C. L'EUROPE NE FAIT PAS UN USAGE PROTECTIONNISTE DES MESURES ENVIRONNEMENTALES

Les membres de l'OMC doivent notifier les mesures prises en matière d'environnement, de protection du consommateur, entrant dans le cadre des accords sur les mesures sanitaires et phytosanitaires (SPS) et sur les obstacles techniques aux échanges (TBT). Ces notifications sont collectées et analysées par la CNUCED dans le cadre de l'actualisation de sa base TRAINS d'obstacles aux échanges. La CNUCED complète cette première source d'information en s'intéressant également aux barrières imposées par les pays non membres. Les fichiers source de la base MAcMap, développée par l'ITC et le CEPII, contiennent cette information, sans bien entendu pouvoir donner d'équivalent ad valorem de tels obstacles, dont le caractère protectionniste n'est pas nécessairement avéré. Pour chaque barrière commerciale, le pays importateur notifiant une barrière est identifié, le produit affecté est classé selon les codes du Système Harmonisé de classification des échanges et la barrière est enregistrée sous l'un des sept types de mesures non tarifaires suivants :

Les mesures para-tarifaires (surtaxes douanières, charges additionnelles, taxes internes imposées sur les importations) ;

Les mesures de contrôle des prix (prix administrés, restrictions volontaires aux exportations, antidumping, mesures compensatoires) ;

Les mesures financières (paiement en avance requis, taux de change multiples, retards de transferts, etc.) ;

Les concessions automatiques de licence d'importation (licence automatique, inspection préalable) ;

Les mesures de contrôle des quantités (licence non-automatique, incluant les autorisations préalables, quotas, prohibitions, accords de restriction des exportations, restrictions spécifiques à certaines entreprises) ;

Les mesures de type monopolistique (système de distribution unique pour les importations, services nationaux obligatoires) ;

Les mesures de type technique (réglementations techniques, inspection avant transport, formalités de douanes particulières, obligation de retourner les produits utilisés, obligation de recycler).

Au total, 115 mesures affectent potentiellement le commerce international pour des raisons environnementales. Plusieurs travaux, réalisés en collaboration entre le CEPII et l'ITC, ont abordé la question en retenant une approche positive pour déterminer les produits faisant l'objet d'un commerce international présentant un risque (perçu) pour l'environnement. On considère que les produits présentent un risque pour l'environnement dès lors qu'ils font l'objet de barrières aux échanges imposées - et notifiées - sur la base de considérations environnementales. Ainsi, cette approche se fonde sur les perceptions des pays importateurs, telles qu'elles sont rapportées par ces pays dans leurs notifications.

Il apparaît que sur les quelque 5 000 produits échangés dans l'ensemble des secteurs, seuls 1 171 produits ne sont confrontés à aucune mesure environnementale limitant leur commerce. Les produits faisant l'objet d'au moins un obstacle à l'importation à motif environnemental, dans au moins un des pays importateurs, représentent 88% de la valeur du commerce mondial de marchandises. Ainsi, les pays importateurs ont introduit des mesures de type environnemental pour une grande majorité des biens échangés. Pour les trois quarts des produits définis à 6 chiffres dans le Système Harmonisé, au moins l'un des pays importateurs a mis en vigueur une mesure de type environnemental. La grande majorité du commerce international est donc constituée de produits potentiellement affectés par des mesures environnementales (CEPII [7]).

Dans ce contexte, il est intéressant de repérer si l'UE a plus ou moins recours à ces mesures, et si elle en fait un usage protectionniste. Les pratiques protectionnistes des pays importateurs sont révélées à partir d'un critère simple : lorsqu'un produit n'est notifié que par un nombre très réduit de pays (5 au maximum), la présomption d'instrumentalisation des mesures environnementales à des fins protectionnistes est forte. Le cas de l'agriculture est assez symptomatique. Alors que l'UE a une politique de droits de douane assez protectionniste dans ce secteur, comme on l'a vu, sa politique en matière de barrières environnementales apparaît relativement libérale : le nombre de produits affectés est trois fois plus limité que dans des pays de niveau de développement comparable comme les États-Unis ou le Canada. Il en va de même pour la part des importations affectée. Le Japon semble très concerné par les questions environnementales et les invoque en tout cas fréquemment pour mettre en place des barrières aux échanges : trois produits agricoles sur quatre font l'objet d'au moins une mesure environnementale à l'entrée sur le marché japonais.

Il est intéressant de noter que les principaux pays utilisateurs de mesures environnementales aux échanges agricoles ne sont pas nécessairement les plus développés, ce qui jette un doute sur l'argument de préférences pour l'environnement croissant avec le revenu par tête. Ce sont en fait les principaux exportateurs de produits agricoles non européens qui sont concernés, au premier rang desquels le Brésil et l'Argentine. Ce ne sont pas non plus les pays ayant les positions les plus libérales dans les négociations multilatérales sur les échanges agricoles qui utilisent le moins ces mesures : la Nouvelle-Zélande ou l'Australie sont en bonne place, avec les trois quarts de la valeur de leurs importations agricoles affectées.

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