de la conception d'un bâtiment et de sa construction jusqu'à sa maintenance, et englober le montage juridique et financier des opérations. Avec les PPP, une entreprise privée pourra à la fois concevoir, construire et assurer la maintenance et la gestion des bâtiments publics, dans le cadre d'un contrat de long terme (15 ans par exemple) avec l'Etat. Le gouvernement compte notamment utiliser les PPP pour la construction et la maintenance des hôpitaux, des prisons, des commissariats et des casernes. Ce système aura l'avantage, au niveau budgétaire, d'étaler les charges de l'Etat sur une longue durée, le paiement des services fournis devant s'effectuer par un loyer mensuel ou annuel étalé sur la durée du contrat. Le ministère de l'économie, des finances et de l'industrie estime que « la participation du privé permettra d'améliorer la gestion des équipements » concernés.

Votre président s'interroge sur les risques inhérents à cette nouvelle formule . Si les PPP peuvent permettre un lissage des dépenses, cette facilité budgétaire est sans doute plus apparente que réelle, puisque le coût total de l'opération n'est pas minoré et que la « facilité de trésorerie » peut libérer des moyens pour l'engagement d'autres opérations et donc constituer une incitation à la dépense, voire un artifice pour minorer les déficits publics au sens de Maastricht. Les loyers engendrés constitueront des charges fixes limitant d'autant la souplesse nécessaire pour les exercices suivants. Le PPP ne doit pas devenir un substitut à la nécessaire rigueur budgétaire.

Il n'est donc pas certain que cette nouvelle formule constitue, en toutes circonstances, une véritable solution.

* 32 Voir le rapport d'information de notre collègue. Joël Bourdin n° 276 (2003-2004), page 52.

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