2. Le département des situations d'urgences sanitaires à la DGS
Lors de la réorganisation de l'été 2000 a été créé à la DGS un « bureau des alertes et des problèmes émergents ». Cette initiative a permis d'identifier un partenaire unique pour les partenaires extérieurs y compris l'InVS, mais il est vite apparu légitime aux services déconcentrés de le consulter devant toute situation anormale, ou de crise avérée, ce qui a favorisé les remontées d'information et les demandes de conseils. L'implication du bureau dans la gestion des situations exceptionnelles et les retours d'expérience qu'il a organisés ont conduit naturellement à lui confier l'élaboration des plans de réponse à des risques divers, dont les risques bioterroristes. L'élaboration de ces plans (variole, SRAS, grippe) représente une charge de travail considérable car il est nécessaire d'examiner une multitude d'éventualités et d'apporter des réponses concrètes (et plus seulement théoriques) à un niveau de détail très fin.
Ce bureau n'avait pas été dimensionné pour ce type d'activité. Le fait que son intitulé évoque « les problèmes émergents » montre bien que l'intention initiale était de développer une activité de prospective plus que de gestion opérationnelle des situations d'urgence. Or ce bureau s'est vite trouvé débordé au point de ne plus pouvoir faire face à la situation qu'il a en partie engendrée par son dynamisme.
C'est à la suite de ce constat que le ministre de la santé a annoncé en mars 2004 la création du « département des situations d'urgence sanitaires ».
Les éléments d'information recueillis à ce jour permettent d'apporter les précisions suivantes sachant que ce département « construit autour du bureau 5B préexistant aura pour perspective de devenir une sous-direction » et que l'effectif de départ de 20 personnes devrait être porté à terme à quarante.
On distingue ainsi trois missions : l'alerte, la préparation et les partenariats opérationnels.
-- la mission d'alerte
La première priorité est de consolider l'acquis du bureau 5B concernant le recueil et le traitement des informations et de travailler en lien étroit avec l'InVS à qui incombe l'analyse des informations et leur qualification en signaux d'alerte, ainsi qu'avec les services déconcentrés (ou les acteurs de santé) qui doivent gérer les situations.
Pour autant, ce nouveau département ministériel ne doit en aucun cas se substituer à la mission de l'InVS dont la loi relative à la politique de santé publique prévoit d'ailleurs le renforcement. C'est bien l'institut qui est en charge des systèmes de surveillance épidémiologique dont certains s'intègrent dans un cadre international. Cependant, toutes les alertes ne sont pas issues de tels systèmes. Les DDASS, les DSV, les DDCCRF, le COGIC (comité de gestion interministériel des crises), les autres agences comme l'AFSSAPS et l'AFSSA, les médecins, les établissements, les associations, les médias peuvent signaler des événements qu'il faut immédiatement traiter. Et c'est vers le ministère que ces acteurs se tourneront spontanément. Il y a donc besoin d'une équipe pour les traiter, les interpréter, alerter le ministre si nécessaire.
Il est indispensable que la DHOS, la DGAS et la DGSNR qui ont également créé des cellules de gestion des situations d'urgence soient étroitement associées à l'exécution de cette mission.
-- la mission de préparation
Elle consiste à développer les outils opérationnels permettant de mobiliser la société pour faire face à des situations d'urgences sanitaires. Cela concerne le système de santé, mais aussi la dimension sanitaire d'autres systèmes (transports collectifs, logements, écoles, etc ...).
En pratique, il s'agit essentiellement de l'élaboration et de la mise à jour des procédures correspondant au traitement de situations ponctuelles connues, d'une part, et des plans de réponse à des menaces plus générales (plan canicule, plan SRAS, plan grippe, plans répondant à des menaces terroristes ...), d'autre part. Cette activité devra être complétée par la conception d'exercices permettant de tester la faisabilité de certaines options et le caractère opérationnel des plans.
-- la mission des partenariats opérationnels et de la communication couvre en fait la structuration des liens pour la circulation des informations et le partage des tâches avant que l'urgence survienne et selon la typologie des urgences réalisée dans la mission de préparation.
La mission d'évaluation des quatre inspections dans son rapport précité (page 26) faisait part de ses doutes relatifs au positionnement de ce département vis-à-vis de l'InVS et vis-à-vis du COGIC :
-- L' « InVS, dont la mission, encore réaffirmée et précisée dans le projet de loi de santé publique, est de recueillir et d'interpréter tous les signaux d'alerte émanant soit des dispositifs de surveillance, soit des professionnels de santé. Or, dans la mesure où le nouveau département de la DGS aurait notamment pour mission « de recueillir et traiter les signaux d'alerte sanitaire, quelles que soient leur origine », on peut craindre un risque de doublonnage, voire de confusion, qu'il conviendra de réduire au maximum.
-- Le Comité de gestion interministérielle des crises (COGIC) de la direction de la défense et de la sécurité civiles qui est le lieu de veille permanente et de mobilisation des différents moyens de secours et d'intervention, dès lorsqu'une crise, sanitaire ou autre, nécessite une organisation de sa gestion au plan national. Le rôle de la sécurité civile, et la coordination des différents plans d'urgence selon un modèle uniformisé, sont d'ailleurs renforcés et réaffirmés par le projet de loi de modernisation de la sécurité civile, déposé récemment au Parlement. S'il est légitime et nécessaire que le ministère de la santé élabore les plans d'urgence destinés à faire face aux crises sanitaires ou aux composantes sanitaires des crises, et qu'il s'organise de manière à être en mesure de se mobiliser pour gérer la composante sanitaire d'une crise ou une crise à dominante sanitaire, la juxtaposition pure et simple au COGIC d'une structure de veille permanente propre au ministère de la santé est de nature à entraîner une duplication coûteuse de moyens ».
Il est à noter que la plupart des directions concernées par ce projet n'ont pas été appelées à une concertation par la DGS avant l'annonce de sa réalisation. Compte tenu des risques qui viennent d'être évoqués, cela aurait peut-être pu être évité.