2. Le fonctionnement des comités d'experts
Leur mise en place réalisée, les comités d'experts ne connaissent pas de difficultés marquantes dans leur fonctionnement. Mais les experts eux-mêmes posent d'une manière récurrente des questions qu'il convient d'entendre.
L'ampleur du périmètre de compétences des comités d'experts spécialisés peut être l'objet d'une interrogation : comités de spécialistes ou comités plus « pointus » de spécialistes.
a) Des appréciations diverses
Le fonctionnement lui-même est apprécié de manière diverse. L'inégalité de situation des différents comités l'implique sans doute, mais quelques questionnements sont communs : variété du traitement des saisines, place de l'expertise interne, articulation entre l'avis du comité et celui de l'AFSSA.
Le document d'évaluation de l'AFSSA réalisé à la demande de celle-ci par le Centre de sociologie des Organisations (CNRS-FNSP) 26 ( * ) recèle sur ce point des informations précises qui semblent refléter la situation ressentie par les présidents de comités d'experts. Inséré dans un paragraphe « clarifier certaines étapes du processus d'expertise » ce développement dont on présente ci-après l'essentiel du texte est intitulé « un besoin de clarification du mode de traitement des saisines » :
« Un besoin de clarification du mode de traitement des saisines
Le choix des modalités de traitement des saisines n'est pas très bien compris, aussi bien par le personnel de l'Agence que par les présidents de CES. Le partage des saisines entre travail au sein de la DERNS et travaux en CES n'obéit pas à des procédures clairement établies et énoncées et le choix de l'expertise interne peut alors être mal vécu par les experts des CES ou les secrétaires scientifiques.
En plus de la charge de travail conséquente et d'une situation quasi-bénévole, les experts ont la sensation que le secrétariat scientifique ne fait pas toujours son travail de tri des saisines. Ainsi, ils traitent parfois malgré leur volonté des dossiers qu'ils estiment être non pertinents :
« Le seul problème est l'harmonisation des saisines, il faudrait parfois faire le tri des saisines ; le CES étant très chargé, il ne faudrait pas être sollicité par les mêmes questions trop souvent, ou des questions qui paraissent superflues ». (président de CES).
Certains présidents peuvent ressentir la frustration de ne pas être toujours associés à l'étape du choix de traiter ou non la saisine en CES. Cette étape serait nécessaire pour permettre au président de choisir des questions motivantes pour ses experts. Le flou autour de la procédure alimente les interprétations et le sentiment de non-reconnaissance du travail des experts :
« S'il existait une vraie démarche assurance qualité, le secrétaire scientifique avec les présidents de comité devraient faire une réunion de saisine à l'arrivée pour savoir qu'est-ce qu'on fait. Actuellement les présidents ne sont pas mis à contribution. Je cherche à ce que les experts soient motivés. Alors si on leur donne des sous-saisines, cela ne vaut pas la peine, ils ne viendront plus. Il faut qu'ils aient quelque chose à se mettre sous la dent, qu'ils sentent que leur expertise est mise à contribution. Pour être motivés, il faut qu'ils se sentent indispensables ». (président de CES).
« Il y a aussi un problème de nature des saisines, et de tri des saisines selon leur importance et dans la manière de les traiter. Des petites saisines sans importance dont je pense qu'elles ne devraient pas être traitées en comité passent dans le CES. Et des saisines importantes qui nous auraient intéressées sont traitées totalement par l'agence, sans référence aux CES ». (président de CES).
(...)
Les représentants des administrations de tutelle qui ont été interviewés 27 ( * ) , eux aussi, acceptent mal que l'expertise soit réalisée en interne, sans doute parce qu'elles ont alors moins de visibilité sur le travail effectué, alors que lorsque la saisine est traitée par le CES, du fait de leur présence en comité, elles peuvent suivre le traitement qui en est fait » :
Ces témoignages confirment des remarques déjà faites par ailleurs, mais d'abord elles soulignent effectivement un réel besoin de clarification. La qualité des secrétariats scientifiques assurés par la DERNS ne justifie pas que ses membres au sein des comités exercent une prérogative qui n'est pas forcément la leur, sans que les lignes de partage aient été clairement fixées à l'avance sur ce que traite le comité lui-même directement. Le principe d'une partie d'expertise interne n'est évidemment pas contestable, mais des règles claires doivent être posées, et notamment vis-à-vis des responsables de l'expertise externe que sont les présidents de comité et les rapporteurs.
Par ailleurs, l'avis de l'AFSSA est celui signé par le directeur général de l'Agence. Il peut comporter des différences avec celui rédigé par le comité d'experts spécialisés. Ces modifications éventuelles font généralement l'objet de discussions entre le président du comité et le directeur général, mais cela n'est pas toujours le cas et quelques situations conflictuelles se sont ainsi produites. Il arrive aussi - on l'a observé récemment sur des questions sensibles - que l'avis de l'AFSSA cite les termes de l'avis du comité d'experts, en cultivant l'ambiguïté afin d'imposer un point de vue qui n'est pas strictement celui des scientifiques
* 26 Cf. supra page 78
* 27 On rappellera que seule la DGCCRF parmi les trois tutelles a accepté de participer à ces travaux.