B. UNE INNOVATION FINANCIÈRE AUX EFFETS AMBIGUS

La sécurité financière est néanmoins inévitablement amoindrie par des dysfonctionnements techniques, la psychologie des acteurs et ses conséquences sur les configurations de marché 1 ( * ) , ou la fraude et la criminalité délibérées. Elle est également menacée par des phénomènes aléatoires ou « bruits », se manifestant par des krachs d'origine exogène ou endogène. Dans ce contexte, l'innovation financière, qui est une des caractéristiques majeures de l'économie contemporaine et connaît de multiples avatars 2 ( * ) , paraît entretenir des rapports ambigus voire paradoxaux avec la sécurité financière . Elle y contribue, directement ou non, mais poursuit également d'autres objets 3 ( * ) et crée de nouvelles incertitudes.

L'innovation contribue en effet à la sécurité par ses effets positifs en termes de mutualisation des risques, de couverture, d'amélioration des possibilités de financement et de sécurisation des rendements pour certains instruments ; mais elle est aussi facteur d'instabilité et d'insécurité en créant de nouveaux risques, en impliquant de nouveaux acteurs ne disposant pas nécessairement des moyens pour évaluer correctement lesdits risques, en biaisant l'arbitrage de certains acteurs au profit de la recherche du rendement absolu et au détriment de la perception du risque, voire dans certains cas en facilitant la fraude. Un événement sur un des maillons de la chaîne est alors susceptible de dégénérer en crise systémique par l'absence de cantonnement du risque à des acteurs bien identifiés. Le marché des instruments de transfert de risque de crédit (évalué à 3.700 milliards d'euros en 2004), et plus spécifiquement de la titrisation et des dérivés de crédit, participe d'une gestion active du risque et est particulièrement emblématique des ambiguïtés de l'innovation financière.

C. UN CYCLE DE LA SÉCURITÉ FINANCIÈRE ?

Cette recherche de la sécurité est indissociable de la stabilité, de l'intégrité, de la responsabilité et de la prévisibilité. Le renforcement de la sécurité financière, au même titre que les phases d'expansion et de recentrage des entreprises, paraît néanmoins s'inscrire dans une sorte de cycle dans lequel des phases de durcissement réglementaire, faute d'anticiper intégralement l'évolution de l'économie financière, interviennent à la faveur du constat de nouveaux risques et dysfonctionnements .

Pour le législateur, il s'agit donc d'éviter une normativité trop détaillée afin de limiter les effets de contournement, et d'être sensibilisé aux risques des innovations en cours. Si la loi doit idéalement s'en tenir aux principes, cet objectif devient cependant de plus en plus difficile à respecter, tant la complexité de la réalité s'accommode mal avec la lisibilité des normes.

* 1 Une analyse fréquente des dysfonctionnements des marchés financiers postule que ceux-ci seraient inefficients à court terme mais efficients à moyen terme, du fait des phénomènes de mimétisme et de panurgisme, de surréaction, et de biais autoréalisateur dans les anticipations.

* 2 Compartiments de marché, indices, stratégies de gestion d'actifs, techniques de modélisation, nouveaux instruments financiers (dérivés climatiques, obligations synthétiques, produits structurés hybrides entre fonds propres et dette...), nouvelles techniques d'utilisation d'instruments existants...

* 3 Contournement de la réglementation, rendement et optimisation, exploitation des niches d'inefficience de marché, recherche de nouveaux modes de financement en période de raréfaction des canaux traditionnels...

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