II. LES VOIES D'UNE JUSTICE RAPIDE ET ÉQUITABLE

A. L'ADAPTATION DE L'INSTITUTION JUDICIAIRE

L'introduction des procédures accélérées de jugement n'est pas sans conséquence sur le rôle des acteurs de la chaîne pénale, conduits non seulement à faire évoluer leurs pratiques professionnelles mais également à rechercher un nouvel équilibre dans les relations qu'ils nouent entre eux.

1. Un magistrat du siège conforté dans son rôle de garant des droits du justiciable

La mise en oeuvre des procédures accélérées de jugement induit un positionnement nouveau des magistrats du siège au sein de l'institution judiciaire. Comme l'a souligné M. Jean-Louis Nadal, procureur général près la Cour de cassation, il n'est plus fait « appel au juge dans sa fonction « jugeante » mais dans sa fonction d'homologation ou de validation ».

Cette mission a d'ailleurs été consacrée par le Conseil constitutionnel . Dans sa décision n° 95-360 DC du 2 février 1995, celui-ci a en effet censuré le législateur à l'occasion de la première ébauche de la composition pénale (dénommée alors injonction pénale), considérant que le prononcé et l'exécution des mesures concernées « même avec l'accord de la personne susceptible d'être pénalement poursuivie, ne peuvent, s'agissant de la répression de délits de droit commun, intervenir à la seule diligence d'une autorité chargée de l'action publique ». Il avait jugé indispensable que les sanctions proposées par le parquet fassent l'objet d'une décision rendue par une autorité de jugement et qu'un magistrat du siège intervienne.

Le rôle imparti au magistrat du siège dans le cadre de ces nouvelles procédures accélérées en matière pénale n'affecte pas l'exercice de ses prérogatives qui sont autant de garanties pour le justiciable .

D'une part, le refus d'homologation est lourd de contraintes pour le parquet, qui doit alors réviser sa position. Les magistrats du siège sont les seuls à décider de la suite à donner à la proposition du parquet qui ne les lie nullement.

D'autre part, comme l'a souligné M. Bruno Cotte, président de la chambre criminelle de la Cour de cassation, la vérification de la régularité de la procédure constitue une tâche essentielle, plus particulièrement s'agissant des procédures rapides et requiert, à cet égard, un grand professionnalisme. Comme l'ont souligné les magistrats du siège du TGI de Nantes à propos de la CRPC, cet aspect nouveau de la mission du juge est loin d'apparaître réducteur : « la préparation du dossier en amont de la comparution du prévenu permet de contrôler la validité de la procédure et la réalité des faits imputés à l'intéressé ; lors de l'audience, il est demandé au prévenu de confirmer sa reconnaissance des faits et son acceptation de la peine proposée par le parquet. Il est nécessaire d'apprécier la réalité et la sincérité de ce consentement. Cette mission de contrôle de la procédure en ses éléments factuels et légaux est différente de celle évoquée lors d'une audience classique mais essentielle . »

Cette évolution des fonctions dévolues aux magistrats du siège ne semble pas critiquable en tant que telle dès lors qu'elle ne prive pas ces derniers de leur rôle premier qui est de juger . Or, un des objectifs des nouvelles procédures accélérées de jugement est précisément de leur permettre de disposer d'une plus grande disponibilité pour « mieux juger » en se recentrant sur les affaires qui exigent du temps et sur les procédures les plus complexes lorsque les faits sont contestés ou lorsque l'enjeu est plus important au regard de la privation de liberté.

Les représentants du syndicat de la magistrature entendus par la mission estiment au contraire que le rôle des magistrats connaît un affaiblissement regrettable susceptible de créer un déséquilibre institutionnel entre le siège et le parquet.

L'appréciation des magistrats du siège qui appliquent ces procédures au quotidien apparaît nuancée.

Certains magistrats éprouvent des difficultés à trouver leur place dans la composition pénale et considèrent que le rôle le plus intéressant revient aux délégués du procureur qui ont un contact direct avec le mis en cause et peuvent alerter le parquet sur l'inadaptation de la peine. D'autres magistrats ont une position encore plus radicale et estiment que toute sanction doit procéder d'une initiative de l'autorité de jugement.

A contrario , certains magistrats approuvent cette nouvelle forme de réponse pénale, considérant qu'elle s'inscrit harmonieusement dans l'ordonnancement juridique entre le rappel à la loi et l'audience.

De même, la CRPC suscite un même sentiment mitigé chez les magistrats du siège, plusieurs d'entre eux regrettant de n'avoir que le choix d'entériner ou de refuser la proposition du parquet.

Cependant, le rôle du magistrat homologateur est loin d'être seulement formel : il doit non seulement vérifier la régularité de la procédure d'enquête mais aussi la réalité des faits et leur qualification juridique et cette vérification implique que le juge soit intimement convaincu de la culpabilité de l'intéressé et d'accord sur la qualification retenue (art. 459-9 du code de procédure pénale).

Ensuite, le magistrat doit vérifier que la personne reconnaît les faits et accepte la peine proposée (art. 495-11 du code de procédure pénale) ; enfin, il devra examiner la légalité mais aussi la proportionnalité de la peine proposée au regard notamment des circonstances de fait et de la personnalité du délinquant (art. 495-11 du code de procédure pénale).

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