3. Une confirmation souhaitable

Les opinions paradoxales ont au moins un mérite : celui d'obliger à remettre en cause une approche qui s'impose comme une évidence « incontournable » et définitive. Cela posé, l'argumentaire en faveur de la suppression de la séparation entre l'évaluation et la gestion du risque dans le domaine alimentaire paraît bien mince, circonstanciel et attaché à la forme plutôt qu'à la réalité des problèmes et des évolutions. En outre, la proposition de création d'un « grand ministère des risques » (Pr. L. Abenhaïm) dépasse largement le cadre de l'AFSSA pour atteindre un niveau de généralités qu'on abordera par ailleurs si tant est que cette philosophie puisse avoir des prolongements opérationnels.

Force est de constater qu'à l'exception des deux remises en cause précitées, la totalité des nombreuses et fort diverses personnalités interrogés ont d'emblée confirmé la nécessité de ce principe de séparation et ce, quels que soient leur situation, leur rôle ou leur absence de rôle, dans l'architecture institutionnelle mise en place depuis 1998.

Parmi les praticiens les plus expérimentés de la question, M. Christian Babusiaux, qui a exercé longuement les fonctions de directeur général de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes du ministère de l'économie et des finances, a souligné qu'il avait voulu cette séparation dès le départ et qu'à l'usage son bien-fondé se confirmait sans ambages. Si la rédaction de certains avis de l'AFSSA par les préconisations qu'ils contenaient a pu susciter des difficultés (cas du mouton lors d'une épidémie de « tremblante » alors que l'essentiel de la consommation était alors issu d'importations), le principe est cependant justifié et opérationnel, ce qui n'exclut pas des ajustements dans certains types de situations.

Du côté des professionnels de la distribution, M. Jérôme Bédier (Président de la fédération des entreprises du commerce et de la distribution) a souligné que l'on tenait beaucoup à cette séparation qui était un acquis pour tout le monde en terme de sécurité.

Parmi les argumentations excluant le regroupement au sein de l'AFSSA, au-delà de l'évaluation du risque de l'ensemble des autres fonctions et notamment ce qu'on appelle la gestion du risque, la ministre en charge de la consommation, donc de la DGCCRF, Madame Marylise Lebranchu, avait indiqué en mai 2000, lors de la journée d'auditions publiques organisée par la commission des affaires sociales du Sénat sur la mise en oeuvre de la loi du 1 er juillet 1998 : « Avoir une seule entité impliquerait une supra structure avec à l'intérieur tous les laboratoires, le tout en étant au service de l'évaluation du risque. Je reste persuadée qu'il faut garder des outils au service de la gestion du risque. L'Agence n'a pas comme vocation de contrôler. Elle perdrait son temps et son efficacité. En effet, le souci, que vous avez bien développé, était d'avoir un outil structurel institutionnel garanti transparent travaillant en permanence sur l'évaluation des risques potentiels. Laissons la gestion aux administrations de telle manière que l'Agence ne soit pas encombrée de missions de contrôle et ne fasse plus de travail d'évaluation aussi souvent qu'elle le pourrait.

Par ailleurs, il me semble que l'Agence n'aura jamais tous les laboratoires sur toutes les compétences dans l'avenir. Qu'elle ait le droit, en tant que de besoin, d'avoir à sa disposition ces laboratoires et que ceux-ci soient obligés de lui répondre sur toutes les évaluations qu'elle demande, y compris les laboratoires universitaires - des universités travaillent sur de la recherche fondamentale qui, à un moment donné, peuvent être utiles à l'Agence - est un fonctionnement qui me paraît devoir être poursuivi ; sinon, l'Agence manquera de moyens ».

Cette analyse faite un an après la création de l'AFSSA garde toute sa valeur et illustre clairement les risques d'un tel regroupement. Mais le corollaire de la répartition des fonctions ainsi retenue apparaît aussi clairement : l'accès aux laboratoires extérieurs à l'Agence et l'obligation pour eux de répondre à ses questions doivent être assurés. Sur ce point, précisément, un effort réel reste à faire pour que l'équilibre d'ensemble instauré en 1998, et donc l'efficacité recherchée, soit atteint.

Enfin, s'agissant du pouvoir de décision dans le domaine alimentaire, on voit mal celui-ci exercé par l'autorité administrative qui aurait procédé préalablement à l'évaluation : les critiques sur la confusion des fonctions formulées avant 1998 retrouveraient alors toute leur justification.

Ce point essentiel du dispositif est aujourd'hui peu controversé. Au total, cette distinction entre évaluation et gestion du risque constitue un progrès marquant et si des aménagements dans la communication des avis peuvent apparaître nécessaires dans certains cas, l'architecture d'ensemble n'est pas remise en cause.

Page mise à jour le

Partager cette page