E. VENDREDI 27 JANVIER 2006

1. Transfert d'activités économiques à l'étranger et développement économique européen

L'Assemblée a débattu de la nécessaire attention que les États doivent porter aux salariés licenciés à la suite de transfert d'activités à l'étranger, a été adoptée. Elle ne remet pas en cause la liberté accrue dans les échanges internationaux.

À cette occasion, M. Francis Grignon (UMP - Bas-Rhin) et M. Gilbert Meyer (UMP-Haut-Rhin) se sont exprimés.

M. Francis Grignon, sénateur :

« Monsieur le Président, chers collègues, je souscris aux observations formulées par notre collègue M. Mimica sur les délocalisations industrielles. Je partage la plupart des propositions qui nous sont soumises, sous réserve de quelques réflexions. En effet, nous pouvons d'ores et déjà constater les effets des investissements industriels dans les dix États qui sont devenus membres de l'Union européenne le 1 er mai 2004.

« Le même phénomène s'était produit avec l'adhésion de l'Espagne et du Portugal et ce développement spectaculaire, bien loin d'amoindrir les économies voisines, leur a, au contraire, donné de nouveaux marchés et de nouveaux partenaires. A terme, ce développement sera évidemment favorable aux vieilles économies des États de l'Europe occidentale, puisque nous trouverons dans ces pays de nouveaux clients tandis que le niveau des conditions de production, des salaires, de la protection sociale et des normes environnementales tendra à rejoindre les standards européens. Cela va d'ailleurs tout à fait dans le sens d'une économie ouverte, projetée par les fondateurs du Traité de Rome. J'approuve entièrement le présent projet de résolution, en particulier son paragraphe 5.

« Cet espace commun offre les meilleures chances de rationalisation des processus de production pour atteindre une compétitivité comparable à celle des États-Unis. Je suis persuadé que la concurrence et l'ouverture sont les aiguillons de la meilleure allocation des facteurs économiques, donc, la garantie d'un projet partagé. Cependant, ces «effets vertueux» ne peuvent se produire que dans le cadre d'une concurrence loyale.

« Je comprends l'inquiétude de certains de nos concitoyens lorsque les délocalisations industrielles ont exclusivement pour but de diminuer les coûts de production. Quand il n'y a aucune limitation à l'exploitation des travailleurs, en l'absence de droit syndical, de règles sociales, de normes concernant le respect de l'environnement, comment peut-on qualifier la concurrence de loyale ? La pollution des fleuves entre la Chine et la Russie, par exemple, et, surtout les accidents mortels répétés dans les mines chinoises nous rappellent le retard considérable d'une économie qui draine actuellement une part très importante des investissements industriels.

« Notre rapporteur nous appelle au respect des accords conclus dans le cadre de l'Organisation mondiale du commerce (OMC). Je souscris pleinement à cette invitation, mais je plaide pour que les principes de l'OMC s'articulent avec ceux de l'Organisation internationale du travail ainsi qu'avec les accords internationaux de protection de l'environnement. Par ailleurs, il serait souhaitable que des règles communes soient loyalement appliquées dans les relations du grand marché européen avec ses principaux partenaires, notamment les États-Unis d'Amérique.

« Par exemple, l'accord sur les boissons spiritueuses me semble bien peu équilibré puisque les États-Unis se sont seulement engagés à présenter au Congrès un texte reconnaissant la protection de dix-sept appellations géographiques en faveur de vins ou spiritueux produits en Europe : dix-sept pour tout le continent européen ! Par ailleurs, les États-Unis appellent l'Europe à démanteler toute subvention aux productions agricoles ou agro-industrielles tandis qu'eux-mêmes ont maintenu leurs aides aux producteurs nationaux de coton, tout en sachant que ces aides ruinent l'économie de pays africains qui sont parmi les plus pauvres du monde.

« Enfin, nous devons oeuvrer pour que les autorités européennes évoluent d'un juridisme étroit vers une appréciation plus pragmatique des atouts potentiels de la grande Europe. Il s'agit de ne pas faire une évaluation tatillonne des projets de rapprochement entre les entreprises européennes ni de les accabler de normes indéfiniment additionnées sans concertation internationale. Seule la constitution de champions à la taille des leaders américains et de nouveaux investissements en Inde et en Chine peuvent permettre de faire jeu égal dans le cadre d'une concurrence mondialisée.

« En conclusion, j'adhère entièrement à une Europe économique ouverte à condition qu'elle s'organise véritablement par une politique forte pour effectuer des échanges dans une économie mondiale équitablement régulée. A côté des efforts qui doivent être entrepris dans chaque pays d'Europe en matière de protection sociale, de fiscalité, de formation, d'innovations, il nous faut, pour augmenter notre compétitivité, faire un travail très approfondi en matière de politique économique européenne si nous voulons éviter cette hémorragie des emplois sur notre continent. Le groupe PPE votera bien évidemment cet excellent rapport présenté par M. Mimica. »

M. Gilbert Meyer, député :

« Madame la Présidente, mes chers collègues, la mondialisation est une réalité économique, favorisée par le développement des nouvelles technologies.

« L'un des aspects de cette mondialisation est le transfert des activités de production ou de services, généralement des pays les plus développés vers des pays en croissance économique rapide. Le phénomène est plus connu sous le nom de «délocalisation», comme le souligne M. Mimica dans son excellent rapport.

« L'élargissement de l'Union européenne fait craindre des délocalisations intra européennes vers les pays où la main d'oeuvre est moins chère ou socialement moins protégée. Le déferlement des articles de textiles chinois sur le continent européen inquiète également les producteurs nationaux.

« Le rapport de M. Mimica montre bien qu'il n'est pas question de revenir au protectionnisme qui ne favorise jamais à terme la croissance des économies. L'analyse économique classique montre bien les avantages globaux pour tous les acteurs de la spécialisation, sur la base des avantages comparatifs. Ce point étant acquis, il convient de garder à l'esprit la distinction faite dans le rapport de notre collègue entre les effets au plan macroéconomique et les effets au plan microéconomique des transferts d'activités. C'est le noeud du problème.

« Une économie a globalement intérêt à abandonner des industries devenues obsolètes ou inadaptées au marché mondial. Pourtant, les fermetures d'entreprises et les licenciements qui s'en suivent ont, au contraire, un fort impact économique et social négatif, parfois dans des bassins d'emplois entiers.

« M. Peter Mandelson, commissaire européen au commerce, déclarait, à l'automne 2005, que : «Toute l'Europe devra faire des choix engageant son avenir. Soit elle laisse libre cours aux forces du marché, soit elle tente de résister et se retranche dans le protectionnisme, soit - troisième solution - elle décide de promouvoir son propre modèle qui allie dynamisme économique, ouverture sociale et rôle actif de l'État, tant aux niveaux local que national et européen». Il évoque les conséquences de la libéralisation des échanges sur les populations les plus vulnérables. Il insiste aussi sur la nécessité de favoriser la formation et la reconversion pour accéder aux métiers de demain. La Commission européenne s'est fixée cette tâche à travers le «programme communautaire de Lisbonne pour l'emploi et la croissance».

« Il importe aussi de garder à l'esprit que les avantages comparatifs de certains pays comme la Chine s'obtiennent grâce au concours de travailleurs dont les salaires et les conditions de travail ne sont pas toujours décents.

« Enfin, dans certains secteurs comme la santé ou l'audiovisuel, les règles du libre-échange doivent sans doute être adaptées. C'est aussi l'une des raisons pour lesquelles de nombreuses voix se sont élevées pour amender la directive Bolkestein, dont celle du Président français Jacques Chirac.

« Madame la Présidente, mes chers collègues, si nous voulons continuer de soutenir le processus d'élargissement, il convient de répondre aux inquiétudes de tous ceux qui craignent, à tort ou à raison, d'y perdre. Nos populations sont inquiètes et nous, élus, ne pouvons l'ignorer.

« Le rapport de M. Mimica nous incite donc tous à la réflexion et à l'imagination pour relever le défi des délocalisations. En ce sens, il peut être un élément utile, voire nécessaire, dans l'effort que nous devons entreprendre. Etre solidaire des pays pauvres sans menacer le tissu économique et social de nos pays, tel est le difficile défi que nous devons relever.»

A l'issue de ce débat, l'Assemblée a adopté, une résolution (n° 1484).

2. Conséquences pour l'Europe de la résurgence économique de la Chine

Si elle s'est félicitée du développement économique chinois et de la prospérité qu'il engendre, l'Assemblée s'est dite résolue à multiplier les contacts avec les autorités chinoises, afin de faire progresser les droits de l'Homme dans ce pays.

MM. Gilbert Meyer (UMP - Haut-Rhin), Marc Reymann (UMP - Bas-Rhin) et André Schneider (UMP - Bas-Rhin) se sont exprimés.

M. Gilbert Meyer, député :

« Monsieur le Président, mes chers collègues, les chiffres de la croissance économique chinoise font la «une» des journaux. Le 20 décembre dernier, le pays a réévalué de 16,8% son produit intérieur brut pour 2004. Cette révision résulte du premier recensement de l'économie chinoise, selon lequel la croissance du secteur des services avait été, jusque là, sous-évaluée. A titre de comparaison, la seule valeur de cette réévaluation équivaut à celle de l'économie taïwanaise. Après cette correction, la Chine dépasse l'Italie et se hisse au sixième rang mondial. En 2005, la croissance économique chinoise a été de 9,8 %, contre 9,4% en 2004, selon une estimation officielle provisoire publiée par l'agence Chine nouvelle.

« L'alignement de ces chiffres est impressionnant. Beaucoup d'analystes estiment que la Chine pourrait devancer les États-Unis vers 2035. Au moment où la croissance des économies européennes peine à décoller, il est évident que cette vigoureuse croissance économique chinoise représente pour les pays européens des opportunités en termes de commerce et d'investissement.

« Pourtant, la suppression, le 1 er janvier 2005, des quotas qui s'appliquaient au commerce du textile international a provoqué un afflux sans précédent d'articles d'habillement et de textiles chinois sur le marché mondial. Il a suscité une concurrence difficile pour les autres exportateurs asiatiques et méditerranéens ou les producteurs nationaux, obligeant l'Union européenne à réagir. Ce qui s'est passé pour le textile montre les dangers de l'expansion chinoise pour nos économies. Nous devons rester très vigilants, notamment face aux risques de délocalisation.

« La croissance économique du pays inquiète également par son avidité de matières premières. La Chine est désormais le deuxième importateur mondial de pétrole. La conflictualité latente dans le domaine énergétique inquiète les stratèges chinois comme leurs partenaires internationaux. La taille et l'expansion rapide de l'économie chinoise influencent l'économie mondiale. Elles contraignent les usines, les fournisseurs d'énergie et les investisseurs à s'ajuster à cette situation.

« Si la croissance économique chinoise s'envole, l'inégalité des revenus dans ce pays est l'une des plus importantes au monde. En décembre dernier, le directeur du bureau national des statistiques chinoises a rappelé aux journalistes que la Chine comptait encore cent millions de paysans et qu'en 2004, plus de vingt millions de pauvres dans les villes avaient eu besoin de l'aide financière du Gouvernement. La Chine était, en 2004, selon le classement du FMI, la sixième puissance économique mondiale. Pourtant, son produit intérieur brut par habitant la situe au même niveau que des économies bien moins florissantes, telles que celle de l'Indonésie, du Honduras ou du Sri Lanka.

« Un article récent du quotidien français Le Monde signalait une autre faiblesse. Un rapport de l'Assemblée nationale populaire sur les conditions de l'emploi en Chine souligne que 80% des deux millions d'entreprises chinoises du secteur privé ne respectent pas les droits élémentaires de leurs employés et violent les lois du travail.

« Ces différents traits montrent que la Chine est une puissance à part, atypique. Elle est un acteur économique de poids, mais elle est aussi un pays en voie de développement relativement pauvre et confronté à de nombreux problèmes. Ce nouveau géant économique reste dirigé par un régime communiste encore peu soucieux de la démocratie et des droits de l'homme. Le Conseil de l'Europe a donc là un immense champ d'action. L'excellent rapport de M. Wille insiste d'ailleurs à juste titre sur ce point. »

M. Marc Reymann , député :

« Monsieur le Président, mes chers collègues. A l'automne dernier, la flambée du cours du baril de pétrole a été révélatrice de l'impact formidable qu'exerce sur l'économie mondiale la croissance chinoise. Les chiffres sont là : la contribution de la croissance chinoise à la croissance mondiale a été de 9,5 % entre 2001 et 2004 contre 6,3 % pour l'Europe. C'est pourquoi l'Europe ne peut ignorer cette nouvelle donne et se doit de réagir. Elle ne doit pas non plus pêcher par un excès de pessimisme et voir dans la Chine la source de tous ses maux économiques ; pour autant, elle ne doit pas faire preuve d'un optimisme démesuré en s'imaginant avoir trouvé un nouvel Eldorado pour ses investisseurs.

« L'Europe doit être consciente des dangers que représente la résurgence économique de la Chine. Deux facteurs sont à prendre en compte : le premier réside dans le fait que la Chine ne joue pas avec les mêmes règles du jeu économique. Elle nous offre un paradoxe étonnant : une économie de marché initiée par un régime autoritaire ! Comme le rappelle le rapporteur, en 1978, Den Xiao Ping préconise « une économie de marché socialiste », ce qui se traduira par un secteur public prépondérant. L'économie chinoise reste entre les mains de l'État avec son cortège de défauts tels le favoritisme, la corruption, et la difficulté pour les investisseurs étrangers de prendre des participations dans le capital des sociétés.

« La Chine n'est pas un partenaire économique loyal. Malgré son adhésion à l'OMC, elle ne respecte pas le droit de la propriété industrielle ou des brevets. Dans le meilleur des cas, elle copie ; au pire, elle se livre à des contrefaçons de plus ou moins bonne qualité. L'espionnage industriel fait partie aussi de ses méthodes pour rattraper son retard. La Chine n'est pas un partenaire économique égal. Elle dispose d'un réservoir de main d'oeuvre dans les campagnes ce qui lui permet de bénéficier de coûts salariaux moindres. A cela s'ajoutent l'absence de syndicats et une protection sociale quasi-inexistante. Tout concourt à rendre attractives les exportations chinoises. L'invasion des produits textiles chinois à la suite de l'ouverture du marché européen en a été un exemple frappant.

« Face à ces dangers, l'Europe se doit de réagir et ne peut adopter une attitude frileuse et protectionniste. La Chine représente, en effet, une opportunité pour son économie. Le Président de la commission européenne, José Manuel Barroso, en visite en Chine cet été, a déclaré: «il est important de convaincre nos citoyens que notre partenariat avec la Chine est une grande chance » .

« De par sa démographie, sa taille géographique et son essor économique, elle est d'abord un formidable marché pour les investisseurs et les industriels européens. Cinq pays, dont le Royaume-Uni, l'Allemagne et la France, représentent la moitié des investissements. L'ouverture à la société de consommation d'un marché de 1,3 milliard d'individus et l'émergence d'une bourgeoisie profitent au marché du luxe. Pour les producteurs de cognac, la Chine est une aubaine et Vuitton, notamment, vient d'ouvrir un magasin amiral à Shangaï.

« De plus, la Chine importe des produits et services européens à forte valeur ajoutée. Transports, centrales électriques, techniques de traitement des déchets, les besoins chinois sont inépuisables. Les consortiums européens sont de taille à rivaliser avec les groupes industriels chinois et peuvent remporter les marchés : la vente des Airbus conclue à Paris en décembre dernier en est une belle illustration. L'Europe garde son avance technologique et son savoir-faire.

« Enfin, il ne faut pas oublier que l'importation de biens chinois à bas coûts, si elle détériore la balance commerciale, contribue à favoriser le pouvoir d'achat des ménages européens. L'Europe et la Chine peuvent donc devenir des partenaires commerciaux. Demeure cependant une inconnue : l'expansion économique et la libéralisation de l'économie chinoise peuvent-elles continuer sans démocratisation du pouvoir politique et sans libéralisation de la société ? Telle est la vraie question. »

M. André Schneider, député :

« Monsieur le Président, mes chers collègues, aujourd'hui, Alain Peyrefitte dirait «La Chine s'est réveillée»! Une Chine qui fait peur à l'Europe. Ses exportations déferlent sur les marchés de l'Union européenne. A Noël, les jouets chinois inondaient les rayons des marchands de jouets. Son excédent commercial atteindrait près de 102 milliards de dollars en 2005. Sa croissance, dévoreuse d'énergie, pèse sur le cours des matières premières. A elle seule, la Chine importe 8 % du pétrole mondial et 30 % de l'acier. Cependant, comme le démontre justement le rapporteur, cette nouvelle donne économique peut profiter à l'Europe si elle sait saisir sa chance.

« A s'en tenir aux chiffres bruts, le commerce avec la Chine peut sembler à première vue défavorable aux Européens. A y regarder de plus près, les exportations européennes vers la Chine se composent de produits à forte valeur ajoutée tandis que les exportations chinoises à destination de l'Europe relèvent des biens de consommation courante. Pour schématiser, nous échangeons des Airbus contre des chemises. A titre d'exemple, un secteur dans lequel l'Europe a une carte à jouer est celui de l'environnement. La Chine a besoin d'experts, de savoir-faire dans ce domaine : recyclage des déchets, gestion de l'assainissement, élaboration de plans de prévention de risques naturels. Telles sont les activités dans lesquelles excellent les entreprises européennes.

« Par ailleurs, la Chine accueille favorablement les investissements étrangers; elle n'hésite pas, pour brûler les étapes, à favoriser l'installation d'entreprises étrangères. Ainsi, aujourd'hui, 20 % de la production industrielle chinoise et 54 % de son commerce extérieur sont réalisés par des entreprises à capitaux étrangers.

« On le voit, les opportunités pour s'implanter et commercer en Chine ne manquent pas. Cette menace est aussi un formidable défi pour l'économie européenne. Elle doit lui faire prendre conscience que, pour continuer à exister dans le jeu économique mondial, elle doit s'adapter et s'unir. Seuls des champions européens peuvent rivaliser avec leurs concurrents chinois. Le repli sur soi et le nationalisme économique ne sont d'aucun secours. L'Europe tremble devant la déferlante chinoise. Pourtant, la réussite économique spectaculaire de ce pays ne doit pas occulter ses faiblesses, ce que souligne également le rapport.

« Si la Chine a affiché un taux de croissance de 9,8% en 2005, il est toutefois en baisse par rapport à 2004. La dynamique semble s'essouffler. Les handicaps structurels dont souffre la Chine commencent à freiner ce développement : prépondérance des entreprises publiques, système bancaire inadapté. Une telle croissance intervient au détriment de l'environnement ; catastrophes écologiques, industrialisation à outrance mettent en péril le territoire. Cette expansion oublie les campagnes. Depuis quinze ans, les paysans sont les grands laissés pour compte des réformes. Deux Chine se côtoient et l'écart s'approfondit.

« Plus grave, apparaissent dans les villes les oubliés de la croissance et des chômeurs : la Chine ne peut plus faire l'impasse sur la mise en oeuvre d'une protection sociale moderne, fondée sur les contributions des employeurs et employés. Je conclurai en m'interrogeant sur l'avenir politique de la Chine. Son ouverture sur l'extérieur et sa récente adhésion à l'OMC en est l'illustration, rend plus difficile la pérennité d'un régime autoritaire. Le Conseil de l'Europe et son Assemblée parlementaire doivent encourager le développement d'un État de droit en Chine, condition impérative d'un développement économique durable. Monsieur le rapporteur, bravo pour ce beau rapport que, bien évidemment, je soutiendrai avec enthousiasme. »

A l'issue de ce débat, l'Assemblée a adopté, une résolution (n° 1485).

3. Projet de Protocole sur la prévention des cas d'apatridie en relation avec la succession d'États

Enfin, l'Assemblée a débattu d'un projet de Protocole sur la prévention des cas d'apatridie en relation avec la succession d'États. Il permettra d'éviter les cas d'apatridie en facilitant l'acquisition de la nationalité lorsque, à un État précédemment unifié, succèdent plusieurs entités internationalement reconnues.

Monsieur André Schneider (UMP - Bas-Rhin) s'est exprimé au cours de ce débat.

M. André Schneider, député :

« Monsieur le Président, mes chers collègues. Le terme «apatride» est apparu pour la première fois sous la plume d'un juriste, Charles Claro, dans un article du journal La loi, publié en 1918, devenu plus tard Les petites affiches. Ce terme a rapidement supplanté celui de «Heimatlos» venu de l'allemand et qui avait cours jusque là dans la littérature juridique.

« L'apatridie est hélas un phénomène ancien que l'on rencontre déjà dans le droit romain dans la figure du peregrini sine civitate. La convention de La Haye de 1930 fut la première tentative internationale visant à assurer à chacun une nationalité. L'article 1 dispose en effet que: «Il appartient à chaque État à déterminer, conformément à sa propre législation, qui sont ses citoyens. Cette législation doit être reconnue par les autres États dans la mesure où elle est conforme aux conventions internationales, aux usages internationaux et aux principes de droit généralement reconnus en matière de nationalité».

« L'article 15 de la Déclaration universelle des Droits de l'Homme établit pour chacun le droit à la nationalité puisqu'il dispose que: «Tout individu a droit à une nationalité. Nul ne peut être arbitrairement privé de sa nationalité, ni du droit de changer de nationalité».

« La convention de New-York du 28 septembre 1954 relative au statut des apatrides définit pour la première fois le terme apatride comme étant une personne «qu'aucun État ne considère comme ressortissant par application de la législation». Elle vise à réglementer et améliorer le statut des apatrides. Consciente des difficultés inhérentes à cette condition, la communauté internationale a cherché à établir des mesures visant à éliminer l'apatridie en s'attaquant à ses sources mêmes dans la Convention de New York du 30 août 1961. Les dispositions de cette convention ont pour but d'éviter l'apatridie à la naissance.

« Le droit interne des États, à son tour, prévoit dorénavant des mécanismes juridiques tendant à empêcher la survenance de cas d'apatridie. La législation française, quant à elle, ne génère en principe guère plus de cas d'apatridie ; en revanche, certaines sources internationales persistent malgré les efforts déployés pour les supprimer. Les récentes successions d'États en Europe ont montré que de très nombreuses personnes courent le risque de devenir apatrides, car elles peuvent perdre leur nationalité avant d'en obtenir une autre. C'est pourquoi les États européens ont rédigé un protocole consacré à ces problèmes, en vue de l'ajouter à la Convention européenne sur la nationalité de 1997.

« Le projet de protocole relatif à la prévention des cas d'apatridie en relation avec la succession d'États comporte des règles spécifiques sur la nationalité en cas de succession d'État et devrait être adopté début 2006. La commission des questions juridiques accueille favorablement ce projet de protocole. Malgré de constants efforts, le droit international souffre toujours de lacunes qu'il faut s'efforcer de combler. C'est pourquoi nous devons aujourd'hui nous prononcer sur ce texte.

« N'oublions jamais que, derrière des situations juridiques parfois inextricables, on trouve de terribles souffrances humaines. Ceux d'entre nous qui sont citoyens d'un pays ont tendance à considérer comme allant de soi les droits et obligations que nous confère la citoyenneté. Mais comment les personnes qui n'ont pas de nationalité, les apatrides, vivent-elles ?

« Permettez-moi pour conclure de citer ce témoignage figurant dans un document du HCR à l'intention des parlementaires sur l'apatridie. Une ancienne apatride dénommée Lara dit ceci: «S'entendre dire non par le pays où je vis ; s'entendre dire non par le pays où je suis née ; s'entendre dire non par le pays d'où mes parents sont originaires ; s'entendre dire encore et encore «vous n'êtes pas des nôtres»! On a l'impression de ne plus exister, de ne plus savoir même pourquoi on vit. Être apatride, c'est avoir en permanence le sentiment d'être sans valeur. »

A l'issue de ce débat, l'Assemblée donné un avis (n° 258) favorable au projet de Protocole.

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