C. LES PERSPECTIVES FINANCIÈRES 2007-2013 : VERS UNE AUGMENTATION DE LA CONTRIBUTION NETTE DE LA FRANCE D'ENVIRON 0,2 POINT DE PIB
Votre commission de finances, grâce à son rapporteur spécial ad hoc , notre collègue Denis Badré, a décidé de surveiller de près la contribution de la France au budget de l'Union européenne. Par ailleurs, le 5 avril 2005, elle a participé à la réunion de parlementaires nationaux sur les perspectives financières 2007-2013, organisée par le Parlement européen.
Contrairement à ce que pourrait laisser supposer l'échec du Conseil européen des 16 et 17 juin 2005, les principaux points de désaccord (suppression du « chèque » britannique et limitation des dépenses communautaires à 1 % du revenu national brut, ou RNB) 48 ( * ) correspondent pour la France à des enjeux financiers relativement modestes. Ce qui est essentiel en revanche, c'est que, dans tous les cas, le solde net de la France devrait se dégrader en moyenne d'environ 0,2 point de revenu national brut (RNB) en 2008-2013.
1. Les perspectives financières : quelques rappels juridiques
Les perspectives financières résultent d'accords interinstitutionnels entre le Parlement européen, le Conseil et la Commission européenne. Ainsi, les perspectives financières 2000-2006 résultent de l'accord interinstitutionnel du 6 mai 1999 49 ( * ) . A ce jour, trois accords interinstitutionnels de ce type ont été conclus, respectivement en 1988, en 1992 et en 1999 : les perspectives financières 1988-1992 (« paquet Delors I ») ; les perspectives financières 1993-1999 (« paquet Delors II ») ; les perspectives financières 2000-2006.
Les perspectives financières ne correspondent pas à un budget pluriannuel. En effet, la procédure budgétaire annuelle demeure indispensable pour déterminer le montant effectif des dépenses et la répartition entre les différentes lignes budgétaires.
Formellement, les perspectives financières 2007-2013 doivent être adoptées de la manière suivante :
- proposition de la Commission européenne ;
- adoption par le Conseil européen, à l'unanimité ;
- négociations entre le Parlement européen, le Conseil et la Commission ;
- adoption, par les trois institutions, de l'accord interinstitutionnel constituant les perspectives financières 2007-2013.
2. Un plafond de dépenses correspondant à une part de la richesse nationale inférieure à celle des perspectives financières 2000-2006 ?
Malgré l'élargissement, le plafond de dépenses semble devoir être inférieur à celui des perspectives financières 2000-2006 (en crédits d'engagement, 1,11 % du RNB) : alors que la Commission européenne propose de fixer ce plafond à 1,21 % du RNB, le « groupe des six » 50 ( * ) , dont la France, souhaite le ramener à 1 % du RNB, la présidence luxembourgeoise ayant proposé un compromis, finalement rejeté, à 1,06 % du RNB.
Des notions multiples et évolutives qui rendent le débat budgétaire européen peu lisible Le débat sur les perspectives financières est rendu peu lisible par la coexistence de plusieurs concepts voisins (plafond des ressources propres, plafond des crédits de paiement, plafond des crédits d'engagement), exprimés dans une unité qui peut varier (part du PIB, part du RNB), avec ou sans inclusion du Fonds européen de développement (FED) et du Fonds européen de solidarité (FES). L'articulation entre ces notions est d'autant plus complexe que, si les plafonds de ressources et de crédits de paiement sont exprimés en proportion du RNB , les crédits d'engagement le sont initialement en euros , leur expression en part du RNB, purement indicative, reposant sur une hypothèse de croissance du PIB communautaire (2,3 % dans les propositions de la Commission européenne pour la période 2007-2013, ce que l'on peut juger optimiste). Ainsi s'explique que la proposition de plafond de crédits d'engagement de la Commission européenne, exprimée en part du RNB, ait varié depuis février 2004. Alors évaluée, FED et FSE compris , à 1,26 % du RNB pour la période 2007-2013, elle l'est désormais à 1,24 % du RNB (1,21 % hors FED et FES), du fait de prévisions économiques plus optimistes pour l'année 2006 51 ( * ) . |
Le graphique ci-après indique le montant des différents plafonds, passés et envisagés, exprimé dans son unité habituelle, la part du RNB , hors FED (fonds européen de développement) et FES (fonds européen de solidarité).
Les propositions de la Commission européenne correspondent à des crédits d'engagement et à des crédits de paiement de respectivement 1.025 milliards d'euros et 929 milliards d'euros sur la période 2007-2013 (en prix de l'année 2004), soit environ 150 milliards d'euros par an.
Les différents plafonds des finances publiques communautaires
(hors Fonds européen de développement et Fonds européen de solidarité)
(en % du revenu national brut communautaire)
Sources : Commission européenne, Parlement européen, « Europe information » du 8 juin 2005
Il existe tout d'abord les plafonds relatifs aux ressources propres , dont le montant actuel est fixé par une décision du Conseil de l'Union européenne du 29 septembre 2000 (dite « décision ressources propres »), en vigueur à compter de l'année 2002. Ces plafonds ont été mis en place par la décision du Conseil du 24 juin 1988, qui a créé la « quatrième ressource propre » 52 ( * ) . Ainsi, les ressources propres (en crédits d'engagement) ne peuvent actuellement dépasser 1,31 % du RNB 53 ( * ) de l'Union européenne.
Les plafonds de dépenses , nécessairement inférieurs ou égaux aux plafonds de ressources propres, ont été fixés à 1,11 % du RNB (en crédits d'engagement), en 2000-2006 . Cela signifiait que les différents budgets annuels ne pouvaient dépasser ce taux. En pratique, les budgets adoptés en 2000-2005 ont été nettement inférieurs aux plafonds, puisque leurs crédits de paiement ont été de seulement 1,03 % du RNB, pour un plafond de 1,09 % du RNB.
Pour la période 2007-2013 , la Commission européenne 54 ( * ) propose de fixer le plafond de dépenses (en crédits d'engagement) à 1,26 % du RNB . Cependant ce montant comprend le Fonds européen de développement (FED) et le Fonds de solidarité européen (FSE). Sans prise en compte de ces derniers, c'est-à-dire selon le périmètre habituellement utilisé, il n'est plus que de 1,21 % du RNB. Le Parlement européen propose quant à lui de retenir un plafond de 1,18 %.
Le 15 décembre 2003, six Etats membres (France, Allemagne, Royaume-Uni, Pays-Bas, Suède et Autriche) , communément dénommés « groupe des six », tous contributeurs nets , ont adressé au président de la Commission européenne une lettre commune, indiquant que, selon eux, le plafond de dépenses devait être fixé à 1 % du RNB. Ce chiffre s'entend en autorisations d'engagement .
Le 2 juin 2005, la présidence luxembourgeoise a proposé une solution de compromis, selon laquelle les plafonds de crédits d'engagement seraient fixés à 1,06 % du RNB . La ligne budgétaire la plus touchée aurait été celle de la compétitivité, censée permettre à l'Union européenne de se rapprocher des objectifs de Lisbonne, qui aurait été réduite de près de 40 % par rapport à la proposition de la Commission (74 milliards d'euros au lieu de 122 milliards d'euros) 55 ( * ) .
* 48 Le revenu national brut (RNB) a remplacé le produit national brut (PNB) dans le Système Européen des Comptes (le SEC 95) à partir de l'année budgétaire 2002, conformément à la décision n° 2000/597/CE sur les ressources propres. Il est très proche du PIB.
* 49 Accord interinstitutionnel du 6 mai 1999 entre le Parlement européen, le Conseil et la Commission sur la discipline budgétaire et l'amélioration de la procédure budgétaire.
* 50 France, Allemagne, Royaume-Uni, Pays-Bas, Suède et Autriche.
* 51 Commission européenne, « Ajustements techniques à la proposition de la Commission pour le cadre financier pluriannuel 2007-2013 », document de travail de la Commission européenne, SEC(2005) 494 final, 12 avril 2005.
* 52 Cette quatrième ressource propre consiste en un prélèvement sur le PNB des Etats membres d'un pourcentage fixé dans le cadre de chaque budget annuel. Elle est égale à la différence entre le pourcentage maximum du PNB autorisé et les autres ressources propres.
* 53 Soit 1,27 % du PIB.
* 54 Propositions du 11 février 2004.
* 55 Europe information, 8 juin 2005.