B. LE PÔLE TÉLÉVISUEL

Les rapports consacrés au sujet ont systématiquement considéré notre action télévisuelle comme étant le principal talon d'Achille de notre politique audiovisuelle extérieure. La dispersion des opérateurs, leur absence de complémentarité et le manque de lisibilité des choix éditoriaux ont été dénoncés avec raison.

Votre rapporteur a pourtant pu mesurer, au cours de ses travaux, les efforts et les progrès qui ont été accomplis dans ce domaine : avec trois opérateurs principaux aux missions désormais bien définies, les bases d'un pôle télévisuel cohérent ont été établies.

1. TV5 et Canal France International (CFI) : deux sociétés aux missions complémentaires

Dans son rapport public 2002, la Cour des Comptes indiquait : « les sociétés Satellimages-TV5 (devenue depuis TV5- monde) et CFI sont les deux principaux instruments de la présence télévisuelle de la France à l'étranger. Cette situation est unique au monde. Leur rapprochement, pourtant annoncé depuis les années 1990, tarde à se concrétiser. »

Votre rapporteur a pu constater, au fil des auditions auxquelles il a procédé, que ce constat n'était plus d'actualité : le rapprochement de ces deux sociétés est effectif et leur action, parfois redondante, tend à devenir parfaitement complémentaire.

a) Un rapprochement devenu effectif

Encouragé par les tutelles, le rapprochement de TV5, chaîne de la francophonie créée en janvier 1984 et de CFI, banque de programmes dotée de capacités satellitaires permanentes lancée en 1989 à l'initiative du ministère de la coopération, s'est progressivement concrétisé.

Depuis juillet 1998, l'existence d'une présidence commune entre les deux sociétés a ainsi permis de mettre fin aux concurrences stériles qui affaiblissaient notre action audiovisuelle extérieure. Désormais dotées d'un directeur des programmes, d'un directeur de la communication, d'un directeur de l'audit interne et de responsables marketing communs, elles se sont engagées dans un processus de concertation croisée lors de l'établissement de leurs premiers plans d'entreprise de manière à oeuvrer dans la complémentarité.

Effectif au plan des ressources humaines, le rapprochement entre TV5 et CFI s'est également matérialisé au niveau technique : les capacités satellitaires à la disposition des deux sociétés ont fait l'objet d'un important travail de rationalisation et d'optimisation visant à réduire les coûts de diffusion.

Enfin, les deux sociétés sont désormais fermement arrimées à l'audiovisuel national par l'intermédiaire de leur actionnariat. France Télévisions et Arte disposent en effet respectivement de 51,5 % et de 12,5 % du capital de TV5 et, depuis juillet 2003, de 75 % et de 25% du capital de CFI.

b) Des missions enfin complémentaires

Depuis l'interruption de la diffusion de CFI-TV, chaîne grand public diffusée en clair sur l'Afrique proposant, comme TV5, un nombre important de programmes issus des chaînes françaises, TV5 et CFI tendent à devenir deux instruments complémentaires.

(1) TV5, la chaîne de la francophonie

Créée en novembre 1983, TV5 constitue désormais le deuxième réseau télévisuel mondial. Reçue par 137 millions de foyers et regardée par 39 millions de téléspectateurs en audience cumulée hebdomadaire, la chaîne multilatérale 72 ( * ) propose aux publics du monde entier un regard francophone sur l'évolution du monde, une ouverture sur la culture de notre pays et un lien permanent avec ce dernier pour nos compatriotes expatriés.

(a) Un financement à rééquilibrer

Votre rapporteur regrette que le caractère multilatéral de la chaîne, encore largement perceptible au niveau de ses programmes, tende à se réduire au niveau budgétaire. L'aboutissement en 2001 des négociations entre les partenaires de TV5, débouchant sur la création de TV5 Monde, structure unique de pilotage de la chaîne basée à Paris sous responsabilité essentiellement française, a en effet conduit à l'augmentation sensible de la contribution française 73 ( * ) au budget de la chaîne. En additionnant la subvention versée par le ministère des affaires étrangères et celle versée par France Télévisions, la France contribue désormais pour plus de 80 % (80,99 % au titre du budget 2003 et 81,15 % au titre du budget 2004) au budget de TV5 contre 4,8 % pour la Suisse et la Belgique, 2,9 % pour le Canada et 1,9 % pour la province de Québec 74 ( * ) .

Cette dilution progressive de la participation financière de nos partenaires au projet pourrait, à terme, être préjudiciable à TV5. En effet, si cette situation a pour le moment comme seul effet de limiter de facto (en vertu de l'adage « qui paye commande ») le pouvoir d'intervention des partenaires non français sur les orientations de la chaîne, il n'est pas dit qu'il en soit de même le jour où notre pays disposera de sa propre chaîne d'information. Dans un contexte budgétaire extrêmement contraint, l'opportunité de financer de manière substantielle deux chaînes internationales aux contenus proches (l'information demeurant selon l'expression des dirigeants de TV5 « la colonne vertébrale de la chaîne multilatérale) ressurgirait inévitablement.

Dans ces conditions, votre rapporteur estime qu' il est urgent de rééquilibrer le financement de TV5 dans le sens d'un engagement plus important des partenaires francophones. Il ne s'agit pas là de remettre en cause la règle des neuvièmes mais bien d'accentuer, afin d'offrir à la chaîne les moyens financiers de son développement, la participation spécifique de chacun de nos partenaires.

(b) La mise en oeuvre de nouveaux axes stratégiques

A la suite de la mise en oeuvre de la réforme globale de son dispositif décidée lors de la conférence de Vevey en octobre 2000, qui s'est traduite par le transfert à Paris des signaux dédiés aux Etats-Unis et à l'Amérique latine, TV5 s'est dotée de nouveaux axes stratégiques.

La chaîne a d'abord souhaité améliorer ses programmes d'information. Depuis le 1 er janvier 2003, l'enchaînement des journaux nationaux des différents partenaires (le fameux « tunnel ») a fait place à un dispositif plus attrayant : à côté de quatre éditions « tout image » de 2 minutes 30 et de deux journaux de 12 minutes, la rédaction de TV5 propose quotidiennement six grands journaux de 20 à 28 minutes adaptés à chacun des grands fuseaux horaires.

Plus attrayante, l'information proposée par TV5 est également devenue plus réactive. La chaîne a en effet démontré, lors du déclenchement du conflit irakien, sa capacité à passer d'un format « généraliste » à un format « tout-info » susceptible de couvrir et d'analyser 24 heures sur 24 les événements majeurs de l'actualité.

TV5 a également travaillé son identité afin de traduire dans sa programmation l'idéal de diversité culturelle défendu par la francophonie. Cette politique a trouvé plusieurs points d'appui dans les grilles de programmes : la chaîne propose ainsi des soirées cinématographiques thématiques, de larges plages dédiées aux enfants et à la jeunesse et des émissions reflétant la richesse et la diversité des productions des pays partenaires, dans la mesure des droits disponibles. Enfin, dans le but de répondre aux attentes et demandes de nombreux téléspectateurs passionnés de sports, TV5 poursuit sa politique de diffusion de grands événements sportifs.

La chaîne se préoccupe enfin d'assurer l'adaptation linguistique de ses programmes afin de pouvoir se maintenir dans les 6 000 réseaux câblés qui la diffusent et la trentaine de bouquets satellites qui reprennent ses signaux, et d'avoir accès à de nouveaux opérateurs. C'est pourquoi elle a décidé, dès 2002, d'augmenter le volume de programmes sous-titrés dans les langues existantes. Cet effort a permis à la chaîne d'enregistrer des résultats très satisfaisants, tant pour ce qui est du nombre de foyers ayant accès à son programme qu'en termes d'audience.

(2) CFI, un recentrage vers l'activité de banque de programmes

CFI connaît depuis 2002 une importante phase de restructuration : l'opérateur a en effet été contraint d'abandonner certaines de ses activités afin de redevenir l'outil fondamental de notre politique de coopération avec les télévisions des pays émergents ou de la zone de solidarité prioritaire.

(a) L'abandon des activités annexes

La restructuration de CFI s'est d'abord matérialisée par l'abandon de deux de ses activités annexes :

- L'interruption de la diffusion de CFI-TV : créée en juillet 1999 et diffusant en clair sur l'Afrique francophone les programmes achetés par CFI-Pro Afrique, la chaîne CFI-TV a cessé d'émettre en cours d'année 2004. Il convient de souligner que cette interruption, initialement programmée pour décembre 2003, a dû être anticipée en conséquence du gel d'une partie des crédits budgétaires alloués au département ;

- La cession, fin juillet 2003, par Portinvest (filiale de CFI) à Média Overseas (filiale du groupe Canal+) du bouquet satellitaire « Le Sat », créé et financé annuellement par le ministère des affaires étrangères.

(b) Un opérateur désormais tourné vers la coopération internationale

Cette restructuration s'est ensuite traduite par la rationalisation de l'activité de banque de programmes de CFI et par le développement de son rôle de coordinateur dans le domaine de la coopération télévisuelle internationale.

La mission première de CFI est en effet de fournir des programmes aux télévisions des pays émergents afin qu'elles les rediffusent sur leurs antennes. Essentiellement alimentée à l'origine par des programmes fournis gratuitement par les chaînes publiques, CFI achète désormais la majorité des programmes (6,4 millions d'euros aux producteurs français et 0,91 million d'euros aux producteurs africains) qu'elle propose aux chaînes avec lesquelles des accords ont été signés. Le plan d'action stratégique présenté en juillet 2003 a prévu l'amélioration des services offerts par CFI-Pro grâce à la recherche systématique d'une meilleure adéquation entre l'offre de programmes et la demande des télévisions partenaires.

Votre rapporteur ne peut que soutenir cette proposition. Il estime qu'il convient pour ce faire de développer :

- en amont des achats, une connaissance plus précise des besoins réels des télévisions partenaires ;

- en aval du service rendu, une mesure régulière des taux de reprise et de l'impact des programmes diffusés.

Dans le prolongement de sa mission traditionnelle de banque de programmes, CFI doit également développer ses activités de conseil, de formation, d'assistance technique et d'ingénierie auprès des télévisions partenaires. Un premier pas dans ce sens a déjà été effectué par la mise en place du « Plan images Afrique » chargé d'assurer la modernisation des télévisions publiques et privées africaines. Responsable du suivi-conseil des télévisions tout au long de ce nouveau plan de soutien sur trois ans, CFI a organisé dès septembre 2003 les premières missions d'audit organisationnel des télévisions retenues.

2. Euronews

Bien que ne recevant plus aucune subvention de la part du ministère des affaires étrangères depuis 2003, Euronews, « chaîne européenne de télévision multilingue d'information » créée en 1992, peut néanmoins être considérée comme le troisième opérateur de notre action audiovisuelle extérieure.

Installée à Lyon, produite et diffusée en 7 langues par la Société Opératrice de la Chaîne Européenne Multilingue d'Information Euronews (SOCEMIE SAS), EuroNews est détenue 75 ( * ) par un consortium de 19 chaînes de télévision publiques rassemblées autour de France Télévisions, la RAI, RTVE, la RTR et la RadioTélévision Suisse Romande.

Se positionnant aujourd'hui comme la première chaîne d'information pan-européenne, Euronews est distribuée auprès de 144 millions de foyers dans 77 pays pour une audience quotidienne estimée à 5,1 millions de téléspectateurs via le câble et le satellite et 2,1 millions de téléspectateurs via les fenêtres hertziennes.

RÉPARTITION DU CAPITAL D'EURONEWS AU 30 JUIN 2004

France Télévisions France 24,04 %

RAI Italie 21,65 %

RTVE Espagne 18,81 %

RTR Russie 16,06 %

SSR Suisse 9,20 %

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Total noyau dur 89,77 %

AFE (Association des fondateurs) 2,73 %

CT République tchèque 0,08 %

YLE Finlande 0,90 %

RTP Portugal 1,40 %

CyBC Chypre 0,19 %

ERTT Tunisie 0,18 %

RTVSLO Slovénie 0,13 %

TMC Monaco 0,40 %

RTBF Belgique 0,61 %

ERT Grèce 0,32 %

RTE Irlande 0,94 %

ERTU Egypte 0,30 %

TVROM Roumanie 1,65 %

PBS Malte 0,08 %

ENTV Algérie 0,34 %

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Total autres actionnaires 10,23 %

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TOTAL 100,00 %

* 72 Le capital de TV5 est détenu aux deux tiers par des entreprises publiques de l'audiovisuel français, et, pour le tiers restant, à parts égales, par la RadioTélévision belge de langue française, la société suisse de Radiodiffusion et le Consortium de télévision Québec-Canada.

* 73 Cette contribution comprend les 6/9 e alloués aux frais communs (les frais communs de la chaîne, qui représentent près du quart de son budget total, sont financés par les partenaires selon une clé de répartition unique, la clé des neuvièmes, aux termes de laquelle la France prend en charge 6/9 e de ces frais, la Suisse 1/9 e , la communauté française de Belgique 1/9 e , le Québec et le Canada se partageant le 1/9 e restant) soit 24,1 millions d'euros pour le projet de budget 2004 et la contribution spécifique à la France, soit 43,1 millions d'euros pour ce même projet de budget.

* 74 Les 9,25 % restants étant constitués des recettes publicitaires, des abonnements et des produits financiers de la chaîne.

* 75 Par l'intermédiaire de la Société Editrice de la Chaîne Européenne Multilingue d'Information Euronews (SECEMIE) SA, qui détient 100 % de la SOCEMI.

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