III. L'APPORT DU TRAITÉ CONSTITUTIONNEL
L'article 16 du traité actuel cité plus haut constitue une disposition déclaratoire sans grande portée pratique. Insérée dans la première partie du traité CE, consacrée aux principes, elle n'est pas directement opératoire, à la différence des règles relatives aux entreprises publiques et aux aides d'État.
Le traité constitutionnel innove en donnant une base juridique réelle aux services publics.
A. L'ARTICLE II-96 DU TRAITE CONSTITUTIONNEL
Le traité établissant une Constitution pour l'Europe intègre dans sa deuxième partie le texte de la Charte des droits fondamentaux qui avait uniquement été proclamée lors du Conseil européen de Nice en décembre 2000. De ce fait, il comporte un article II-96 ainsi rédigé : « L'Union reconnaît et respecte l'accès aux services d'intérêt général tel qu'il est prévu par les législations et pratiques nationales, conformément à la Constitution, afin de promouvoir la cohésion sociale et territoriale de l'Union ».
Cet article pose le principe du respect par l'Union de l'accès aux services d'intérêt général tel qu'il est prévu par les dispositions nationales, dès lors que ces dispositions sont compatibles avec le droit de l'Union.
Sur le plan de la procédure, la reconnaissance de l'accès aux services publics comme droit personnel pourrait offrir de nouvelles opportunités de saisine de la Cour de justice des Communautés européennes dans le domaine des services publics, qui est actuellement l'affaire quasi exclusive des entreprises et des États. Sur le fond, cette irruption du citoyen-utilisateur des services publics dans le débat pourrait infléchir la jurisprudence de la CJCE.
B. L'ARTICLE III-122 DU TRAITÉ CONSTITUTIONNEL
Le traité constitutionnel a repris et complété la rédaction de l'article 16 du traité CE. La Convention a vu s'opposer les conventionnels français et belges, qui voulaient consolider la référence aux services d'intérêt général, et les conventionnels britanniques et espagnols, qui redoutaient que les services publics bénéficient d'un régime dérogatoire aux règles du marché intérieur.
Le compromis qui en est résulté, complété lors de la conférence intergouvernementale, se trouve à l'article III-122, qui dispose ce qui suit : « Sans préjudice des articles I-5, III-166, III-167 et III-238, et eu égard à la place qu'occupent les services d'intérêt économique général en tant que services auxquels tous dans l'Union attribuent une valeur ainsi qu'au rôle qu'ils jouent dans la promotion de la cohésion sociale et territoriale, l'Union et ses États membres, chacun dans les limites de leurs compétences respectives et dans les limites du champ d'application de la Constitution, veillent à ce que ces services fonctionnent sur la base de principes et dans des conditions, notamment économiques et financières , qui leur permettent d'accomplir leurs missions. La loi européenne établit ces principes et fixe ces conditions, sans préjudice de la compétence qu'ont les États membres, dans le respect de la Constitution, de fournir, de faire exécuter et de financer ces services ».
Cette disposition reconnaît le rôle des services d'intérêt économique général dans la cohésion sociale et territoriale de l'Union européenne. Par ailleurs, elle respecte le principe de subsidiarité en préservant la compétence des États membres pour définir les principes et les conditions dans lesquels ces services fonctionnent.
Surtout, une fois le traité constitutionnel entré en vigueur, la dernière phrase de cette disposition apportera une base juridique nouvelle à l'Union européenne pour légiférer sur les garanties accordées aux services d'intérêt économique général. Par ailleurs, la future loi européenne sera adoptée selon la procédure législative ordinaire retenue par le traité, ce qui permet à la fois de passer de l'unanimité à la majorité qualifiée au Conseil, et de donner au Parlement européen un rôle de co-législateur à part entière avec le Conseil. Cette procédure plus démocratique permettra de légiférer plus aisément. C'est sur cette base que pourrait être adoptée une directive-cadre sur les services d'intérêt général .