CONTENU ET GESTION

Pr. JOLLY - Je voudrais faire quelques remarques générales par rapport à ce que le Professeur Mario FIESCHI nous a présenté.

D'après mon expérience personnelle, je pense qu'un certain nombre de préalables ne sont pas encore tout à fait réunis pour pouvoir parler de dossier patient partagé en particulier lorsque que nous faisons le constat de l'état des systèmes d'information des hôpitaux publics en particulier et notamment des CHU.

Il faut savoir que dans un CHU, il est exceptionnel que nous ayons même des dossiers papier patient identiques et que ces dossiers soient partagés. Depuis la loi Kouchner, les mentalités ont évolué, mais nous sommes encore confrontés à des résistances importantes.

Si nous voulons parler à terme d'un dossier patient partagé qui serait d'une utilité absolue, connaître la propriété du dossier n'a, pour moi, pas beaucoup de sens puisque nous n'imaginons pas faire de la médecine sans dossier et demain ce dossier sera informatique.

Il faut donc que ce dossier existe, ne serait-ce que sur le plan opérationnel et, à mon avis, il ne faut pas déplacer les problèmes.

Si nous voulons arriver à cet objectif à un terme qui, à mon avis, n'est pas 2006, il faudra fixer des préalables, donner les moyens aux hôpitaux de moderniser leur système d'information et leur donner des moyens financiers de manière fléchée. Si on leur donne de l'argent, il partira ailleurs que pour les systèmes informatiques. si on veut faire évoluer les systèmes informatiques, il faut flécher les financements pour qu'on ne puisse pas en faire autre chose avec.

Il y a enfin un vrai problème qui est irrésolu, c'est celui de l'accès et de la hiérarchisation des données médicales dans un dossier.

Autant nous pouvons imaginer facilement l'utilisation d'un dossier minimum partagé dont la structure serait hiérarchisée et fonctionnelle, autant il est difficile d'imaginer, bien que ce soit possible, la mise côte à côte d'éléments différents où on risque de constituer des poubelles informatiques dont on sera à peu près incapable de ressortir quoi que ce soit.

Un dossier de cancérologie papier peut faire vingt centimètres et il faut trois heures pour le consulter. Il faut que l'informatique permette d'accéder à la bonne information le plus rapidement possible.

C'est possible si on imagine l'organisation des choses, mais comment l'imagine-t-on ? Mario FIESCHI peut peut-être me répondre à ce sujet.

Pr. FIESCHI - Je peux.

M. LE PRÉSIDENT - Merci, avant la réponse de Monsieur FIESCHI et parce qu'il est aussi pris par le temps, nous le sommes tous, mais lui particulièrement, Monsieur CALLOC'H

Dr CALLOC'H - Merci Monsieur le Président, en effet le temps nous manque à tous.

Revenant sur ce qui a été dit par Monsieur le Conseiller d'Etat représentant la CNIL, sachez que le Conseil de l'Ordre a déjà envoyé une première analyse de critiques positives à Monsieur le Ministre qui vient de nous quitter, reprenant notamment certains points en matière de secret, de confidentialité, de qui aura accès à ces documents.

Par ailleurs nous avons aussi un peu précisé quelles sont les conditions et les droits des assurés dans ce système. Seule la loi pourra définir les responsabilités de chacun à cet égard, c'est ce que nous avons déjà dit.

Par ailleurs nous sommes tout à fait prêts à faire remonter vers vous, car nous avons organisé une session exceptionnelle du Conseil de l'Ordre le 17 juin, qui nous verra le 17 au soir en état aussi de formuler certaines formes d'amendements à notre façon, que nous ferons remonter vers vous bien évidemment.

Nous attendons cependant la chronologie de ce que vous mettez en place et sommes totalement solidaires de la démarche des députés et sénateurs pour une fenêtre de tir qui, nous l'espérons, sera aussi opérationnelle pour tous dans l'intérêt de nos citoyens.

Nous ouvrirons aussi je pense, avec vous dans un compagnonnage qui fédère tous les professionnels de santé, des réflexions sur cette précision d'une loi pas suffisamment bavarde sur par exemple le retrait. Le patient aura le droit de refuser que certaines informations figurent dans son dossier. Il y a là aussi des choses à préciser.

Nous aurons aussi le cahier des charges tel qu'il vient d'être évoqué pour qu'il n'y ait pas de conflit d'intérêts entre le payeur, la concentration de données et leur accès. Nous avons là des jurisprudences à craindre dans le futur, il faut que nous soyons beaucoup plus bavards et clairs.

Il y a aussi les sanctions, quelque part une obligation d'adhérer à un système met en question la liberté de chacun au regard des 300 €.

Bref, il y a des choix et il faut également que le choix soit vraiment clairement bien défini.

Voilà autant de questions pour la cohérence des textes sur lesquels nous allons réfléchir et bien entendu les fondamentaux de notre institution qui sont l'information des médecins et des patients, qui passera aussi par une formation qu'il faudra financer.

Il y a donc l'information du patient, la transparence et bien entendu la préservation du secret médical dans le respect des textes européens.

Et en ce qui concerne notre partenariat avec nos confrères au niveau européen, vous pouvez compter sur notre appui pour vous éclairer. Merci.

M. LE PRÉSIDENT - Merci beaucoup, Monsieur FIESCHI pour quelques éléments de réponse aux différents intervenants, notamment Monsieur BERNARD, Monsieur JOLLY.

Pr. FIESCHI - Je rejoins complètement la première partie de l'intervention du Professeur JOLLY.

Je pense effectivement que le calendrier sur une montée en charge généralisée faisant intervenir toutes les institutions de soins, CHU compris, puisque le mot a été prononcé, est quelque chose d'extrêmement ambitieux et, de mon point de vue, je l'identifierais comme une cause éventuelle d'échec.

Je serais plus prudent sur le choix du chemin critique pour atteindre l'objectif qui, de mon point de vue, est extrêmement pertinent. C'est simplement un problème de stratégie d'évolution, mais cela peut se discuter.

Je crois que c'est un facteur d'échec. Concernant les CHU, cela a été rappelé tout à l'heure, je n'ai pas eu le temps d'aborder ce problème, mais vous avez bien fait de le rappeler, c'est un problème crucial, cela a été dit à plusieurs moments, nous avons des systèmes d'information qui méritent d'évoluer.

Dans le rapport dont il est question, j'avais fait moi-même la proposition qui va tout à fait dans le sens de celle du Professeur JOLLY, d'avoir des crédits ciblés pour faire évoluer ces systèmes d'information, dans des contrats d'objectifs et de moyens pour faire en sorte que l'argent aille effectivement au système d'information.

Il semblerait quand même que les managers et les stratèges des établissements de santé n'ont pas pris, tout au moins suffisamment, me semble-t-il, conscience de l'importance et des enjeux qui sont autour de la gestion de l'information dont je parlais tout à l'heure comme d'une ressource.

Ils n'en ont pas pris suffisamment conscience, y compris à l'intérieur de leur établissement, non seulement pour exporter l'information et la partager avec l'extérieur de l'hôpital, mais également à l'intérieur.

Si on comptabilise le temps perdu par tous les praticiens, par tous les professionnels de santé pour chercher la bonne information, les causes d'erreur que cela induit, les examens que nous refaisons, etc. - j'arrête la liste -, nous voyons bien qu'il faut absolument susciter et soutenir une prise de conscience.

Pendant trop longtemps les managers des hôpitaux ont eu tendance à privilégier les aspects comptables, facturation, gestion de toute sorte, certes légitimes, mais je crois qu'une autre dimension a échappé trop longtemps au système d'information hospitalier français et c'est l'occasion de rétablir l'équilibre parce qu'il en va de la qualité de ce qu'on fait.

Dans la deuxième partie de votre intervention, je serais un peu plus nuancé. Je ne crains pas le trop-plein, mais plutôt des serveurs vides. Je ne crois pas que nous aurons des serveurs poubelles d'informations, mais qu'au moins dans un premier temps, ce sera vide pendant suffisamment longtemps pour qu'éventuellement on se plaigne de ce déficit et qu'on y colle prématurément une étiquette d'échec.

Il va en effet falloir une montée en charge, il faut du temps parce que les mentalités ne sont pas prêtes, parce qu'il faut s'investir dans cette mutation, codifier de l'information, choisir des standards, harmoniser les systèmes d'informations. Tout ceci va demander du temps et je crois qu'il est bon de le prendre non pas pour le perdre, mais pour atteindre l'objectif dans un deuxième temps.

Je ne crains pas ces trop-pleins de données et je pense qu'il y a des techniques, des technologies qui pourront permettre de répondre à vos préoccupations. Ce ne sera peut-être pas directement, mais si on avait une attitude pragmatique, je pense que petit à petit lorsqu'on sera vraiment devant un trop-plein de données, on aura tous les outils pour y faire face.

Pour reprendre l'interrogation émise par le représentant des patients tout à l'heure sur dossier complet ou pas, je crois que ce qui doit nous guider dans notre démarche est de savoir pourquoi nous faisons cela.

Si c'est pour la qualité, comment peut-on avoir du côté des professionnels, des professionnels qui occulteraient des pièces du dossier qui, de par la loi, doivent être communiquées au patient et comment les patients pourraient-ils soustraire certaines pièces du dossier à partir du moment où la qualité des soins qu'on va leur prodiguer en dépend ?

Je pense que, là, nous sommes un peu dans des schémas qui méritent d'évoluer, il faut donner des explications, accompagner, mais il faut un peu mûrir en ce qui concerne ce problème me semble-t-il parce qu'autrement nous serons tout à fait dans le non-sens.

Si on le fait pour faire de la qualité des soins, je crois qu'il faudra partager les données et les connaissances, et revenir à quelque chose de plus raisonnable en tenant compte de tous les aspects déontologiques, secret médical et toutes les choses qu'en fin de compte, toute la société demande et espère.

Je crois que le dossier est inéluctable. Il serait cependant dommage qu'en pressant le pas, nous loupions le rendez-vous et que de ce fait, nous perdions encore un peu plus de temps.

C'est la grosse préoccupation que j'aurais et je voudrais mettre juste un peu en garde en ce qui concerne cette stratégie de recherche de chemin critique pour atteindre le bon objectif.

Tout le monde le partage, tout le monde est bien d'accord, je pense, même s'il faut encore un peu expliquer, même si cela va demander beaucoup de temps. Je crois cependant que l'objectif est à peu près clair pour tout le monde.

Comment y aller ?

C'est la question et je crois qu'il va falloir du temps parce que les systèmes d'information, les réticences dans les hôpitaux, les partages d'informations ne sont pas aussi partagés qu'on pourrait le souhaiter et que ce serait nécessaire pour faire aboutir ce projet dans de bonnes conditions.

M. LE PRÉSIDENT - Merci beaucoup, avant que le Professeur BERAUD ne conclue, mais vraiment en dix secondes et j'espère en l'importance de votre intervention.

M. DUSSAUSSE - Je crois que nous soulevons ici deux problématiques : la problématique financière et la problématique économique. Et aujourd'hui je demanderai :

Est-ce que nous voulons mourir guéris ?

Est-ce que nous voulons continuer avec un système qui est quasiment en faillite ?

Est-ce que d'un point de vue technologique, nous avons la possibilité de répondre à des problématiques ?

Autant je peux comprendre votre préoccupation en termes de culture, autant je dis qu'il y a urgence et qu'il faut aller vers l'optimum.

Aujourd'hui je ne crois pas qu'il soit impossible de travailler ensemble avec des chefs d'établissement pour raisonner sur l'architecture globale qui comprendrait l'aspect culturel auquel vous êtes confrontés et l'aspect de l'infrastructure de réseau.

En ce qui concerne l'infrastructure de réseau, les industriels ont un grand effort à faire. Je répète que de très gros efforts ont été réalisés par les industriels quoique pas suffisamment, pour intégrer ce contenant, ce contenu et ses usages.

Il faut nous adapter, donner l'information et la formation nécessaires pour faire cette fameuse plate-forme de partage de connaissances et je crois que c'est possible.

* Conclusion

M. LE PRÉSIDENT - Monsieur le Professeur BERAUD, à vous revient le mot de la conclusion.

Pr. BERAUD - Merci, je voudrais d'une part dire mon appui total et celui de la Mutualité Française à la mise en place d'un dossier médical unique, informatisé et partagé et mon souci, comme celui de Monsieur FIESCHI, sur la mise en oeuvre de ce projet.

Je crois qu'il y a deux choses.

En premier lieu je crois qu'il faut intégrer ce projet d'un dossier médical informatisé unique et partagé dans un système d'information en santé qui, s'il existe en principe, n'existe pas en réalité.

Le deuxième point est de savoir, de définir quelle est l'utilité, quelles sont les fonctions de ces différents composants du système de santé.

Le premier composant, me semble-t-il, - je crois qu'il y en a trois - est le système d'information des professionnels, géré par les professionnels et résumé par le dossier médical informatisé unique et partagé.

Le second composant est celui de Monsieur RICHARD, c'est-à-dire le système d'information médico-administratif qui, à mon sens, est différent et nettement différent dans sa conception du dossier médical unique informatisé et partagé.

Le troisième composant - je n'en parlerai pas et pourtant il est très important - est toutes les informations scientifiques et sanitaires qui sont indispensables aux professionnels et aux administrateurs du système de soins.

Le dossier médical informatisé unique et partagé est effectivement géré par les professionnels et il est la propriété des malades. Là-dessus, je crois que tout le monde est à peu près d'accord. Il est stocké chez les hébergeurs, j'y reviendrai.

Son contenu, ce sont les informations cliniques qui sont recueillies directement au cours d'un entretien ou indirectement par l'intermédiaire de la télémédecine ou de la télésurveillance comme le disait très bien Madame SERRA tout à l'heure.

Sa fonction est d'apporter aux professionnels, au moment de la décision, l'ensemble des informations cliniques qui sont utiles à la décision.

Quel est l'intérêt de ce dossier ?

Eviter effectivement la perte d'informations grâce au partage des informations, éviter la duplication des examens, ne pas refaire ce qui a été fait quelques jours auparavant.

On pense ou on dit qu'il va aussi améliorer la qualité des prescriptions, je n'en suis pas du tout certain. Pour qu'il améliore la qualité de la prescription, il faut que ce dossier médical informatisé soit en liaison avec des logiciels d'aide à la prescription et peut-être un jour, des logiciels d'aide à la décision.

Par ailleurs comme l'a également dit Madame SERRA, pour que le dossier soit partagé, il faut qu'il soit compatible avec les différents ordinateurs de ceux qui vont admettre ce dossier. Or aujourd'hui l'interopérabilité des outils dont nous disposons est vraiment un point d'interrogation.

Un autre point d'interrogation est aussi soulevé par Monsieur JOLLY, sur le rôle des hébergeurs et la manière dont ils vont travailler. Quand on devient diabétique à 20 ans et qu'on vit jusqu'à 60 ans, on a un dossier médical qui dure soixante ans, dans lequel il y a vraiment beaucoup d'informations.

Comment traiter ces informations ?

Comment les éliminer ?

Comment les conserver ?

Comment les mettre réellement et tout de suite à la disposition de ceux qui en ont besoin ?

C'est un vrai métier difficile à réaliser et je ne pense pas qu'il y ait aujourd'hui beaucoup de professionnels qui soient capables de réaliser ce travail.

Par ailleurs il y a des problèmes de coût et de dates.

En ce qui concerne les problèmes de coût, on annonce de façon ridicule, je crois, 2 ou 300 M€ pour la mise en oeuvre du dossier médical informatisé. Je vais prendre deux exemples.

Le Royaume-Uni qui travaille sur le sujet depuis trois ans maintenant, pense qu'il faut mettre environ 11 Md€ au total pour la réalisation d'un dossier médical informatisé partagé associé à des données médico-administratives.

Aux Etats-Unis le coût estimé est de 100 Md$ sur une durée de dix ans.

Le problème de la durée est un réel problème. Les Etats-Unis pensent qu'il faut dix ans, le Royaume-Uni aussi.

On peut quand même ajouter une certaine crédibilité à ce qui se fait en Angleterre parce que ça fait un petit moment qu'ils réfléchissent sur ce dossier et qu'ils ont déjà commencé à le mettre en oeuvre. Par ailleurs ils n'annoncent habituellement pas des chiffres que je tire de revues scientifiques, du British Medical Journal , sans avoir quelques données pour les affirmer.

Il y a donc des problèmes de coût, de dates, de difficultés techniques, Madame SERRA en a parlé, notamment l'interopérabilité.

Il y a des problèmes non techniques qui sont probablement encore plus importants et qui concernent le consentement des patients.

A vrai dire en ce qui concerne le consentement des patients, il est bien clair qu'il faut laisser au patient la possibilité de faire disparaître de son dossier ce qu'il veut faire disparaître.

Il serait absolument inadmissible que des organismes publics, privés ou encore des médecins aient la possibilité de remettre dans le dossier médical du patient des choses que ce dernier ne veut pas y voir figurer. C'est une atteinte gravissime à la liberté des personnes.

Une jeune-femme qui a fait par exemple trois avortements, se marie. N'a-t-elle pas le droit de faire disparaître du dossier ces antécédents tout au moins dans ce domaine ? Elle peut certes courir un risque à cause de cela, mais elle doit avoir le droit de courir le risque de ne pas exiger la transparence.

Il y a des problèmes de consentement et il y a des problèmes de changements au niveau des professionnels. C'est en effet un mode de travail, d'exercice qui va être radicalement différent.

J'entends bien que les leaders syndicaux sont tous d'accord et si je n'ai pas beaucoup de données, j'ai quand même un sondage fait par le Journal International de Médecine auprès des médecins généralistes : 67 % sont contre.

Cela ne pourra donc pas se faire du jour au lendemain. Comme l'a très bien dit le représentant du Conseil de l'Ordre, cela implique une information des professionnels, une formation des professionnels, des modes de rémunération particuliers pour les professionnels, des incitations pour les professionnels.

Bref, comme quelqu'un le disait tout à l'heure, un saut culturel ne se réalise pas en un an.

Ma deuxième réflexion concerne cette fois-ci le système d'information médico-administratif.

Ce système, actuellement uniquement régime obligatoire, est géré en partie par des professionnels et en partie par des organismes d'assurance maladie. Il n'est pas concevable que, demain, les données médico-administratives ne soient pas aussi à la disposition des régimes complémentaires ou alors les régimes complémentaires ne pourront pas participer à la gestion du risque médical.

Que contient donc ce système ?

C'est un sous-produit du dossier médical en ce sens qu'il est fait de données médicales qui sont codées, c'est essentiellement le codage des activités. Il contient aussi des données financières qui permettent de payer les professionnels, c'est donc un dossier médico-administratif.

Ce dossier est actuellement tout à fait complet sur le plan financier, en revanche il est très incomplet sur le plan du codage des activités des professionnels. Nous avons le codage des médicaments, le codage des actes de biologie, en revanche nous n'avons pas encore le codage des actes et nous n'avons aucune information sur les indications des prescriptions.

Nous n'avons aucune information puisque nous n'avons pas de codage d'hépatologie. Autrement dit, la loi de 1993 n'est toujours pas mise en place.

Quelle est la fonction et quel est le rôle de cet outil ?

C'est un outil de production de connaissances épidémiologiques et aussi un outil de régulation.

Le dossier médico-administratif, surtout s'il est complet et comporte l'ensemble des codages, peut permettre d'avoir des informations épidémiologiques très précises mais aussi d'évaluer la qualité des prescriptions et des pratiques médicales, ce que ne peut pas faire le dossier médical.

Le dossier médical n'est pas fait pour évaluer les pratiques médicales. Ce qui permet l'évaluation des pratiques médicales, c'est l'ensemble de ces données codées anonymisées et apportant des informations épidémiologiques, cliniques, diagnostics et thérapeutiques.

C'est donc un outil de régulation qui nous fait défaut encore actuellement.

Vous savez que cet outil se met progressivement en place, on l'appelle le SNIRAM, c'est un bon outil tout à fait bien contrôlé, y compris par la CNIL, mais qui demande à être complété.

Je ne vais pas parler des informations scientifiques, sachez simplement que ces informations scientifiques sont aussi indispensables à la qualité des soins que l'est le dossier médical informatisé. Et la mise à la disposition des professionnels des informations scientifiques les plus récentes ne se fait que fort mal parce qu'ils ont difficilement accès à ces données.

Je voudrais terminer par trois remarques.

Premièrement, un des derniers articles de la loi, parle de l'Institut des données de Santé.

Cette demande avait été faite par la Mutualité Française, c'est-à-dire créer un établissement public des données de santé.

Je crois que c'est absolument indispensable pour construire et organiser un système d'information en santé, que nous n'avons pas et qui ne se résume pas à un dossier médical informatisé et partagé.

Un système d'information santé est plus complexe que cela, il est plus complexe qu'un dossier informatisé dont il semblait que Monsieur le Ministre le confondait un peu avec le carnet de santé.

Il faut donc un Institut des données de santé qui doit veiller à la qualité des informations, mais qui doit aussi sans doute probablement avoir d'autres fonctions afin d'éviter que le système d'information ne devienne un cimetière de données.

C'est d'ailleurs déjà en partie le cas des informations dont disposent les régimes obligatoires. En partie seulement parce qu'elles sont assez bien utilisées. Il faut cependant traiter ces données et donc avoir, à mon sens, des experts pour le faire notamment des spécialistes de l'évaluation et donc des professionnels des soins.

Deuxièmement, on ne construira pas - et je ne dis pas cela par démagogie parce qu'il y a des médecins généralistes ici - un système d'information en santé sans un partenariat, dès le début de la réflexion, avec les professionnels des soins et ce, pour une raison simple. Si on le construit sans eux, ils n'admettront pas, ils ne considèreront pas comme fiables toutes les données qui sortiront de ce système.

Enfin dernière réflexion très brève, avant de mettre en place, en France, dans notre petit coin, un système d'information en santé il faudrait peut-être aller voir ailleurs ce qui se passe et prendre connaissance des travaux qui déjà sont réalisés dans d'autres pays.

M. LE PRÉSIDENT - Merci beaucoup, merci cher ami, Monsieur BERAUD.

Vous voyez que dans cette affaire s'il y a une harmonie de réflexion il y a un certain nombre de zones d'ombre voire noires, on parle même de poubelle informatique, de cimetière de données. Vous voyez que ce n'est pas partout le triomphe de la santé assuré.

En tout état de cause on mesure ensemble l'importance de la difficulté et en même temps l'importance de la tâche à réaliser.

Nous avions besoin de vous. N'imaginez pas un seul instant que nous sommes à satiété d'autant plus que j'invite tous ceux qui le peuvent à compenser l'hypoglycémie qui ne manque pas de naître en ce moment.

Dans ce domaine qui nous intéresse, nous avons vraiment besoin, toujours besoin de tout document, de toute formule qu'à la lumière de votre préoccupation vous imaginez nécessaire d'inscrire dans un mode ou un autre - amendement ou autre - dans le déterminant réglementaire qui devra de toute façon régir l'introduction de cette approche méthodologique et de moyens nouveaux, et qui peut donner naissance à une nouvelle disposition de l'offre de soins dans notre pays.

Merci beaucoup, restons en contact, et en tout cas merci de votre participation.

(La séance est levée à 13 h 35).

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