B. UNE COMPENSATION JUSQU'A PRESENT UNIQUEMENT FINANCIERE

1. La compensation financière des transferts de compétences : un principe garanti et contrôlé

Le financement des transferts de compétences aux régions obéit à deux principes :

- une compensation intégrale, concomitante, contrôlée et conforme à l'objectif constitutionnel d'autonomie financière des régions (article 72-2 de la Constitution) ;

- une répartition équilibrée des crédits en fonction des besoins territoriaux (Cour des comptes).

a) Le principe d'une compensation intégrale, concomitante, contrôlée et conforme à l'objectif constitutionnel d'autonomie financière des régions

Le principe de compensation financière , posé par l'article 102 de la loi du 2 mars 1982, a été érigé en principe constitutionnel à l'occasion de la révision constitutionnelle du 28 mars 2003, au sein de l'article 72-2 de la Constitution lequel dispose que « tout transfert de compétences entre l'Etat et les collectivités territoriales s'accompagne de l'attribution de ressources équivalentes à celles qui étaient consacrées à leur exercice ».

Les principes de la compensation financière des transferts de compétences

La compensation financière doit être intégrale, concomitante, contrôlée et conforme à l'objectif d'autonomie financière inscrit dans la Constitution.


Compensation intégrale

Les ressources transférées seront équivalentes aux dépenses effectuées par l'Etat au titre des compétences transférées. Toutes les dépenses, directes et indirectes, liées à l'exercice des compétences transférées seront prises en compte. Les charges de fonctionnement seront évaluées à partir de la moyenne actualisée des dépenses consacrées par l'Etat au cours des trois années précédant le transfert. S'agissant des charges d'investissement, le niveau de dépenses variant d'un exercice à l'autre, l'évaluation des charges transférées sera établie sur la base de la moyenne actualisée des crédits précédemment ouverts au budget de l'Etat au titre des investissements exécutés ou subventionnés au cours des 5 années, au moins, précédant le transfert. Un décret en Conseil d'Etat précisera les modalités de l'actualisation et les périodes de dépenses à prendre en considération.


Compensation concomitante

Les transferts de ressources s'effectueront sur plusieurs années, au rythme des transferts de compétences. Tout accroissement de charges résultant de ces transferts sera, en effet, accompagné du transfert concomitant des ressources nécessaires à l'exercice de ces compétences. Concrètement, l'année précédant le transfert de compétences, les ministères décentralisateurs procèderont à l'évaluation provisoire des dépenses qu'ils consacraient jusqu'alors à l'exercice des compétences transférées. Le montant correspondant permettra de prendre, en loi de finances, les dispositions nécessaires à la compensation provisoire des charges nouvelles. Bien entendu, dès que les données définitives seront connues, il sera procédé aux régularisations qui s'imposent.


Compensation contrôlée

Le montant des accroissements de charges résultant des transferts de compétences sera constaté par arrêté interministériel, après avis de la commission consultative sur l'évaluation des charges (CCEC). Il faut, à cet égard, souligner que l'article 118 de la loi du 13 août 2004 modifie la composition et le rôle de la CCEC, afin de renforcer la légitimité de la commission et de l'associer plus en amont à la définition des modalités d'évaluation des transferts de compétences. Ainsi, cette commission deviendra une formation restreinte du comité des finances locales (CFL). Son président ne sera plus un magistrat de la Cour des Comptes mais un élu.


Compensation conforme à l'objectif d'autonomie financière inscrit dans la Constitution

Les transferts de compétences seront ainsi, dans leur quasi totalité, financés par des transferts de fiscalité, dont les collectivités pourront, à terme, fixer elles-mêmes, dans des limites définies par le législateur, l'assiette et le taux. Les prochaines lois de finances transfèreront ainsi aux une partie de la taxe intérieure sur les produits pétroliers, et aux départements, une partie du produit des conventions d'assurance.

La loi organique n°2004-758 du 29 juillet 2004 relative à l'autonomie financière et la loi relative aux libertés et responsabilités locales apportent aux collectivités territoriales des garanties quant aux niveaux de ces ressources et de leur autonomie financière. En application de la loi organique, en effet, la part des ressources propres dans les ressources de chaque catégorie de collectivités territoriales ne pourra devenir inférieure au niveau qui était le sien en 2003.

L'article 119-II de la loi du 13 août 2004 garantit, pour sa part le niveau des ressources transférées au titre de la compensation financière : en cas de diminution des recettes provenant des impositions, pour des raisons étrangères au pouvoir de modulation reconnu aux collectivités territoriales bénéficiaires, la perte de ressources correspondante sera compensée par l'Etat pour assurer aux collectivités un niveau de ressources équivalent à celui que l'Etat consacrait à l'exercice de la compétence avant son transfert.

Source : Ministère de l'Intérieur

b) Le principe d'une répartition équilibrée des crédits en fonction des besoins territoriaux

Un second principe régit les modalités des transferts de compétences : la règle, posée à l'article L. 4332-1 du code général des collectivités territoriales, selon laquelle les crédits transférés par l'État « sont répartis notamment en fonction de la structure et du niveau de qualification de la population active, ainsi que de la capacité d'accueil de l'appareil de formation existant » .

Ce principe de répartition évolutive en fonction des « besoins » a longtemps été imparfaitement appliqué dans les faits et sa portée a été fortement limitée, comme l'a observé la Cour des comptes dans son rapport annuel public pour 2000.

La Cour note ainsi :

« Sur le fond, le caractère évolutif de la répartition régionale des dotations a été restreint.

« S'agissant de la dotation de la loi de 1983, le décret du 7 janvier 1985, en retrait sur un décret du 14 avril 1983 jugé trop redistributif, n'a fait porter l'ajustement de la répartition entre régions que sur une très faible fraction de son montant. Il a été admis qu'après imputation d'un préciput en faveur des départements d'outre-mer sur le montant global de la dotation, les régions auraient droit à la reconduction de ce qui leur avait été alloué l'exercice précédent, y compris les sommes attribuées au titre de la modulation, qui sont ainsi consolidées. Ainsi, cette modulation ne porte-t-elle, pour l'année courante, que sur un faible pourcentage de la dotation de décentralisation, 1,24 %, soit 38,2 millions sur 3,09 milliards en 1997.

« Quant aux modalités de répartition entre les régions, elles ont été assez largement gelées.

« Le décret de 1985 a prévu la combinaison de différents critères pondérés : nombre de demandeurs d'emploi inscrits depuis plus de six mois en avril de l'année précédente (50 % de la pondération), nombre total d'actifs de plus de seize ans sans diplôme au recensement (30 %), nombre total d'apprentis en centre de formation d'apprentis en 1982 (12 %), durée totale des formation financées par l'État en 1982 au titre du fonctionnement des stages ou de la rémunération des stagiaires (8 %).

« Il est à noter que ces deux derniers critères (20 % de la pondération) prennent en compte une situation qui date de dix-huit ans et font double emploi avec l'évaluation et la répartition de départ de la dotation globale. Pour ce qui est des actifs de plus de seize ans sans diplôme, le dernier recensement retenu est celui de 1990. Seules les données intéressant les demandeurs d'emploi sont actualisées annuellement. Compte tenu de la faible proportion des sommes donnant lieu à modulation entre régions, l'ajustement annuel de la dotation aux situations réelles de chacune des régions peut être considéré comme négligeable.

« Les conditions de répartition de la dotation de la loi quinquennale de 1993 qui concerne les formations qualifiantes des jeunes de moins de vingt-six ans (article 50 du chapitre 43-06 du budget de l'emploi) a fait l'objet d'un décret en date du 2 juin 1994 : 80 % des crédits sont répartis en fonction des dépenses effectuées par l'État l'année précédant le transfert (1993) au titre des formations qualifiantes, 10 % en fonction du nombre de jeunes de seize et dix-huit ans sortant sans diplôme du système éducatif, 10 % en fonction du nombre de demandeurs d'emploi de moins de vingt-cinq ans sans diplôme ou titulaire s'un diplôme de niveau V. Ainsi la répartition de 20 % de la dotation est censée être évolutive.

Depuis 1994, les critères évolutifs ont été gelés. Le critère fondé sur le nombre de jeunes sortis du système éducatif sans diplôme reflétait la situation observée en septembre 1991 et celui fondé sur le nombre de demandeurs d'emploi de moins de vingt-cinq ans sans diplôme ou titulaires d'un diplôme de niveau V correspondant à la situation observée en janvier 1994. »

2. Une compensation réelle et exclusivement financière

Le montant des sommes que les régions consacrent à la formation professionnelle et à l'apprentissage (y compris les divers transferts reçus) devrait s'élever en 2005 à 3,282 milliards d'euros, soit une hausse de 19,6% par rapport à 2004 .

La part des transferts financiers de l'État y occupe une part importante, même si les régions son parvenues par ailleurs à mobiliser des ressources supplémentaires.

a) Le dynamisme des transferts de crédits de l'Etat vers les régions

En 2005, la dotation spécifique de décentralisation pour la formation et l'apprentissage a approché les deux milliards d'euros (au-delà si l'on intègre les données budgétaires relatives à l'ensemble de l'outre mer).

Structure de la dotation de décentralisation

(en millions d'euros )

Chapitre 43-06

Libellé

LFI 2005

Article 10

Dotation de décentralisation apprentissage

383,12

Article 20

Allongement des durées de formation en apprentissage

12,71

Article 32

Participation de l'État à la revalorisation des stagiaires

8,58

Article 40

Dotation de décentralisation pour Mayotte

0,24

Article 50

Dotation de décentralisation issue de la loi de 1993

329,09

Article 60

Dotation complémentaire

9,90

Article 70

Dotations de décentralisation (actions préqualifiantes-fonctionnement)

470,95

Article 81

Primes d'apprentissage

722,43

Total

Dotation de décentralisation

1.937,02

Source : ministère de l'emploi, du travail et de la cohésion sociale

Cette dotation se décompose aujourd'hui en huit dotations :

- La dotation de décentralisation relative à l'apprentissage correspond à la compensation des transferts de la loi du 7 janvier 1983 ;

- La dotation relative à l'allongement de la durée de formation des apprentis est issue de l'application de la loi du 23 juillet 1987 ;

La loi de finances pour 2005 a réduit le montant de ces deux premières dotations et les a compensées par une partie du produit de la nouvelle taxe additionnelle à la taxe d'apprentissage. Cette taxe, dont le taux a été fixé à 0,18% de la masse salariale des employeurs d'apprentis, doit rapporter aux régions 180 millions d'euros d'ici 2007, transférés aux régions en trois exercices budgétaires ;

- La participation de l'État à la revalorisation de la rémunération des stagiaires ;

- La dotation de décentralisation issue de la loi de 1993 et relative au transfert des actions qualifiantes des jeunes au 1 er juillet 1994 ;

- La dotation pour le rééquilibrage de l'aménagement du territoire, issue de la loi quinquennale de 1993 ;

- Les dotations de décentralisation relatives aux actions préqualifiantes des jeunes , transférées, à partir de l'adoption de la loi quinquennale précitée, progressivement, région par région ;

- La compensation des primes d'apprentissage que les régions doivent verser aux employeurs d'apprentis, en application de la loi relative à la démocratie de proximité ; à cet effet, l'Etat leur transférera des crédits en compensation d'un montant de 765 millions d'euros environ, en trois fois : 6 % (46,4 millions d'euros) du montant total de la compensation en 2003, 63 % (487,3 millions d'euros) en 2004, 97 % (750,2 millions d'euros) en 2005, et sa totalité en 2006. En revanche, si la région décide de relever le montant de ces primes au-delà du minimum légal de 1000 euros annoncés 2 ( * ) , elle en supportera naturellement, seule, la charge supplémentaire ;

A ces dotations, il faut ajouter la dotation de décentralisation pour Mayotte , issue de la loi du 10 janvier 1988 relative à la collectivité territoriale de Mayotte. A l'inverse, la dotation de décentralisation du CIVIS a été supprimée par la loi de finances pour 2005, tirant ainsi les conséquences du retour du dispositif aux mains de l'Etat.

Principaux transferts de l'État reçus par les régions en 2005

(en millions d'euros)

Formation professionnelle*

Alsace

63,1

Aquitaine

104,4

Auvergne

49,6

Bourgogne

57,6

Bretagne

93,4

Centre

93,2

Champagne-Ardenne

49,2

Corse

-

Franche-Comté

44,8

Ile-de-France

287,3

Languedoc-Roussillon

85,2

Limousin

22,6

Lorraine

79,5

Midi-Pyrénées

86,3

Nord-Pas-de-Calais

139,5

Basse-Normandie

55,2

Haute-Normandie

80,6

Pays de la Loire

130,7

Picardie

67,1

Poitou-Charentes

69,6

Provence-Alpes-Côte d'Azur

171,2

Rhône-Alpes

168,5

Métropole

1.998,6

Guadeloupe

26,6

Guyane

8,8

Martinique

32,4

Réunion

56,0

Outre-mer

123,8

France entière

2.122,4

* Dotation au titre de la formation professionnelle continue et de l'apprentissage (et formation qualifiante et préqualifiante des jeunes de moins de 26 ans).

Source : ministère de l'Intérieur-DGCL

b) Des interrogations surmontables
(1) Une nécessaire période d'adaptation

L'ensemble des conseils régionaux ont, malgré tout, un jugement sévère sur l'état de la compensation financière due au titre de l'application de l'article 8 de la loi du 13 août 2004.

La collectivité territoriale de Corse observe ainsi qu' « à ce jour, la seule compensation financière prévue et réalisée concerne les primes d'apprentissage, mais dans les autres domaines (VAE, réseaux d'accueil, et SIFE), aucun transfert financier n'est prévu à ce jour. L'accroissement des charges qui ne s'accompagne pas de moyens obère de façon notable la mise en oeuvre de la décentralisation ». Il en conclut qu' « il est bien difficile en l'état actuel de ses ressources d'atteindre les objectifs assignés par la loi ».

Le conseil régional de Haute-Normandie constate qu' « aucune compensation financière relative à ce transfert masqué n'est intervenue puisqu'il y a purement et simplement désengagement de l'Etat ».

Ce jugement général peut apparaître excessif. Si la loi du 13 août 2004 n'a prévu aucune compensation financière au transfert de la formation professionnelle et de l'apprentissage, c'est, selon l'Etat, que l'article 8 de la loi du 13 août 2004 se borne à poser un principe général qui n'est que le rappel des transferts de compétences effectuées depuis 1983. Il n'implique, par conséquent, aucune compensation financière.

Par ailleurs, s'agissant de la gestion des réseaux d'accueil, d'information et d'orientation , elle ne peut être réellement considérée comme une charge supplémentaire nouvelle. En effet, alors que le Gouvernement avait initialement prévu, lors de l'examen du projet de loi relatif aux libertés et responsabilités locales, de confier aux régions la coordination de l'accueil, l'orientation et l'information et l'animation des ML-PAIO, le Sénat a refusé ce transfert : comme l'avait expliqué notre collègue Annick Bocandé, rapporteur du texte pour la commission des Affaires sociales, « dans la mesure où une partie des opérateurs, représentés par le réseau des centres d'information et d'orientation, et celui des directions régionales de l'Office national d'information sur les enseignements et les professions, et la fonction d'orientation de l'AFPA avaient été exclues de la décentralisation, il n'apparaissait pas souhaitable de maintenir, deux réseaux concurrents relevant, soit de la compétence régionale, soit de celle de l'Etat, et ce pour une même population, celle des jeunes. Enfin, dans la mesure où la politique de l'emploi et d'accompagnement vers l'emploi reste aujourd'hui de la responsabilité pleine et entière de l'État, le transfert aux régions de la part des financements que l'État alloue aux missions locales et aux PAIO ne permettrait plus d'activer efficacement une politique nationale pour l'emploi des jeunes ».

Au demeurant, la signature d'un protocole 2005 , en mai dernier par l'Etat, le conseil national des missions locales, l'ARF, l'association des départements de France et l'association des maires de France a permis aux régions de prendre une pleine part dans la définition des compétences des missions locales.

De fait, le problème est moins financier que pratique . Ainsi, légitimement, le conseil régional de la collectivité territoriale de Corse estime que « l'intervention forte de l'Etat sur le réseau d'accueil prive ces dernières d'une appréhension globale du dispositif formation puisque le pilotage de l'amont du système de formation reste de sa compétence ». Le conseil régional d'Ile-de-France déplore également que l'intervention concomitante de l'Etat et des régions, estimant qu' « aucun des deux intervenants n'a de poids financier suffisant pour influer efficacement sur l'action des réseaux et que la juxtaposition des commandes d'origine diverse peut désorienter les équiper charger de les mettre en oeuvre ».

Quant à la gestion des SIFE et des SAE , elle continue de susciter des interrogations réelles de la part des conseils régionaux. Ces derniers affirment que la suppression de ces dispositifs par la loi de cohésion sociale aurait créé des difficultés nouvelles, les demandeurs d'emploi de longue durée auxquels ils s'adressaient se retrouvant sans solution et les conseils régionaux étant tenus de financer des dispositifs supplémentaires à leur intention.

Evoquant une « décentralisation déguisée », le conseil régional d'Ile-de-France estime ainsi qu' « en 2005, le désengagement de l'Etat sur ses stages s'élèvera en Ile-de-France à 72 millions d'euros. Ce désengagement aura pour effet une augmentation des demandes de stages de formation organisés par la région. Or, l'Etat n'a transmis aucune information en ce qui concerne la compensation en recettes pour la prise en compte de l'incidence financière générée par le budget de la région à ce titre ».

Toutefois, il semble excessif de parler de la suppression des SIFE et des SAE puisqu'en réalité, ils ont été remplacés, dans un objectif de simplification, par les contrats initiative-emploi (CIE) dont les crédits n'ont pas été réduits mais confiés au service public régional de l'emploi. De plus, la loi de cohésion sociale a profondément renforcé l'attractivité des CIE qui les remplace. Enfin, le Gouvernement a souhaité  privilégier les dispositifs reposant sur un véritable contrat de travail, ce qui n'était pas le cas des SIFE et des SAE.

Les considérations d'insuffisance financière n'étant, par conséquent, pas en cause, il conviendrait plutôt d'organiser une période transitoire pour permettre aux demandeurs d'emploi de transiter vers les nouveaux contrats d'insertion. L'Etat envisage, par conséquent, de rétablir les crédits des SIFE et des SAE, ce qui amène le conseil régional de Bourgogne à se demander si « les nouveaux moyens accordés récemment à l'AFPA sont une expression de la prise de conscience de ce phénomène par l'Etat ? ». Toutefois, la gestion des crédits des SIFE et des SAE par l'AFPA, en l'absence de toute base légale, n'est pas acceptable du point de vue du principe de légalité comme du risque important de concurrence déloyale que l'AFPA ferait aux organismes privés de formation, présents sur le marché de la formation.

S'agissant de l'apprentissage , certains conseils régionaux estiment que les mesures de la loi de cohésion sociale, notamment l'ouverture des contrats d'apprentissage aux personnes de plus de 25 ans, auront un impact financier direct pour lequel aucune compensation financière n'est prévue. Le conseil régional d'Alsace, estimant que « la liberté donnée par la loi du 13 août 2004 à la région de déterminer les critères de versement de l'aide aux employeurs d'apprentis lui permet certes de faire en sorte que les critères rapportés à la population soient compatibles avec les crédits affectés à la région » affirme, cependant, que « se posera rapidement le problème de l'augmentation des effectifs décidée par le plan de cohésion sociale...Il faudrait donc que les crédits affectés par l'Etat augmentent eux aussi de 40% ».

Votre rapporteur observe que l'importance du budget de l'apprentissage pour 2005 est de nature à apaiser ces inquiétudes :

Les moyens accordés à l'apprentissage dans la LFI 2005

(en millions d'euros)

2004

2005

1/ Crédits État

1.294

1.134

- Transferts aux régions

791

773

- Compensation d'exonérations de charges

2/ Taxe d'apprentissage

1.386

1.428

- Produit de la taxe avant réforme

- Suppression d'exonérations

-

123

- Hausse 0,06 %

-

197

3/ Dépense fiscale

- Crédit d'impôt

-

472

Total

3.431

4.127

(2) Les nouvelles marges de manoeuvre financières des régions

• Le transfert des ressources fiscales de l'Etat

Alors que, dès 1983, les régions se sont vus transférer le produit de la carte grise, elles recevront, à compter de cette année, une partie de la taxe intérieure pour les produits pétroliers (TIPP) 3 ( * ) .

Le remplacement de deux dotations de décentralisation par une taxe additionnelle à la taxe d'apprentissage , décidé dans la loi de finances pour 2005, donne, en outre, des marges de manoeuvre supplémentaires aux régions.

Pour l'instant, cette taxe additionnelle suscite de sérieuses interrogations de la part des régions. Ainsi, le conseil régional d'Alsace estime « n'avoir à ce jour aucune certitude que la taxe additionnelle à la taxe d'apprentissage compensera bien la perte progresse de la DGD. Par ailleurs, cette taxe est très mal vécue par le monde économique qui lui reproche de transférer une charge de l'Etat sur les entreprises. Il faudra faire le point très précis après pleine montée en puissance de ce nouveau dispositif pour vérifier s'il a bien permis de mobiliser plus de financements pour l'apprentissage ».

La région Ile-de-France observe, quant à elle, que « la création de la contribution au développement de l'apprentissage par la loi de finances pour 2005 ne constitue pas une ressource supplémentaire pour les régions, cette contribution assise sur les salaires intervenant en remplacement des crédits qui étaient transférés par l'Etat aux fonds régionaux au titre de la formation professionnelle continue et de l'apprentissage »

La question qui se pose est, en effet, de savoir comment le montant de ces deux dotations, soit 395,83 millions d'euros, sera compensé par une taxe additionnelle payée par les entreprises au titre de l'apprentissage, d'un montant de 197 millions d'euros seulement, dont le paiement définitif n'est prévu que pour 2007.

Le Gouvernement considère que la compensation de la suppression des deux dotations de décentralisation viendra de :

- la récupération par l'État du produit de la suppression de diverses exonérations de la taxe d'apprentissage pour un montant de 123 millions d'euros : en effet, afin de remédier à la complexité de ce système d'exonérations, d'accroître la lisibilité des flux financiers et d'augmenter les ressources de l'apprentissage, le Gouvernement a prévu, dans la loi de cohésion sociale, de limiter le nombre de dépenses directement exonératoires de la taxe précitée en supprimant les exonérations liées aux dépenses occasionnées par la formation des maîtres d'apprentissage et au paiement des salaires des jurys d'examen ;

- la création d'un crédit d'impôt financé par l'État à hauteur de 472 millions d'euros en 2005 en faveur des entreprises qui emploient des apprentis, dans le cadre du projet de loi de programmation pour la cohésion sociale : le crédit d'impôt sera égal à 1.600 euros par apprenti. A partir de 2006, les entreprises qui emploient des apprentis bénéficiant d'un accompagnement personnalisé, pourront bénéficier d'un crédit d'impôt porté à 2.200 euros par an et par apprenti ;

- le financement à hauteur de 10 millions d'euros des exonérations de cotisations sociales en faveur du recrutement en apprentissage des jeunes dans la fonction publique territoriale, hospitalière et d'État ( dispositif PACTE ).

• La mobilisation des ressources propres

Par ailleurs, l'analyse des budgets régionaux montre que les régions ont su dégager des marges de manoeuvre importantes à la fois dans :

- leurs ressources propres : il s'agit de crédits votés par le conseil régional pour le fonctionnement de sa politique de formation et prélevés sur ses propres disponibilités financières ;

- le cofinancement du fonds social européen : il vient contribuer au financement de certains stages proposés par les conseils régionaux ainsi que, pour certains l'apprentissage dans le cadre de l'Objectif 1, 2 et 3 ou du programme d'initiative communautaire EQUAL.

Après l'adoption de la loi du 13 août 2004, les régions n'ont pas remis en cause cette dynamique budgétaire, comme le montre la hausse de près de 20% des crédits de formation et d'apprentissage votés en janvier 2005 par rapport à 2004.

Dépenses pour la formation et l'apprentissage en 2005 (millions d'euros)

Dépenses totales

Évolution
2004/2005

Alsace

89,1

+ 14,9 %

Aquitaine

151,8

+ 16,8 %

Auvergne

70,7

+ 6,1 %

Bourgogne

114,0

+ 86,7 %

Bretagne

142,3

+ 8,1 %

Centre

142,0

+ 4,0 %

Champagne-Ardenne

83,9

+ 36,3 %

Corse

18,9

+ 6,6 %

Franche-Comté

68,7

+ 5,7 %

Ile-de-France

534,6

+ 12,1 %

Languedoc-Roussillon

151,0

+ 35,1 %

Limousin

40,9

+ 9,7 %

Lorraine

95,5

+ 5,9 %

Midi-Pyrénées

168,8

+ 25,0 %

Nord - Pas-de-Calais

187,3

+ 11,8 %

Basse-Normandie

99,5

+ 12,1 %

Haute-Normandie

130,5

+ 7,9 %

Pays-de-Loire

244,7

+ 20,9 %

Picardie

126,5

+ 24,6 %

Poitou-Charentes

102,7

+ 9,1 %

Provence-Alpes-Côte d'Azur

248,7

+ 18,9 %

Rhône-Alpes

270,3

+ 47,1 %

Métropole

3.282,2

+ 18,6 %

Guadeloupe

60,7

+ 97,3 %

Guyane

23,6

+ 26,4 %

Martinique

51,1

+ 6,1 %

Réunion

115,5

+ 30,7 %

Outre-mer

250,9

+ 34,9 %

France entière

3.533,2

+ 19,6 %

Source : ministère de l'Intérieur-DGCL

Par ailleurs, en prenant de nombreuses initiatives en la matière, les régions ont démontré que la politique de formation professionnelle ne dépendait pas exclusivement de considérations financières . Ainsi, en novembre 2002, le conseil régional du Nord-Pas-de-Calais a mis en place une plate-forme régionale d'information sur les métiers pour répondre aux pénuries de main-d'oeuvre. Il a également mis en relation la base nationale de recherche d'emploi de l'ANPE avec le système de gestion de l'offre de formation régionale, le Carif régional.

Dans la région Midi-Pyrénées, une cinquième maison commune emploi-formation a été installée en novembre 2004 dans le cadre des contrats de plan Etat-régions.

Le conseil régional de Poitou-Charentes a lancé en mai 2005 un plan d'urgence destiné à mettre en place une offre de formation qualifiante en direction des personnes les plus éloignées de l'emploi. En matière d'orientation, il a créé un « chèque VAE » qui s'adressera prioritairement aux femmes de plus de cinquante ans.

La région Limousin a signé, en janvier dernier, un protocole d'accord sur l'accueil des demandeurs d'emploi bénéficiaires du plan d'aide au retour à l'emploi (Pare) dans les formations de l'université de Limoges. La région s'est engagée à informer les chômeurs sur le fonctionnement de la VAE en s'appuyant sur l'ensemble des points-relais conseils du Limousin. D'autre part, elle financera 70% des prestations d'accompagnement (soit 2000 euros par candidat).

Au total, l'importance des dépenses que les régions consacrent à la formation professionnelle montre que cette politique leur a semblé une priorité dans laquelle elles sont décidées à mettre les moyens, dans la limite de leurs compétences financières.

3. Des défis plutôt structurels : le transfert des personnels et la régionalisation des crédits de la commande publique à l'AFPA

Si la compensation financière est une réalité, le prochain défi à relever est surtout d'ordre structurel.

a) L'AFPA à la croisée des chemins

La loi du 13 août 2004 a prévu que les crédits de la commande publique à l'AFPA qui étaient antérieurement à la charge de l'Etat (soit 70% du budget de l'AFPA) seront transférés aux régions d'ici 2008, soit 712 millions d'euros. Il convient d'insister sur le fait que sont transférés les crédits de la commande publique à l'AFPA, et non l'AFPA elle-même. A partir de 2008, les régions pourront utiliser ces crédits pour toute commande de formation, auprès de l'organisme public ou privé de leur choix. Il ne s'agit donc pas d'une régionalisation de l'AFPA.

Ce transfert permettra de relever de manière substantielle le financement régional de l'AFPA qui, aujourd'hui, ne représente que 24 millions d'euros (soit à peine plus de 2% des recettes de l'AFPA).

La réalisation des transferts financiers est néanmoins conditionnée à la conclusion d'une convention entre le préfet de région, la région et l'AFPA. Or, seules trois régions ont, à l'heure actuelle, prévu la signature de cette convention en 2006, certains conseils régionaux comme celui de Champagne-Ardenne revendiquant même leur « souhait, pour l'heure, de ne pas s'engager dans une convention avec les représentants de l'Etat ». C'est la raison pour laquelle, à l'heure actuelle, aucun transfert des crédits de l'AFPA n'est encore intervenu.

Etat des lieux des conventions AFPA-Etat-régions

Alsace

Aquitaine

Auvergne

Bourgogne

Bretagne

Centre

Champagne Ardenne

Corse

Franche Comté

Ile de France

Languedoc Roussillon

Limousin

Lorraine

Midi-Pyrénées

Nord Pas de Calais

Basse-Normandie

Haute-Normandie

Pays de Loire

Picardie

Poitou-Charentes

Provence-Alpes-Côte d'Azur

Rhône Alpes

2007

2008

2007

2007

2009

2006

2008

2009

2007

2008

2007

2009

2009

2007

2008

2007

2007

2007

2006

2007

2006

2009

Source : AFPA

Quelles qu'en soient les raisons, l'attentisme des régions ne saurait retarder la signature de ces conventions sans conséquences. Outre que cette situation risque de reporter les transferts des crédits de l'AFPA aux régions, la répartition inégale des centres AFPA sur le territoire national peut porter préjudice à un aménagement équilibré du territoire.

De plus, les performances des AFPA étant inégales d'une région à l'autre, l'AFPA devra relever un défi redoutable, à savoir la survie de certains de ses centres, qui auront beaucoup de mal à fonctionner convenablement sans subvention garantie.

Répartition des centres AFPA dans les régions

Régions

Nombre établissements

Nombre formations

Nombre stagiaires

Alsace

Aquitaine

Auvergne

Bourgogne

Bretagne

Centre

Champagne-Ardenne

Corse

Franche-Comté

Ile-de-France

Languedoc-Roussillon

Limousin

Lorraine

Midi-Pyrénées

Nord - Pas-de-Calais

Basse-Normandie

Haute-Normandie

Pays-de-Loire

Picardie

Poitou-Charentes

Provence-Alpes-Côte d'Azur

Rhône-Alpes

Total métropole

3

7

4

4

9

7

4

2

5

11

7

5

7

7

10

4

3

9

5

5

8

10

136

88

101

80

90

112

103

66

41

70

130

94

119

119

102

144

67

82

162

76

87

139

150

2.222

5.281

5.014

4.243

4.353

12.466

5.850

4.626

1.665

3.728

13.976

6.326

5.840

8.946

6.904

14.177

5.781

4.880

12.889

3.743

5.405

8.250

11.347

154.990

Source : AFPA

De la même manière, les schémas régionaux des formations de l'AFPA devront être rénovés pour en tenir compte, en articulation avec les PRDFP : aujourd'hui, seules six directions régionales de l'AFPA ont signé de nouveaux schémas 4 ( * ) .

Longtemps habituée à ce que l'Etat lui achète ses prestations à prix coûtant, ce qui l'a guère incité à faire des efforts de productivité, l'AFPA ne pourra pas, cette fois, échapper à une nécessaire optimisation de ses outils de formation et une gestion plus souple face non plus à un commanditaire unique qu'était l'Etat mais à 22 régions et à leurs spécificités locales.

En outre, l'invocation de la seule spécificité de son statut sera insuffisante pour lui permettre de faire jeu égal avec les organismes privés de formation et même certains organismes publics comme les GRETA, soumis aux règles du code des marchés publics.

Relevant que le service public de la formation inclut à la fois l'Education nationale avec les GRETA et l'Université, le Ministère de l'Agriculture et celui des affaires maritimes, la collectivité territoriale de Corse s'attend ainsi à ce que « les autres organismes de formation demandent à bénéficier des mêmes facilités que l'AFPA. Ainsi, les organismes privés seraient tout à fait fondés d'attaquer la collectivité territoriale de Corse au tribunal administratif pour non respect de la concurrence au regard des réglementations nationale et européenne ».

Le conseil régional de Haute-Normandie, laissant même entendre que la subvention de l'AFPA ne sera pas nécessairement reconduite, juge que « l'offre de formation de l'AFPA sera attractive lorsqu'elle sera exactement comparable aux autres offres de formation. Aussi, il est normal que cet organisme soit traité comme tous les autres en application et dans le respect du code des marchés publics ».

Par ailleurs, sauf dans la collectivité territoriale de Corse où le matériel de formation appartient à l'AFPA, les crédits d'équipement ne feront pas l'objet de transfert aux régions, de telle sorte que le patrimoine immobilier et les équipements pédagogiques, s'ils seront mis gracieusement à la disposition de l'AFPA, continueront à être gérés par l'État. Si la Direction Générale de l'emploi et de la formation professionnelle (DGEFP) a assuré que l'entretien de ces bâtiments ne coûtera rien aux régions, il s'est déjà engagé à garantir à l'AFPA un minimum de recettes.

De plus, l'AFPA subsistera en tant qu'association nationale, dans la mesure où ses activités liées à la politique de l'emploi continueront de relever des mécanismes actuels. Il s'agit de :

- la construction du projet professionnel des demandeurs d'emploi dans le cadre du plan d'action personnalisé en liaison avec l'ANPE ;

- l'offre de certification diversifiée sur les territoires dans le cadre de la politique du titre ;

- l'accompagnement des mutations économiques et de la reconversion des salariés ;

- la mise en oeuvre de programmes pour les publics spécifiques (détenus, travailleurs handicapés, militaires en reconversion, résidents d'outre-mer).

De fait, on peut s'interroger sur la manière dont l'AFPA pourra justifier son double positionnement, à la fois service public de l'emploi et organisme de formation dans un marché régi par des règles de droit privé.

L'ensemble de ces questions ne doivent pas être négligées par l'AFPA car, déjà de nombreux organismes de formation, peu convaincus des succès revendiqués par l'AFPA, ont engagé des recours contentieux pour concurrence déloyale. De fait, si l'AFPA ne réussit pas à relever les défis actuels et n'évolue pas dans ses relations avec les collectivités territoriales, elle risque de connaître des lendemains difficiles.

b) Des transferts de personnels annoncés

L'article 104 de la loi du 13 août 2004 prévoit que, dans un délai de trois mois à compter de la publication du décret approuvant une convention type, une ou plusieurs conventions, conclues entre le préfet et le représentant de la collectivité territoriale bénéficiaire d'un transfert de compétences, constatent la liste des services ou parties de services mis à disposition. Le décret n° 2005-2 ainsi annoncé est paru le 4 janvier 2005. Si l'on se fie au calendrier annoncé, les conventions de mise à disposition des personnels devraient avoir été conclues depuis début avril 2005.

Toutefois, les conseils régionaux interrogés constatent que l'Etat n'a pas encore répondu aux besoins en moyens humains.

Ainsi, la région Bourgogne observe que la demande d'emplois à temps plein (entre 6 et 8 postes) n'a pas été satisfaite. Celle de Haute-Normandie est en attente de 4 postes.

Cependant, cette situation ne doit pas être mise sur le compte exclusif de la loi du 13 août 2004. Ainsi, alors qu'elle est en attente de 4 emplois équivalent temps plein, la collectivité territoriale de Corse relève qu' « en vingt ans, à part les transferts financiers de la dotation globale de décentralisation, aucun transfert de personnel n'a eu lieu ».

A cet égard, la dernière loi de décentralisation n'ayant pas encore produit tous ses effets, les conseils régionaux eux-mêmes ne sont pas encore dans la capacité d'indiquer précisément le nombre de personnels nécessaires à l'accomplissement de leurs nouvelles compétences . Tous sont néanmoins unanimes pour demander une évaluation des personnels nécessaires.

En ce sens, la parution de plusieurs décrets 5 ( * ) portant sur la mise à disposition des services de l'Etat, la création d'une commission commune Conseil supérieur de la fonction publique d'Etat-Conseil supérieur de la fonction publique territoriale et la commission consultative sur l'évaluation, permettront d'accélérer cette évaluation.

* 2 Le décret, qui doit fixer le montant minimal de la prime d'apprentissage, en application de la loi du 13 août 2004, sera soumis en Conseil d'Etat, après que le Conseil national de la formation professionnelle tout au long de la vie, qui s'est réuni pour la première fois le 20 mai dernier, en ait achevé l'examen.

* 3 Toutefois, la plupart des régions n'ont inscrit aucune ressource, à ce titre, parallèlement à la non inscription des dépenses.

* 4 Bretagne (2002), Nord Pas de Calais (2002), Alsace (2003), Midi-Pyrénées (mai 2003), Pays de la Loire (octobre 2002) et Basse-Normandie (2005).

* 5 Décret n° 2005-2 du 4 janvier 2005 portant approbation de la convention type prévue par l'article 104 de la loi n° 2004-809 du 13 août 2004 relative aux libertés et responsabilités locales et Décret n° 2004-1349 du 9 décembre 2004 portant création de la commission commune de suivi des transferts de personnels entre l'Etat et les collectivités territoriales.

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