B. LE PROGRAMME DE STABILITÉ 2006-2008 EST-IL RÉALISTE ?
Considérant que le pacte de stabilité ne pourra être appliqué de manière satisfaisante sans une forte implication des Parlements nationaux, votre commission des finances a décidé d'insister davantage, lors de chaque débat d'orientation budgétaire, sur la mise en oeuvre, par la France, de ses engagements européens en matière de finances publiques.
Elle estime nécessaire de souligner à cet égard sa perplexité sur le réalisme du programme de stabilité 2006-2008.
1. Le relatif scepticisme des institutions communautaires sur la politique budgétaire de la France
Conformément à l'article 5 du règlement (CE) n° 1466/97 du Conseil du 7 juillet 1997 précité, la Commission européenne a rendu publique, le 2 février 2005, une évaluation du programme de stabilité qui lui a été transmis par la France en décembre 2004. Sur la base de cette évaluation, le Conseil a examiné le programme de stabilité de la France, lors de sa réunion du 17 février 2005.
a) L'appréciation des institutions communautaires sur le dernier programme de stabilité
Si le Conseil et la Commission européenne jugent les projections de croissance du PIB et d'inflation réalistes, ils sont en revanche sceptiques en ce qui concerne les projections relatives aux finances publiques, comme l'indique le tableau ci-après.
L'évaluation du programme de stabilité de la France, selon le Conseil de l'Union européenne
(en % et en points de PIB)
2004 |
2005 |
2006 |
2007 |
2008 |
||
Croissance du PIB |
Programme de stabilité (décembre 2004) |
2,5 |
2,5 |
2,5 |
2,5 |
2,5 |
(en %) |
Dernières prévisions du gouvernement (mars 2005) |
2,5 |
2-2,5 |
2,25-2,75 |
n.d. |
n.d. |
Commission européenne (octobre 2004) |
2,4 |
2,2 |
2,2 |
n.d. |
n.d. |
|
Commission européenne (avril 2005) |
2,5 |
2 |
2,2 |
n.d. |
n.d. |
|
Inflation |
Programme de stabilité (décembre 2004) |
2,2 |
1,8 |
1,5 |
1,5 |
1,5 |
(en %) |
Dernières prévisions du gouvernement (mars 2005) |
2,1 |
1,5 |
1,5 |
n.d. |
n.d. |
Commission européenne (octobre 2004) |
2,3 |
2 |
1,8 |
n.d. |
n.d. |
|
Commission européenne (avril 2005) |
2,3 |
1,9 |
1,8 |
n.d. |
n.d. |
|
Solde public |
Programme de stabilité (décembre 2004) |
-3,6 |
-2,9 |
-2,2 |
-1,6 |
-0,9 |
(en points de PIB) |
Dernières prévisions du gouvernement (mars 2005) |
-3,7 |
-2,9 |
-2,7 |
n.d. |
n.d. |
Commission européenne (octobre 2004) |
-3,7 |
-3 |
-3,3 |
n.d. |
n.d. |
|
Commission européenne (avril 2005) |
-3,7 |
-3 |
-3,4 |
n.d. |
n.d. |
|
Solde public primaire |
Programme de stabilité (décembre 2004) |
-0,7 |
0,1 |
0,8 |
1,5 |
2,2 |
(en points de PIB) |
Dernières prévisions du gouvernement (mars 2005) |
n.d. |
n.d. |
n.d. |
n.d. |
n.d. |
Commission européenne (octobre 2004) |
-0,7 |
-0,1 |
-0,4 |
n.d. |
n.d. |
|
Commission européenne (avril 2005) |
-0,8 |
-0,1 |
-0,4 |
n.d. |
n.d. |
|
Solde public structurel |
Programme de stabilité (décembre 2004) (1) |
-2,6 |
-2,0 |
-1,5 |
-1,0 |
-0,5 |
(en points de PIB) |
Dernières prévisions du gouvernement (mars 2005) |
n.d. |
n.d. |
n.d. |
n.d. |
n.d. |
Commission européenne (octobre 2004) |
-3,5 |
-2,8 |
-3,1 |
n.d. |
n.d. |
|
Commission européenne (avril 2005) |
-3,6 |
-2,8 |
-3,1 |
n.d. |
n.d. |
|
Dette publique brute |
Programme de stabilité (décembre 2004) |
64,8 |
65 |
64,6 |
63,6 |
62 |
(en points de PIB) |
Dernières prévisions du gouvernement (mars 2005) |
65,6 |
66,1 |
66,4 |
n.d. |
n.d. |
Commission européenne (octobre 2004) |
64,9 |
65,5 |
66,3 |
n.d. |
n.d. |
|
Commission européenne (avril 2005) |
65,6 |
66,2 |
67,1 |
n.d. |
n.d. |
(1) Le Conseil présente le solde public structurel recalculé par la Commission européenne, à partir des données figurant dans le programme de stabilité. Pour davantage de lisibilité, on indique ici les projections de solde structurel figurant effectivement dans le programme de stabilité.
Source : Conseil de l'Union européenne, 17 février 2005 ; tableau actualisé avec les dernières prévisions économique du gouvernement et de la Commission européenne (respectivement mars 2005 et avril 2005)
Ainsi, selon les estimations de la Commission européenne, sur lesquelles s'appuie le Conseil, le déficit public diminuerait jusqu'à 3 % du PIB en 2005, ce qui permettrait la fin de la procédure de déficit excessif actuellement en cours, mais serait de nouveau supérieur à la limite maximale autorisée en 2006, à 3,4 % du PIB selon les dernières prévisions, contre 2,2 % du PIB selon le programme de stabilité (et, on l'a vu, 2,7 % du PIB selon les prévisions économiques présentées le 17 mars 2005 par le gouvernement).
Cette divergence vient du fait que la Commission européenne est sceptique sur l'amélioration du solde public structurel prévue pour 2006. Selon le programme de stabilité, le déficit public structurel s'améliorerait de 0,5 point de PIB en 2006, alors que la Commission européenne prévoit une dégradation de 0,3 point de PIB. Le gouvernement a d'ailleurs reconnu l'irréalisme de cette estimation dans ses prévisions économiques de mars 2005. Bien qu'il n'y indique pas d'estimation du solde structurel, il estime que celui-ci ne s'améliorerait plus que de 0,1 point en 2006.
L'appréciation du Conseil sur le dernier programme de stabilité de la France « Comme la diminution projetée du déficit en 2005 provient largement d'une recette exceptionnelle s'élevant à 0,5 point de PIB, l'ajustement budgétaire sous-jacent projeté pour 2005 est relativement modeste. Les années après 2005, la situation budgétaire pourrait être pire que celle projetée dans le programme. En particulier, l'objectif de déficit pour 2006 semble menacé par les politiques actuelles, compte tenu du fait que des réductions d'impôt sont annoncées pour cette année et que ces recettes exceptionnelles vont disparaître. En outre, comme les cibles de dépenses dans les mises à jour précédentes [du programme de stabilité] ont été largement manquées, les cibles de dépense et de déficit fixées pour la période 2006-2008 semblent difficiles à atteindre avec les politiques actuelles. Des réformes structurelles ont été mises en oeuvre (loi organique relative aux lois de finances, comité d'alerte indépendant pour la gouvernance du système de santé). Ces réformes constituent clairement des pas dans la bonne direction et devraient contribuer à l'atteinte des objectifs budgétaires. « Compte tenu de cette évaluation du risque, la progression budgétaire du programme ne semble pas fournir une marge de sécurité suffisante pour empêcher de franchir la limite de 3 % du PIB, avec des fluctuations macroéconomiques normales, avant 2007 ; il n'est pas non plus suffisant pour permettre que l'objectif à moyen terme du pacte de stabilité et de croissance d'une position budgétaire proche de l'équilibre soit atteinte avant la fin du programme. « (...) L'évolution du taux d'endettement est soumise aux mêmes risques que les cibles de déficit. » Source : « Opinion du Conseil du 17 février 2005 sur le programme de stabilité actualisé de la France, 2004-2008 ». Traduction de l'anglais effectuée par votre commission des finances |