2. Des risques de dérives

La tendance naturelle de notre époque à considérer le risque zéro comme un objectif accessible, donc souhaitable 25 ( * ) , peut très naturellement amener à multiplier les précautions, les vérifications répétées dont l'intitulé de certaines saisines de l'AFSSA témoigne d'ailleurs clairement. Il n'y a donc rien d'étonnant à ce que les administrations de tutelle contribuent à une augmentation sensible et pas toujours justifiée des saisines. Ce mouvement peut même avoir une origine directement ministérielle : la tentation de « se couvrir » reste forte dès lors que l'on sent l'opinion d'une extrême sensibilité à un problème. En outre, le mécanisme fonctionnant bien, il n'y a pas vraiment de régulation naturelle dans le sens de la maîtrise du flux qui puisse s'établir. La croissance constatée en 2003 peut procéder de ce phénomène, mais surtout elle pourrait être plus sensible dans l'avenir.

Par ailleurs, d'autres facteurs qui vont dans le même sens sont identifiés. L'AFSSA elle-même pointe la croissance que pourrait entraîner la réalisation effective de la séparation entre l'évaluation et la gestion du risque dans les domaines des produits biocides et phytosanitaires. C'est là un problème essentiel que l'on aborde plus loin dans le présent rapport (« des lacunes à combler ») mais dont on peut dès maintenant prévoir les implications éventuelles pour l'AFSSA.

Les organisations de consommateurs ont depuis décembre 2000 la possibilité de saisir l'AFSSA ; elles en ont fait un usage très limité (moins d'une dizaine par an). On peut penser que l'on observera ici une croissance, mais on ne dispose pas d'indication précise pour le moment.

Les industriels ne disposent pas du droit de saisine. L'ANIA (Association Nationale des Industries Alimentaires) et, plusieurs autres acteurs, souhaitent que ce droit leur soit reconnu. Il s'agirait d'un élément pouvant contribuer à la croissance du nombre des saisines, mais il conviendrait, le cas échéant, d'éviter une dérive dans cette perspective (cf. infra).

Enfin, si les auto-saisines de l'AFSSA ne sont pas statistiquement considérables (20 sur 347 en 2001), leur évolution et surtout la charge qu'elles représentent (cf. supra) sont de nature à mobiliser une part importante de l'énergie de l'Agence. Or l'autosaisine n'étant pas encadrée, elle peut apparaître et se développer dans des domaines et des modalités qui sont discutables. Les efforts qui y sont consacrés peuvent l'être au détriment de travaux plus nécessaires ou plus légitimes. Les évolutions inquiétantes caractérisées par l'augmentation de la prévalence de l'obésité, ont conduit à mettre l'accent sur les actions dans le domaine nutritionnel. Ce souci justifié ne saurait entraîner une déformation de l'outil qu'est l'Agence modifiant ainsi la répartition des moyens qui sont mis à sa disposition par rapport à l'ensemble de ses objectifs et de ses obligations.

* 25 Cf. supra 1 ère partie du présent rapport.

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