EXAMEN EN COMMISSION

Réunie le mercredi 29 juin 2005, sous la présidence de M. Jean Arthuis, président, la commission a, au cours d'une première séance tenue dans la matinée, entendu une communication de M. François Marc, rapporteur spécial, sur la direction générale de l'administration et de la fonction publique (DGAFP).

M. François Marc, rapporteur spécial , a tout d'abord rappelé que ce contrôle s'inscrivait dans la continuité de ceux qu'il avait effectués, en 2004, sur la Documentation française et le Conseil supérieur de l'audiovisuel, en tant que rapporteur spécial du budget des services généraux du Premier ministre.

Il a indiqué que le choix d'opérer un contrôle budgétaire de la DGAFP - en application de l'article 57 de la loi organique du 1 er août 2001 relative aux lois de finances (LOLF) - l'avait conduit à s'intéresser à une direction d'administration centrale aux moyens relativement réduits, puisqu'elle ne comptait que 157 agents, et que ses crédits propres, essentiellement de personnel, étaient de l'ordre de 10 millions d'euros. Il a toutefois observé que la DGAFP jouait un rôle essentiel pour définir une politique d'ensemble de la fonction publique, conformément à la mission que lui avait assignée l'ordonnance du 9 octobre 1945, qui l'avait créée.

Il a précisé qu'en accord avec M. Henri de Raincourt, alors rapporteur spécial des crédits de la fonction publique, et afin de respecter la répartition fonctionnelle des compétences au sein de la commission des finances, son analyse s'était fondée non pas sur les crédits interministériels gérés par la DGAFP, de l'ordre de 220 millions d'euros, ni sur le contenu de la politique de la fonction publique, mais bien sur « l'outil » dont disposait le gouvernement pour conduire sa politique de la fonction publique, dans un cadre renouvelé par la mise en oeuvre de la LOLF.

Il a ajouté qu'outre des auditions à la DGAFP et auprès des directeurs des services en liaison directe avec cette direction générale, sa mission l'avait conduit à effectuer une mission d'une journée et demie en Grèce pour approfondir les éléments de comparaison internationale. A cet effet, il a précisé que la création de la DGAFP traduisait bien un « modèle français », reproduit dans d'autres Etats européens, d'une fonction publique dite de carrière, car chaque agent appartenait à un corps où il disposait de garanties statutaires de progression de carrière.

M. François Marc, rapporteur spécial , a précisé que ce modèle était né de l'ambition partagée, à la Libération, de refondation d'une administration publique jugée partiellement responsable de l'effondrement de juin 1940 et que, désormais, la politique de la fonction publique serait centralisée par une direction d'administration centrale directement rattachée au Premier ministre, à la vocation interministérielle ainsi clairement affichée, et ayant comme préoccupation première la gestion du statut des fonctionnaires. Il a rappelé que la DGAFP avait été portée sur les fonts baptismaux par le général de Gaulle, alors chef du gouvernement, et Michel Debré, alors que Maurice Thorez, ministre d'Etat et ministre de la fonction publique, mettait en oeuvre la création d'une administration d'un type nouveau, appelée à faire disparaître les corporatismes particularistes des cadres d'emploi d'avant-guerre.

Puis M. François Marc, rapporteur spécial , a fait remarquer que, si l'on effectuait des comparaisons internationales, très peu de pays industrialisés avaient choisi que la politique de la fonction publique soit définie non par un service d'Etat, mais par une agence indépendante. Il a relevé que le principe d'une agence avait été retenu en Amérique du Nord et en Suède où, à la différence de la France, la coordination de la fonction publique avait comme champ privilégié la conception des réformes, et non la gestion de la fonction publique. Il a conclu que ce modèle différait de celui choisi par la France, où la DGAFP était à la fois une administration de mission et de gestion, logiquement rattachée au Premier ministre, car ayant une fonction intergouvernementale.

Il a ensuite souligné que d'autres Etats avaient fait le choix d'un rattachement ministériel différent, par exemple l'Allemagne, Etat fédéral où la direction de la fonction publique relevait du ministère de l'Intérieur. Il a noté que le Danemark et le Portugal, pour leur part, plaçaient la direction de la fonction publique dans la sphère du ministère de l'économie. Il a ajouté qu'il lui avait semblé opportun, dans une logique inverse, de ne pas confondre réforme budgétaire et réforme administrative, afin de préserver les possibilités de synergies entre les différents services de l'Etat.

Lors de sa mission en Grèce, il a indiqué avoir constaté que le rattachement au ministère de l'intérieur était largement nominatif et lié aux attributions ministérielles, mais qu'en fait, la mission de la direction générale de la fonction publique y consistait, comme en France, à définir une politique gouvernementale de la fonction publique. Il a ajouté que l'historique était largement commun et les problématiques semblables, s'agissant du nombre de fonctionnaires ou de l'introduction de la performance dans le cadre d'une gestion davantage interministérielle. Toutefois, il a observé que certaines réformes de structures, en Grèce, étaient plus tardives qu'en France, telle que l'actuelle mise en place d'un corps d'inspection des administrations centrales, alors qu'en France de tels corps avaient été créés depuis plusieurs dizaines d'années. Il a attiré l'attention de la commission sur l'existence d'une vraie demande de coopération internationale, à laquelle la DGAFP devait répondre, notamment pour que la France s'appuie sur ses partenaires européens lorsque le droit communautaire modifiait les règles d'organisation de la fonction publique.

M. François Marc, rapporteur spécial, a alors exposé les missions de la DGAFP française, indiquant qu'elle assurait la cohérence d'ensemble des statuts de la fonction publique, tout en précisant qu'elle conduisait les négociations salariales dans la fonction publique d'après le mandat budgétaire qu'elle avait reçu du gouvernement, et qu'elle avait été, à ce titre, le « maître d'oeuvre » des accords de Grenelle en 1968.

Il s'est félicité que la DGAFP ait ensuite su faire évoluer ses missions, dans le contexte d'une influence croissante du droit communautaire et d'exigences nouvelles de rationalisation de la gestion publique. Il a également indiqué que, sans se départir de ses missions statutaires traditionnelles, la DGAFP avait su s'affirmer comme une direction des ressources humaines de groupe, à l'échelle de la fonction publique, en impulsant les différentes réformes et en aidant à leur mise en oeuvre par les ministères.

Dans ce cadre, il a souligné que la DGAFP expertisait, évaluait, conseillait puis aidait à la réalisation, en collaboration étroite avec les directions des ressources humaines des ministères, sans interférer sur la pertinence ou non des choix politiques effectués par le gouvernement, en citant à ce titre quelques-unes des mesures conduites par le gouvernement : la diminution du nombre de corps, la mise en place d'une rémunération au mérite et l'accompagnement de la réforme des retraites. Il a ajouté que, dans la continuité des travaux conduits en 2004 par M. Jean Arthuis, président de la commission, sur l'informatisation de l'Etat, et qui avait donné lieu à la parution d'un rapport d'information, la DGAFP favorisait la nécessaire convergence des applications informatiques. Il a conclu que la gestion prévisionnelle des emplois, des effectifs et des compétences était ainsi devenue une priorité de premier plan pour la DGAFP.

Dans ce contexte, M. François Marc, rapporteur spécial , a exprimé sa ferme conviction que la réforme budgétaire initiée par la LOLF ne pouvait réussir que si elle s'accompagnait d'une réforme administrative, dont la mise en oeuvre incombait à la DGAFP. Il a relevé, entre autres, que la LOLF prévoyait le vote en loi de finances d'un plafond d'emplois publics : il a estimé que la DGAFP devait être pleinement associée à ces travaux, du fait de sa compétence pour la définition initiale des emplois publics.

De même, il a relevé que la LOLF introduisait le principe d'une gestion globale des rémunérations, dans la limite des plafonds d'emplois ministériels et que ce cadre devait être cohérent avec celui d'une fonction publique de carrière : à cette fin, il a observé que la DGAFP avait conduit des travaux fondés sur le principe d'un choix sélectif d'avancement parmi les agents pouvant être promus.

Il a précisé que la DGAFP travaillait en étroite coopération avec la direction du budget pour mener à bien ces différents chantiers.

M. François Marc, rapporteur spécial , a alors constaté que la DGAFP avait les moyens d'accomplir ses missions, si l'on jugeait que la proportion de près d'un tiers de ses agents non statutaires, soit sous statut contractuel, soit mis à sa disposition, lui permettait de « puiser » dans les compétences en ressources humaines des autres ministères. Il a approuvé ce mode de gestion, à condition toutefois que le régime des mises à disposition soit clarifié, entre des mises à disposition gratuites et d'autres payées par les services du Premier ministre. Parmi les ressources également à la disposition de la DGAFP, il a observé que l'observatoire de l'emploi public jouait un rôle de premier plan dans la connaissance des emplois publics.

Il a alors souligné que la DGAFP n'avait, ainsi, pas tant besoin de crédits supplémentaires que de se voir pleinement reconnaître ses compétences nouvelles, dans le cadre d'une autonomie budgétaire réaffirmée.

Il s'est ainsi étonné que la DGAFP soit l'une des rares directions générales d'administration centrale qui ne gérait pas ses propres crédits, par exemple d'investissement, lesquels relevaient de la direction des services administratifs et financiers du Premier ministre (DSAF). Il a estimé que, si la relative modestie de la taille de la DGAFP justifiait une telle économie d'échelle, il a jugé regrettable que la gestion des crédits des services du Premier ministre par la DSAF s'effectue, plus ou moins, au prorata de ses effectifs, ce qui défavorisait une administration de mission comme la DGAFP, qui devait pouvoir attirer les meilleures compétences.

Toutefois, M. François Marc, rapporteur spécial , a précisé que certains crédits de fonctionnement courant faisaient l'objet d'une enveloppe globale, si bien que la DGAFP disposait, en pratique, de certaines marges d'autonomie. Il a jugé que le passage à la LOLF devait être l'occasion de renforcer cette autonomie. Il a donc proposé que les crédits gérés par la DGAFP soient regroupés dans un budget opérationnel de programme (BOP), c'est-à-dire l'unité fonctionnelle de gestion des crédits dans le cadre de la LOLF.

Il a souhaité que les missions de la DGAFP soient réaffirmées, notamment dans ses relations avec l'Ecole nationale d'administration (ENA), afin de mettre en place un contrat d'établissement définissant les objectifs et les moyens de l'ENA.

Il a estimé que la DGAFP, administration trop peu connue, avait ainsi vocation à devenir le « fer de lance » d'une réforme de la fonction publique, pour répondre aux attentes des citoyens et aux garanties souhaitées par les agents publics, dans le cadre d'une gestion modernisée. Il a alors conclu que telle était la vocation de la DGAFP, pour peu que les gouvernements français successifs sachent utiliser l'outil qu'elle constituait au service d'une politique ambitieuse de la fonction publique. Il a précisé que tel était le sens des propositions qu'il entendait formuler et qui s'articulaient autour de quatre axes : améliorer l'organisation et l'efficacité de l'action de la DGAFP ; stabiliser le cadre budgétaire de cette administration ; faire de la DGAFP le centre d'impulsion de la réforme de la fonction publique ; renforcer son association à la conduite de la réforme budgétaire.

M. Jean Arthuis, président, a remercié M. François Marc, rapporteur spécial, pour la qualité de son travail, conduit en application de l'article 57 de la LOLF, qui avait permis de mettre en lumière le rôle stratégique d'une direction d'administration centrale pourtant mal connue et encore trop peu identifiée.

Dans la continuité des travaux qu'il avait menés en 2004 sur l'informatisation de l'Etat, il a souhaité connaître les actions conduites par la DGAFP pour harmoniser les systèmes informatiques de gestion des ressources humaines dans l'administration, en observant qu'il s'agissait d'un préalable à la connaissance du nombre exact d'agents publics.

M. François Marc, rapporteur spécial, a présenté les démarches entreprises par la DGAFP dans le cadre du projet intitulé « Système d'information des ressources humaines » (SIRH). Il a détaillé les trois grands chantiers ainsi ouverts.

Tout d'abord, il a noté que le chantier « Référentiels » avait permis la publication, en février 2005, des référentiels pour la fonction publique qu'il s'agissait, désormais, d'entretenir au fil des évolutions réglementaires.

Puis il a décrit le chantier « Noyau commun », qui avait conduit à publier, également en février 2005, des spécifications fonctionnelles et techniques communes à tous les SIRH du secteur public. Il a ajouté que l'acquisition mutualisée d'un produit conforme à ces spécifications était en cours.

Enfin, il a souligné que le chantier « Infocentre » devait aboutir, en 2006, à la création du système décisionnel de la fonction publique, et accompagner les ministères dans le développement de leur propre infocentre sur les ressources humaines : une offre de service serait proposée aux ministères qui le souhaiteraient pour héberger leur « infocentre ressources humaines » et ainsi mutualiser les infrastructures logicielle et matérielle mises en place.

M. Jean Arthuis, président, a observé que ces travaux constituaient un levier pour une meilleure gestion publique, sur la base des référentiels qui seraient ainsi mis en place.

La commission a ensuite donné acte , à l'unanimité, à M. François Marc, rapporteur spécial, de sa communication et décidé d'en autoriser la publication sous la forme d'un rapport d'information.

ANNEXE N° 1 :

LISTE DES PERSONNES AUDITIONNÉES
PAR VOTRE RAPPORTEUR SPÉCIAL

Cadres dirigeants de la DGAFP

M. Jacky Richard , directeur général

Mme Christine Le Bihan-Graf , directrice, adjointe au directeur général

M. Yves Chevalier , chef de service

Mme Annick Wagner , sous-directrice des statuts et des rémunérations

Mme Chantal Jarrige , sous-directrice, secrétaire générale

M. Jean-Pierre Jourdain , sous-directeur de la gestion des ressources humaines

M. Raymond Piganiol , chef de la mission des affaires européennes et internationales

Mme Catherine Zaidman , secrétaire générale de l'observatoire de l'emploi public

Mme Dominique Subier , chef de cabinet du directeur général

Représentants des syndicats de la DGAFP

Mme Claire Fargeot-Boll (CFDT - DGAFP)

M. Thomas Vratnik (syndicat autonome des personnels des services du Premier ministre/SAPPM)

M. Jean-Michel Lecoq (CFDT - DGAFP)

Mme Dominique Moussouni (SAPPM)

Mme Marie-Pierre Zuber (CGT)

Personnes auditionnées lors du déplacement en Grèce les 8 et 9 juin 2005

M. Foukas , directeur général du trésor et du budget au ministère de l'économie et des finances

Mme Frangi , directrice générale chargée du soutien administratif au ministère de l'intérieur

M. Markydimitris , conseiller du Premier ministre pour l'administration publique

M. Nomikos , inspecteur contrôleur de l'administration publique

M. Sotiropoulos , directeur général chargé de la supervision économique au ministère de l'économie et des finances

Autres fonctionnaires des administrations centrales françaises

M. André Ferragne
Directeur des services administratifs et financiers du Premier ministre

M. Vincent Berjot
Sous-directeur
Deuxième sous-direction, direction du budget

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