B. LES DROITS DES FEMMES, UN VOLET DE L'ACQUIS COMMUNAUTAIRE

1. L'acquis communautaire en matière de droits des femmes

a) L'égalité des rémunérations

La politique d'égalité entre hommes et femmes est au coeur de la politique sociale européenne , dénommée, depuis 2000, « Agenda social », et incarne des valeurs essentielles : promouvoir le respect des droits fondamentaux et de la dignité humaine, construire une société « inclusive », refuser les discriminations, renforcer la démocratie représentative et participative.

Comme l'a rappelé, au cours de son audition, Mme Luisella Pavan-Woolfe, directrice des affaires horizontales et internationales à la direction générale de l'emploi, des affaires sociales et de l'égalité des chances de la Commission européenne, le caractère central de la politique d'égalité entre hommes et femmes tient à son enracinement dans l'histoire de la construction européenne .

En effet, dès 1957, le traité de Rome instituant la Communauté économique européenne comportait une disposition imposant l'égalité de rémunération entre hommes et femmes. L'article 119, devenu l' article 141 à l'occasion de la renumérotation des articles du traité de Rome opérée par le traité d'Amsterdam de 1997, fondait le principe de l'égalité des rémunérations pour un même travail .

Cette disposition, sous réserve de modifications rédactionnelles, est reprise par l'article III-214 du Traité établissant une Constitution pour l'Europe 4 ( * ) .

L'article III-214 du Traité établissant une Constitution pour l'Europe

1. Chaque État membre assure l'application du principe de l'égalité des rémunérations entre travailleurs féminins et masculins pour un même travail ou un travail de même valeur.

2. Aux fins du présent article, on entend par « rémunération », le salaire ou traitement ordinaire de base ou minimum, et tous autres avantages payés directement ou indirectement, en espèces ou en nature, par l'employeur au travailleur en raison de l'emploi de ce dernier.

L'égalité de rémunération, sans discrimination fondée sur le sexe, implique :

a) que la rémunération accordée pour un même travail payé à la tâche soit établie sur la base d'une même unité de mesure ;

b) que la rémunération accordée pour un travail payé au temps soit la même pour un même poste de travail.

3. La loi ou loi-cadre européenne établit les mesures visant à assurer l'application du principe de l'égalité des chances et de l'égalité de traitement entre les femmes et les hommes en matière d'emploi et de travail, y compris le principe de l'égalité des rémunérations pour un même travail ou un travail de même valeur. Elle est adoptée après consultation du Comité économique et social.

4. Pour assurer concrètement une pleine égalité entre femmes et hommes dans la vie professionnelle, le principe de l'égalité de traitement n'empêche pas un État membre de maintenir ou d'adopter des mesures prévoyant des avantages spécifiques destinés à faciliter l'exercice d'une activité professionnelle par le sexe sous-représenté ou à prévenir ou à compenser des désavantages dans la carrière professionnelle.

Rappelons que l'article 141 du Traité est l'un des rares à posséder un effet direct, c'est-à-dire qu'un citoyen de l'Union européenne peut s'en prévaloir dans son pays en l'absence de dispositions de droit dérivé ou si son État a failli à ses obligations juridiques.

L'article 141 a été à l'origine du développement d'un acquis considérable.

Les nombreuses directives adoptées à partir des années 1970, ainsi que l'abondante jurisprudence de la Cour de justice des Communautés européennes (CJCE) forment aujourd'hui un cadre juridique global et intégré.

Ainsi, la CJCE a souligné que l'article 141 du Traité définissait l'un des objectifs essentiels de la Communauté et contribuait ainsi à la réalisation du marché intérieur, au progrès social et à l'amélioration des conditions de vie et de travail des citoyens. Si cette politique se cantonnait initialement à une seule disposition sur l'égalité de rémunération, la CJCE a depuis développé un acquis considérable dans le domaine de l'égalité de traitement, une caractéristique qui fait de l'Europe, selon l'expression employée par Mme Luisella Pavan-Woolfe au cours de son audition, « une région unique au monde ».

De même convient-il d'attacher une grande importance à la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l'Homme, qui siège à Strasbourg, et qui est souvent considérée, comme l'a rappelé Mme Marie-Cécile Moreau, comme la « gardienne des droits des femmes ».

Le développement de cet acquis a connu quatre principales étapes :

- la mise en oeuvre de l'égalité de traitement dans toutes les questions relatives à l'emploi, y compris les salaires, la formation, la carrière, les régimes d'assurance vieillesse supplémentaires, qui sont considérés comme des éléments de rémunération au sens du droit communautaire ;

- sa mise en oeuvre dans les régimes de protection sociale : ce domaine est très « sensible », car ce sont les États membres qui possèdent la responsabilité de l'organisation et du financement de leurs régimes de protection sociale ;

- la conciliation entre vie familiale et vie professionnelle, à l'exemple du congé parental, qui représente un progrès rendu possible grâce à un accord des partenaires sociaux ;

- le traité d'Amsterdam, en 1997, a sensiblement augmenté la capacité de l'Union européenne à agir dans le domaine de l'égalité des chances et de l'égalité de traitement entre les femmes et les hommes en créant des bases juridiques spécifiques qui ont explicitement incorporé la jurisprudence de la CJCE, laquelle a clairement établi que l'élimination des discriminations fondées sur le sexe faisait partie des droits fondamentaux des citoyens.

Ainsi, au-delà de l'article 141, les droits des femmes sont visés :

- à l'article 2 : la Communauté a pour mission de promouvoir dans l'ensemble de la Communauté, notamment, l'égalité entre les hommes et les femmes ;

- à l'article 3 : la Communauté cherche à éliminer les inégalités et à promouvoir l'égalité entre les hommes et les femmes dans toutes ses politiques ;

- à l'article 13 : la Communauté combat toute discrimination fondée, notamment, sur le sexe ;

- à l'article 137 : la Communauté soutient et complète l'action des États membres dans plusieurs domaines, dont l'égalité entre hommes et femmes en ce qui concerne leurs chances sur le marché du travail et le traitement dans le travail.

b) Les directives relatives à l'égalité des droits entre les hommes et les femmes

Neuf directives ont été adoptées, depuis le milieu des années 1970 , afin de mettre en oeuvre les principes énoncés plus haut :

- la directive 75/117/CEE du Conseil du 10 février 1975 concernant le rapprochement des législations des États membres relatives à l'application du principe de l'égalité des rémunérations entre les travailleurs masculins et les travailleurs féminins ;

- la directive 79/7/CEE du Conseil du 19 décembre 1978 relative à la mise en oeuvre progressive du principe de l'égalité de traitement entre hommes et femmes en matière de sécurité sociale ;

- la directive 86/613/CEE du Conseil du 11 décembre 1986 sur l'application du principe de l'égalité de traitement entre hommes et femmes exerçant une activité indépendante, y compris une activité agricole, ainsi que sur la protection de la maternité ;

- la directive 92/85/CEE du Conseil du 19 octobre 1992 concernant la mise en oeuvre de mesures visant à promouvoir l'amélioration de la sécurité et de la santé des travailleuses enceintes, accouchées ou allaitantes au travail ;

- la directive 96/34/CE du Conseil du 3 juin 1996 concernant l'accord-cadre sur le congé parental conclu par l'UNICE 5 ( * ) , le CEEP 6 ( * ) et la CES 7 ( * ) ;

- la directive 96/97/CE du Conseil du 20 décembre 1996 modifiant la directive 86/378/CEE du 24 juillet 1986 relative à la mise en oeuvre du principe de l'égalité de traitement entre hommes et femmes dans les régimes professionnels de sécurité sociale ;

- la directive 97/80/CE du Conseil du 15 décembre 1997 relative à la charge de la preuve dans les cas de discrimination fondée sur le sexe ;

- la directive 97/81/CE du Conseil du 15 décembre 1997 concernant l'accord-cadre sur le travail à temps partiel conclu par l'UNICE, le CEEP et la CES ;

- la directive 2002/73/CE du Parlement européen et du Conseil du 23 septembre 2002 modifiant la directive 76/207/CEE du Conseil du 9 février 1976 relative à la mise en oeuvre du principe de l'égalité de traitement entre hommes et femmes en ce qui concerne l'accès à l'emploi, à la formation et à la promotion professionnelles, et les conditions de travail.

C'est l'ensemble de cette législation, qui concerne quasi-exclusivement le secteur professionnel, que les nouveaux États membres ont dû transposer, avant le 1 er mai 2004, en vue de leur adhésion à l'Union européenne, et qu'ils doivent maintenant appliquer.

2. La transposition de l'acquis communautaire

a) L'apprentissage de la méthode communautaire pendant les négociations d'adhésion

Comme Mme Sabrina Tesoka, chargée de recherches à la Fondation européenne pour l'amélioration des conditions de vie et de travail, l'a indiqué au cours de son audition, la dynamique communautaire peut être enclenchée non seulement par des acquis sur les plans juridique et judiciaire, mais aussi par la confrontation des idées et par le dialogue .

Ainsi, la période précédant l'adhésion des nouveaux États membres à l'Union européenne a donné lieu non seulement à une intense activité législative rendue nécessaire par la transposition de l'acquis communautaire, mais également à des négociations approfondies et régulières entre les autorités nationales et les institutions communautaires, la Commission européenne en particulier, qui ont constitué autant d'occasions pour ces pays de se familiariser avec les méthodes de travail et les exigences de l'Union.

La Commission européenne, qui attache beaucoup d'importance à une meilleure connaissance par tous des droits de l'égalité, avait organisé, avant l'adhésion, une conférence à Malte, à laquelle avaient participé, en vue d'un échange de bonnes pratiques et d'expériences, des représentants des États membres, des pays candidats, mais aussi des partenaires sociaux et de la société civile. En outre, les nouveaux États membres, avant l'élargissement, ont eu l'occasion de participer au programme communautaire sur l'égalité, ce qui a facilité leur initiation à cette problématique ainsi que l'échange d'expériences avec la société civile.

Les pays candidats ont dû justifier des résultats de la transposition au cours de la procédure de surveillance de la reprise de l'acquis communautaire .

Pendant le processus d'adhésion, la Commission européenne a en effet contrôlé au fur et à mesure la transposition des directives concernées dans la législation nationale des pays d'adhésion. Elle a travaillé sur la base de tableaux de concordance et des informations fournies pour analyser la conformité de la législation des candidats à l'adhésion avec l'acquis communautaire, y compris les arrêts de la CJCE.

Ces analyses ont été effectuées dans le cadre des réunions régulières des sous-comités, réunions techniques entre les ministères concernés et les services de la Commission.

De surcroît, pendant l'année qui a précédé l'adhésion, les services de la Commission ont effectué des visites à haut niveau dans tous les pays d'adhésion pour examiner les questions politiques en suspens, ce qui a eu un effet positif sur l'accélération et l'achèvement du processus de mise en oeuvre.

Les rapports réguliers que la Commission européenne a transmis chaque année au Conseil sur les progrès réalisés par ces pays illustraient un alignement satisfaisant sur l'acquis communautaire en matière d'égalité entre les sexes. En général, les pays d'adhésion avaient non seulement transposé les directives concernant l'égalité de traitement entre les hommes et les femmes mais aussi, souvent, créé des structures nationales pour l'égalité entre les hommes et les femmes.

Ainsi, le rapport annuel 2002 sur l'égalité des chances entre les femmes et les hommes dans l'Union européenne, établi par la Commission européenne le 5 mars 2003 8 ( * ) , indiquait que, si « le processus d'alignement avec l'acquis est bien avancé dans beaucoup de pays candidats, en particulier Chypre, la République tchèque, la Lettonie, la Lituanie, la Hongrie, la Slovaquie et la Slovénie, où plusieurs mesures supplémentaires ont été ajoutées en 2002 », « l'Estonie, Malte et, dans une moindre mesure, la Pologne sont en retard ».

En septembre 2002, la commission des droits de la femme et de l'égalité des chances du Parlement européen avait organisé une audition publique sur le thème de la situation des femmes dans les pays candidats à l'adhésion à l'Union européenne. Cette réunion, qui a donné l'occasion de présenter l'état de la transposition de l'acquis communautaire dans certains des États candidats, illustre les efforts importants entrepris par ces derniers.

Les efforts des pays candidats pour transposer l'acquis communautaire

en matière de droits des femmes

La Lituanie a adopté une loi sur l'égalité des chances dès le 1 er mars 1999, qui définit les pouvoirs du médiateur pour l'égalité des chances. Les autorités lituaniennes avaient pour ambition d'aligner les dispositions légales en matière d'égalité des sexes sur celles de l'Union avant la fin 2002. Le pays était prêt à appliquer les directives et décisions sur l'égalité des chances à partir du jour de son adhésion, sans demander de période transitoire ni de dérogations dans ce domaine. En septembre 2002, ce pays avait déjà adopté un certain nombre de mesures : création, en 2000, d'une commission sur l'égalité, organe ministériel dont la tâche est d'encourager la prise de mesures d'égalité des sexes par les ministères et d'élaborer des politiques en la matière ; adoption d'amendements à la loi sur l'égalité des chances le 18 juin 2002 ; création, en septembre 2002, d'un poste de conseiller du Premier ministre pour les questions relatives aux femmes ; établissement d'un programme national pour l'égalité des chances entre les femmes et les hommes orienté vers une stratégie d'intégration des questions de genre et centré sur les femmes et l'économie.

La législation communautaire sur l'égalité de traitement entre les femmes et les hommes a eu une influence positive sur la situation des femmes en Pologne . Ainsi, d'importants amendements inspirés des directives communautaires ont été apportés au code du travail en 2001, celui-ci comportant un chapitre spécifique consacré à l'égalité de traitement des femmes et des hommes, une définition du travail de valeur égale, des dispositions relatives à la non-discrimination pour l'accès à l'emploi, aux programmes de formation et à la promotion professionnelle, ainsi que des dispositions sur l'égalité des conditions de travail. Le code du travail polonais définit également la discrimination indirecte et contient des dispositions sur la charge de la preuve dans les affaires de discrimination. Au cours de cette réunion, avait aussi été annoncée la création d'un ministère de l'égalité.

Les représentants de la Slovénie ont présenté les initiatives prises de manière à améliorer la représentation des femmes dans leur pays, parmi lesquelles on peut citer : la création, en 1990, d'un comité parlementaire pour la politique des femmes, rebaptisé ultérieurement comité pour l'égalité des chances, et fusionné avec le comité pour les affaires intérieures en 2000 ; la création, en 1992, d'un bureau gouvernemental pour la politique des femmes, rebaptisé par la suite comité pour l'égalité des chances ; le lancement, en 1997, d'un projet pilote pour l'intégration des questions de genre par le bureau pour la politique des femmes, en coopération avec trois ministères ; l'adoption, en juin 2002, d'une loi sur l'égalité des chances qui transpose la directive 76/207/CEE et qui introduit des mesures positives dans différents domaines (éducation, emploi, activité publique ou politique).

Source : Rapport de synthèse de la commission des droits de la femme et de l'égalité des chances du Parlement européen sur l'audition publique du 10 septembre 2002.

Les pays candidats ont accompli des efforts considérables pour accroître la sensibilisation et la prise de conscience de l'opinion publique sur les questions d'égalité.

Le rapport annuel 2002 précité de la Commission européenne notait que « tout au long du processus d'élargissement, les discussions et les négociations concernant l'égalité des hommes et des femmes ont demandé davantage aux pays candidats que de simplement combler leur retard par rapport à la législation et aux procédures communautaires ». Comme n'avait pas manqué de le relever la déléguée lituanienne, au cours de l'audition publique susmentionnée organisée par la commission des droits de la femme et de l'égalité des chances du Parlement européen, en septembre 2002, « le facteur UE demeure le principal stimulant pour les politiques d'égalité des chances dans les pays candidats ».

Du reste, le suivi et le contrôle du respect de l'acquis communautaire se poursuivent après l'adhésion , la Commission européenne devant vérifier la transposition effective et la mise en oeuvre des directives, avec, éventuellement, un recours aux règles des procédures d'infraction en cas de non-transposition ou mauvaise application. Mme Luisella Pavan-Woolfe, au cours de son audition, a indiqué que la Commission européenne avait l'intention de pleinement assumer ses responsabilités de « gardienne des Traités » en faisant respecter l'acquis communautaire dans ce domaine.

b) L'état de la transposition de l'acquis communautaire

La transposition de l'acquis communautaire en matière d'égalité entre les hommes et les femmes fait l'objet d'un suivi régulier.

A ce titre, la direction générale de l'emploi, des affaires sociales et de l'égalité des chances de la Commission européenne publie un bulletin relatif aux questions juridiques d'égalité 9 ( * ) , qui décrit la nouvelle législation communautaire et les instruments de politique en matière d'égalité entre les hommes et les femmes, ainsi que, le cas échéant, certaines décisions de la CJCE.

Le n° 1/2005 de ce bulletin fait plus spécifiquement le point sur la transposition de la directive 76/207/CEE relative à la mise en oeuvre du principe de l'égalité de traitement entre hommes et femmes en ce qui concerne l'accès à l'emploi, à la formation et à la promotion professionnelles, et les conditions de travail, telle que modifiée par la directive 2002/73/CE, dont la transposition doit être achevée le 5 octobre 2005, et de la directive 97/80/CE relative à la charge de la preuve dans les cas de discrimination fondée sur le sexe.

Dans l'introduction du numéro de ce bulletin, on peut lire que « le principe de l'égalité de traitement entre les hommes et les femmes semble avoir été transposé dans tous les systèmes juridiques nationaux. La majorité des États membres interdisent la discrimination directe et indirecte fondée sur le sexe, mais la définition de ces deux concepts pose manifestement problème. La notion de discrimination indirecte reste floue [...] à Malte [...] et celle de discrimination directe s'avère, en Pologne , incompatible avec le droit communautaire, dans la mesure où elle se réfère uniquement au comportement passé ou hypothétique en ignorant la manière dont la personne est réellement traitée. D'autres problèmes se manifestent en ce qui concerne la protection contre le harcèlement « sexuel » et le harcèlement fondé sur le sexe prévu par la directive 2002/73/CE. La protection explicitement exigée à l'encontre de ces deux formes de harcèlement reste, de manière générale, peu satisfaisante. A ce jour, les législateurs de Hongrie et de Slovaquie n'ont toujours pas instauré d'interdiction spécifique du harcèlement « sexuel ». L'interdiction du harcèlement « sexuel » et du harcèlement fondé sur le sexe reste, en outre, mal définie en Pologne [et] à Malte ».

En revanche, « dans certains États membres tels que la République tchèque , Chypre , la Lettonie , la Hongrie et la Slovaquie , le législateur a adopté des dispositions qui, en matière d'interdiction d'instruction de discriminer et d'incitation à la discrimination fondée sur le sexe, vont au-delà des exigences des directives ».

Le même document indique que « l'influence de la directive 2002/73/CE est d'ores et déjà sensible dans plusieurs États membres, où un large éventail d'instruments a été mis en place pour assurer le respect du principe de l'égalité de traitement. En Estonie [...] , des procédures plus rapides et moins onéreuses sont proposées en alternative des poursuites judiciaires. La Hongrie accorde à des ONG le droit d'agir indépendamment lorsque l'infraction concerne une catégorie de personnes, et non des victimes individuelles. Certains experts nationaux se montrent néanmoins sceptiques quant à la capacité des mécanismes nationaux d'assurer une protection intégrale et efficace à l'encontre de la discrimination sexuelle sur le marché du travail », soit que les organismes en charge de l'égalité manquent d'indépendance, comme en Estonie et à Malte , soit que l'incrimination fait l'objet d'une définition très étroite, en Pologne notamment, soit parce que l'application des normes anti-discrimination suscite la méfiance de la population, comme en République tchèque .

Enfin, en ce qui concerne la transposition de la directive 97/80/CE, il convient de souligner « une série de carences » qui remettent en cause le principe et l'application du renversement de la charge de la preuve. Ainsi, en Pologne , les tribunaux n'appliqueraient pas ce principe, tandis que des aménagements législatifs sont encore nécessaires en Hongrie , et que le manque de pratiques juridiques fait obstacle à son application à Chypre , en Estonie et en Slovaquie .

État des lieux de la transposition de l'acquis communautaire relatif à l'égalité entre les hommes et les femmes dans les dix nouveaux États membres de l'Union européenne

Bien que cette transposition révèle l'existence de carences et demeure perfectible dans quasiment tous les nouveaux États membres de l'Union européenne, il n'en demeure pas moins qu'elle permet de mesurer les efforts accomplis par des États sortis de régimes dictatoriaux et d'apprécier les effets de la perspective de l'adhésion sur la législation des États membres. Ceux-ci ont modifié leurs codes et lois afin de satisfaire aux exigences du droit communautaire.

A Chypre , les dispositions de la loi sur l'égalité de traitement entre les hommes et les femmes de 2002 ne couvrent pas les travailleurs indépendants. La Cour suprême de ce pays n'a pas encore admis, à ce jour, l'action positive. Le ministère chypriote du travail et des affaires sociales a informé les salariés et les employeurs, au travers de leurs organisations syndicales respectives, des nouvelles dispositions légales et leur a demandé de revoir leurs conventions collectives et, le cas échéant, d'en modifier et d'en abroger toute disposition qui constituerait une discrimination sexuelle directe ou indirecte aux termes de la loi.

En Estonie , la loi sur l'égalité, entrée en vigueur le jour de l'adhésion à l'Union européenne, le 1 er mai 2004, va au-delà de la directive 76/207/CEE modifiée par la directive 2002/73/CE, car elle s'applique à tous les domaines de la vie sociale et pas seulement à l'emploi. Cette loi, bien que satisfaisant aux exigences communautaires, a été jugée difficilement applicable, notamment parce qu'elle est dépourvue de dispositif de sanction et d'indemnisation.

En Hongrie , l'article 5 du code du travail, qui interdisait toute discrimination en matière d'emploi depuis 1992, a été modifié de façon significative en 2001 et 2003, dans la perspective de l'adhésion à l'Union européenne, de manière, notamment, à appliquer le principe de non-discrimination à la procédure de recrutement et à définir la notion de discrimination indirecte. Une loi générale sur l'égalité de traitement, votée en 2004, a précisé le renversement de la charge de la preuve, les juridictions n'appliquant guère la disposition précédente, trop vague, alors même que les salariés introduisaient de toute façon peu de recours. Toutefois, la loi n'interdit pas explicitement le harcèlement sexuel, pourtant distingué par le droit communautaire du harcèlement lié au sexe. Enfin, « cette loi présente une lacune considérable : pour tenir compte de la sensibilité qui entoure la question de « l'autonomie de la sphère privée » récemment acquise, elle exclut spécifiquement de son champ d'application « les relations régies par le droit de la famille » [...] , ainsi que les questions qui, sans toucher aux conditions d'affiliation et de désaffiliation, concernent la participation aux associations ».

Une législation avancée en matière d'égalité entre les hommes et les femmes est parfois insuffisante pour lutter avec efficacité contre la discrimination. Ainsi, en Lettonie , où le code du travail interdit la discrimination directe et indirecte ainsi que le harcèlement et toute instruction visant à la discrimination, les cas de poursuites dans ce domaine sont extrêmement limités, cette situation pouvant s'expliquer, selon la Commission européenne, par « la méconnaissance des droits et recours conférés par les nouvelles réglementations ». Il convient également de noter que la législation lettone n'interdit pas à l'employeur, contrairement aux directives communautaires, de s'enquérir, lors d'un entretien d'embauche, de la grossesse éventuelle d'une candidate, pour un travail temporaire ou un travail qui ne peut être exécuté par une femme enceinte.

La Lituanie connaît une situation similaire : l'absence de jurisprudence ne permet pas encore de s'assurer de la qualité de l'arsenal juridique institué, apparemment très complet. Par ailleurs, les fonctionnaires sont beaucoup moins protégés que les salariés du secteur privé, les dispositions de la loi sur l'égalité des chances qui interdisent une discrimination de la part de l'employeur n'étant pas applicables aux institutions publiques.

A Malte , la loi sur les relations industrielles, qui transpose en partie la directive 76/207/CEE, ne fait toutefois pas explicitement référence au concept de discrimination indirecte.

En Pologne , l'interdiction de la discrimination, directe ou indirecte, fondée notamment sur le sexe, est consacrée comme un principe général du droit du travail par l'article 11 du code du travail. L'article 18 de ce code définit les diverses formes de discrimination, et comporte : depuis 2001, une définition de l'égalité de traitement conforme à la législation communautaire ; depuis 2003, une définition de la discrimination directe et une définition de la discrimination indirecte mieux précisée. En outre, il autorise explicitement l'action positive. La Commission européenne estime que « la Pologne a correctement transposé les directives concernées, et qu'elle accorde même aux victimes de discrimination des avantages plus étendus, sur certains points, que la législation communautaire ». Toutefois, « certaines dispositions ne sont pas encore à la hauteur des normes européennes actuelles », par exemple en matière d'accès à l'emploi ou de formation professionnelle. De même, la protection des professions indépendantes contre la discrimination n'est pas assurée de manière satisfaisante, et la définition de la discrimination directe et indirecte comporte des lacunes.

En République tchèque , la nécessité de transposer la directive 76/207/CEE a conduit à une première modification du code du travail en 2000, puis à une autre en 2004, qui définit la discrimination directe et indirecte, le harcèlement et le harcèlement sexuel. Néanmoins, faute de texte d'application, les juristes tchèques demeurent « dans le flou total quant aux modalités de mise en oeuvre des interdictions », et « aucun arrêt important n'a été rendu, à ce jour, en matière de discrimination fondée sur le sexe ».

Le code du travail de la Slovaquie , afin de transposer la directive 76/207/CEE, a posé le principe, en avril 2002, d'une interdiction générale de la discrimination fondée sur le sexe. C'est également à l'occasion de cette transposition que les notions de discrimination directe et indirecte, de harcèlement et d'injonction à discriminer ont été introduites pour la première fois dans la législation slovaque. Il existe par ailleurs une loi anti-discrimination, entrée en vigueur le 1 er juillet 2004, dont certaines dispositions entrent potentiellement en conflit avec des dispositions du code du travail relatives à la lutte contre les discriminations dans le domaine de l'emploi.

La transposition du droit communautaire rendue nécessaire par l'adhésion à l'Union européenne a conduit la Slovénie à modifier le code du travail, en 2002, et à adopter une loi sur l'égalité de traitement, en 2004. Selon la Commission européenne, « on peut considérer que la législation slovène respecte toutes les exigences du droit communautaire en matière d'application du principe d'égalité de traitement entre les hommes et les femmes en ce qui concerne l'accès à l'emploi, à la formation et à la promotion professionnelles, et les conditions de travail, sans toutefois aller au-delà ».

Source : Commission européenne, Bulletin du réseau d'experts juridiques sur l'application du droit communautaire en matière d'égalité de traitement entre les femmes et les hommes, n° 1/2005.

* 4 Ajoutons que ce traité fait figurer la non-discrimination et l'égalité entre les femmes et les hommes parmi les valeurs de l'Union, énumérées à l'article I-2, tandis que l'article I-3, relatif aux objectifs de l'Union, prévoit que cette dernière promeut l'égalité entre les femmes et les hommes. Celle-ci constitue à la fois une nouvelle valeur, dont le terme est d'ailleurs substitué à celui de principe, et un nouvel objectif de l'Union.

* 5 Union des industries de la Communauté européenne.

* 6 Centre européen des entreprises à participation publique et des entreprises d'intérêt économique général.

* 7 Confédération européenne des syndicats.

* 8 Document COM (2003) 98 final.

* 9 Bulletin du réseau d'experts juridiques sur l'application du droit communautaire en matière d'égalité de traitement entre les femmes et les hommes.

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