12.2.1.1.1.1.1.1.4 Audition de M. François
BRANCHE,
co-président et M. Jean-Paul
DENEUVILLE
délégué général de la FNTR
(mercredi 23 mars 2005)
M. Jean Arthuis, président, après avoir exprimé son intérêt pour l'analyse de la situation du transport routier, a interrogé les représentants de la Fédération nationale de transports routiers (FNTR) sur la place de la logistique dans le transport.
M. François Branche a indiqué que le transport faisait partie de la logistique, et non l'inverse, soulignant que cette distinction avait une certaine importance, notamment au niveau du recrutement qui n'attirait pas les mêmes candidats, selon que l'on parle de transport ou de logistique. Il a fait remarquer, par ailleurs, que la fonction du transport était modifiée par les pratiques de plus en plus répandues consistant à fabriquer les produits à la demande, citant notamment le cas d'une grande marque d'ordinateurs.
Abordant le sujet des délocalisations, M. François Branche a déclaré que le coût de l'activité de transport était essentiellement salarial, et que ce secteur d'activité était confronté, depuis une dizaine d'années, aux problèmes que soulève l'arrivée des salariés des pays de l'est sur le marché européen.
M. Jean Arthuis, président, a souhaité savoir si l'on constatait une migration des entreprises de transport vers les pays d'Europe de l'est.
M. François Branche a répondu qu'il était difficile de contrôler les pratiques illégales, la France disposant seulement de 400 contrôleurs. Il a déclaré que le secteur se portait mal, estimant que le début de l'année avait été « catastrophique », en raison tant des conditions météorologiques que des effets pervers de la hausse du gasoil qui avait débuté en mai 2004.
M. Jean Arthuis, président, a souhaité savoir si l'on pouvait quantifier la proportion d'entreprises qui s'implantaient en Europe de l'est.
M. François Branche a estimé qu'environ une entreprise sur dix était aujourd'hui concernée.
M. Jean-Paul Deneuville a précisé qu'actuellement le secteur routier employait 430.000 salariés, dont 300.000 chauffeurs, le reste des employés étant affectés à des tâches de logistique ou de manutention, mais que la tendance était à la baisse des emplois, malgré la croissance annuelle en volume de 2 % du secteur.
M. François Branche a déploré l'accélération depuis deux ans du dumping social, dont les transporteurs frontaliers étaient les premières victimes. Il a estimé que le contexte économique actuel, peu favorable, conduisait au développement de pratiques et méthodes « à la marge ». Il a indiqué que la FNTR avait demandé au gouvernement d'introduire par voie législative un dispositif de crise qui prenne en compte l'ensemble des problèmes du secteur, et non pas seulement les questions d'ordre fiscal.
M. Jean Arthuis, président, a souhaité savoir si les entreprises situées à la lisière de pays étrangers s'approvisionnaient en carburant dans les pays voisins.
M. François Branche a indiqué que ces pratiques existaient, citant notamment l'Espagne, où le gasoil coûtait 10 centimes d'euros de moins au litre qu'en France. Il a également indiqué que des pays comme le Luxembourg possédaient un parc d'entreprises de transport routier nettement plus important que leur économie ne le justifiait. Il a ajouté que la situation serait aggravée en France par l'augmentation salariale prévue pour le 1 er juillet prochain. Il a rappelé que des accords avaient été conclus, suite à des conflits sociaux. Aussi bien, est-ce dans ce contexte préoccupant, a-t-il indiqué, que le secteur devait aujourd'hui faire face à la concurrence des pays de l'est. Il a indiqué que, dans ce contexte, la profession anticipait une croissance du taux de sinistralité.
M. Jean Arthuis, président, a indiqué que les études commandées par la commission des finances à des cabinets d'experts extérieurs aboutissaient à un constat semblable.
M. François Branche a précisé que se développait la pratique du « franco », qui consiste à faire payer le transport par l'expéditeur et aboutissait, en fait, à délocaliser la commande de transport.
A la suite de ces échanges entre M. Jean Arthuis, président, et les représentants de la FNTR, un débat s'est engagé.
M. Maurice Blin s'est interrogé sur les évolutions du secteur des transports routiers à l'échelle européenne. Il a également souhaité savoir si les professionnels du secteur peinaient à recruter du personnel de qualité.
M. François Branche a estimé que, du point de vue européen, le développement du secteur était réel, mais a souligné que le développement profitait de façon inégale aux pays-membres en raison des distorsions sociales. Il a rappelé que lorsque le prix du gasoil était relativement bas, le coût salarial avait été augmenté en France, et les effets de ces mesures sociales devenaient difficiles à supporter dans le contexte économique actuel. Il a également estimé que le niveau de base des personnels augmentait, notamment en raison des possibilités de recrutement de personnels parlant une autre langue que celle du pays où ils pouvaient être employés.
M. Jean Arthuis, président, a estimé que les entrepôts de logistique semblaient aujourd'hui se substituer aux usines qui se trouvaient, elles, délocalisées. Il a indiqué, faisant référence au contenu d'une précédente audition tenue par la commission, que la suppression des quotas sur les importations de textile avait augmenté de 600 % les importations chinoises.
M. François Branche a estimé que le véritable danger ne résidait pas tant dans la quantité que dans la valeur ajoutée qui est créée. Il a cité l'exemple de l'étiquetage des textiles, qui jusqu'alors avait été réalisé dans les pays développés. Il s'est inquiété de ce que la valeur ajoutée liée à ces opérations se déplaçait vers les pays producteurs.
Mme Nicole Bricq a souhaité savoir si la logistique suscitait des marges que ne procurait plus le transport classique. Elle s'est également interrogée sur l'avenir des entrepôts de stockage.
M. François Branche a indiqué que les entrepôts en question étaient plutôt des plates-formes de tri, ou des quais de transit. Il a estimé que le développement de ceux-ci n'était pas favorable à l'emploi.
M. Maurice Blin a souhaité savoir si la concurrence était vive entre les sociétés de transport françaises, et Mme Nicole Bricq s'est interrogée sur la concentration du secteur.
M. Jean-Paul Deneuville a indiqué que le secteur du transport routier comprenait 43.000 entreprises de transport, mais que, seules, 18.000 d'entre elles possédaient plus d'un salarié, tandis que 1 % d'entre elles employaient plus de cent salariés. Il a précisé que le recours à l'intérim était élevé, particulièrement pendant les périodes des fêtes, où le besoin d'emploi était multiplié par quatre ou cinq.
M. Jean-Claude Frécon a sollicité l'avis des représentants de la FNTR sur les possibilités de développement du ferroutage.
M. Jean-Paul Deneuville a précisé que le ferroutage pouvait s'entendre de deux manières : soit le camion montait sur le train, soit la marchandise était débarquée du camion pour être mise sur le train. Il a indiqué que cette dernière forme, qu'on appelait le transport combiné, était la plus répandue, mais qu'elle coûtait sensiblement plus cher en raison des ruptures de charges qu'elle introduisait. Il a indiqué qu'il était nécessaire de rationaliser le transport combiné. En effet, il a estimé que le développement qu'il avait connu ces deux dernières années devait beaucoup aux subventions, et que la baisse de celles-ci induisait, mécaniquement, une baisse des volumes. Il a déclaré que le développement du transport combiné était fortement tributaire d'une volonté politique d'accompagnement.