b) La carrière
La « motivation de carrière » n'existe pas réellement pour ce type d'activité et ce, d'une manière nettement plus marquée que pour le médicament. En effet, dans les disciplines scientifiques intervenant dans le domaine alimentaire, le travail d'expertise n'est absolument pas pris en compte à sa juste valeur ; il peut même être méprisé par rapport aux activités de recherche qui, d'un point de vue académique, n'ont évidemment pas le même « statut ». Certains scientifiques se voient ainsi reprocher de « faire trop d'expertise ». Le risque est aussi que progressivement on ne recrute pas les experts parmi les meilleurs. Enfin, un expert lui-même observe « cette activité constitue une responsabilité à une époque où l'on ne recherche pas tellement cela ».
Cette insuffisance de reconnaissance ne touche naturellement pas seulement l'AFSSA, ce qui n'est pas rassurant sur un plan général et pour l'avenir.
Il y a lieu de noter d'ailleurs que la France, malgré sa position dans le domaine agricole et alimentaire, n'est pas le pays européen qui fournit proportionnellement le plus d'experts : le Danemark, la Grande-Bretagne et les Pays-Bas, la dépassent en effet. Cette constatation devrait faire d'autant plus réfléchir pour que cette tendance ne n'accentue pas, compte tenu en outre du développement prévisible de l'expertise au niveau européen (AESA) et mondial (JECFA entre autres). Le Parlement n'a pas ici de pouvoir de décision, mais il a le devoir d'attirer l'attention sur la nécessité d'agir à différents niveaux et vis-à-vis des différents acteurs (administrations dont l'Agence, monde universitaire). Ces insuffisances de considération et dans certains cas d'effectifs ont une traduction plus aiguë dans certaines spécialités, notamment la toxicologie.
c) Les experts non académiques
L'absence d'experts « non académiques » travaillant dans le secteur industriel pose un problème réel. La clarification de la situation des experts par rapport aux intérêts industriels en est directement à l'origine. L'effectivité du mécanisme des « déclarations d'intérêt », la volonté de mettre un terme à des situations abusives dont l'existence était reconnue avant 1998, ont entraîné une coupure particulièrement marquée entre l'industrie et l'expertise dans le cadre de l'évaluation du risque. Ainsi, la « commission de technologie alimentaire de l'ancien CSHPF a été supprimée avec la création de l'AFSSA. Dans certains domaines comme celui des emballages ou des arômes, il est difficile de se passer de la participation d'experts oeuvrant dans la production. On est certainement allé trop loin en refusant de considérer les exigences des réalités techniques. En outre, cela limite considérablement les effectifs d'experts, aggravant encore le problème de la limitation du « vivier de recrutement » que l'on vient d'analyser. Les précautions à prendre exigent du soin dans l'édiction des règles et le recours des experts exige des précautions ; cela n'est pas une raison pour continuer à feindre d'ignorer un problème réel qui, avec le développement de technologies de plus en plus élaborées et le mouvement de mondialisation des échanges dans le domaine alimentaire, ne pourra que s'aggraver.