3. La vente par internet elle-même
L'offensive du Néerlandais DocMorris (cf. supra) sur l'Allemagne a commencé en janvier 2000 en proposant sur son site basé aux Pays-Bas, en allemand notamment, de vendre des médicaments par Internet en toute illégalité. Les pharmaciens allemands ont riposté en poursuivant cette société néerlandaise (cf. supra). Bien avant que l'arrêt de la CJCE saisie par question préjudicielle par le tribunal allemand compétent soit rendu, les caisses d'assurance-maladie ont invité leurs assujettis à commander leurs médicaments par Internet (en toute illégalité donc) et en assortissant cette incitation d'avantages financiers.
Les organisations professionnelles de pharmaciens allemands ont créé en 2001 leur propre site internet de commande qui permettait de commander à l'avance des médicaments qu'il fallait ensuite retirer physiquement dans la pharmacie la plus proche du patient.
* Avant même que la procédure européenne et nationale de l'affaire DocMorris ait été achevée, le gouvernement fédéral allemand a reconnu (art. 23 de la loi du 14 novembre 2003 précitée) aux pharmaciens le droit de vendre par Internet tous les médicaments . Ainsi, la distinction entre les diffirents types de médicaments n'apparaît même pas dans la nouvelle législation allemande : les médicaments sur prescription médicale exclusive et les médicaments n'exigeant pas de prescription, peuvent être désormais vendus par internet.
Il est à noter que, dans ce cas, cela ne paraît pas, aux yeux des commentateurs, contraire à l'arrêt DocMorris puisque si le texte de cette décision « permet aux Etats-membres d'édicter une interdiction de vente par correspondance des médicaments nécessitant une prescription médicale, elle ne les oblige cependant pas à le faire » (J. Peigné op.cit. page 385).
Il se révèle ainsi clairement que cette décision a pour effet de permettre un affranchissement maximal des règles de santé publique dont la sphère réservée est pourtant garantie par les traités (art. 28 et 30 CE), mais qu'elle ne saurait rien imposer pour pérenniser ces règles, même lorsqu'elle en accepte l'existence et souligne leur bien-fondé.
Bien entendu, des mesures prévoyant un « système d'assurance qualité » ont été prévues, sur la base de nouveaux articles introduits dans la loi sur les pharmacies d'officine (Apotekengesetz) ...
Brèche supplémentaire dans l'exercice personnel de la pharmacie, mais contrepartie sans doute destinée à rassurer certains praticiens, la loi du 14 novembre 2003 permet désormais de détenir plus d'une officine : une principale et trois filiales. Mais il apparaîtrait que certains voulaient aller plus loin encore, en demandant la possibilité de constituer des chaînes. Il y a là sans doute un cousinage d'inspiration avec les propositions du rapport Camdessus (cf. supra).
D'après des informations très récentes (Deutsches Ärzteblatt du 19 novembre 2004), la distribution de médicaments par Internet a été très limitée jusqu'à présent (40 millions d'euros). Néanmoins, on peut sans difficulté imaginer ce qui est prévisible. La survenance de quelques problèmes qui prendront d'autant plus d'importance que le flux se développera. Dès 2002, M. Eberhard Sinner, ministre de la santé de Bavière avait déjà signalé l'accroissement du nombre de contrefaçons, en particulier celles touchant des médicaments vendus par Internet. La caisse d'assurance-maladie de Berlin aurait enregistré de son côté d'importantes fraudes sur des médicaments génériques. Cette déréglementation pour ne pas dire cette « déconstruction » des mécanismes de santé publique et de sécurité sanitaire entraîne inévitablement le développement de pratiques illégales, voire criminelles, lorsque les contrefaçons de différents types se répandent, à l'instar de ce que l'on enregistre depuis longtemps déjà dans des pays en voie de développement ou aux Etats-Unis par exemple où Internet constitue un sérieux facteur aggravant.