2. Les régularisations ponctuelles

Existant sous des formes diverses dans la plupart des pays, les procédures de régularisations individuelles ou « au cas par cas » s'avèrent souvent indispensables et ne présentent pas, dans un espace communautaire ouvert, les mêmes risques de déstabilisation et de transferts de population que les régulations collectives.

Elles n'en sont pas moins d'un maniement délicat, d'une part parce qu'elles peuvent aussi constituer un signal d'encouragement à l'immigration irrégulière et, d'autre part, en raison de la difficulté à assurer, dans la pratique administrative quotidienne, un traitement suffisamment homogène des demandes.

a) L'encadrement législatif des régularisations individuelles

C'est tout naturellement au législateur qu'il appartient de fixer les règles générales permettant d'encadrer les régularisations ponctuelles.

A cet égard on peut rappeler les préoccupations relatives à la situation des étrangers « ni régularisables, ni expulsables » qui ont conduit le législateur, en 1997 (loi dite « Debré » du 24 avril 1997 portant diverses dispositions relatives à l'immigration) puis en 1998 (loi dite « RESEDA » du 11 mai 1998 relative à l'entrée et au séjour des étrangers en France et au droit d'asile), à définir, par référence aux dispositions de l'article 8 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, des dispositions prévoyant la délivrance de plein droit de cartes de séjour temporaires « vie privé et familiale » afin de régler un certain nombre de situations complexes concernant des étrangers ne pouvant ni bénéficier d'un titre de séjour ni faire l'objet d'une mesure d'éloignement.

L'exercice est cependant difficile, comme l'illustrent les dispositions de la loi dite « RESEDA », désormais codifiées au 3° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, qui permettent à l'étranger qui justifie résider en France depuis plus de 10 ans, ou plus de 15 ans si au cours de cette période il a séjourné en qualité d'étudiant, d'obtenir de plein droit une carte de séjour temporaire « vie privée et familiale ».

On sait que le projet de loi relatif à l'immigration et à l'intégration propose la suppression de cette disposition, qui bénéficie en moyenne à quelque 2.000 étrangers par an, mais qui a probablement été aussi à l'origine de bien des espoirs déçus, en raison de la difficulté concrète de faire valoir le « droit » qu'elle définit. On mesure en effet toute la difficulté, pour un étranger arrivé jeune adulte en France, de présenter les justifications exigées s'il a vécu 10 ans dans la précarité, sans emploi légal, sans couverture sociale, dans des logements de fortune.

De même peut-on s'interroger, comme le faisait le rapport de la Cour des comptes, sur les stratégies familiales, fréquemment inspirées par des réseaux de passeurs, qui ont été à l'origine, avant la modification en 2003 de l'article 21-12 du code civil, de nombreux cas de mineurs isolés d'origine chinoise ou indienne envoyés en France pour profiter de l'opportunité d'acquérir la nationalité française avant leur majorité.

On peut donc préférer à des dispositions de cette nature, dont l'application peut parfois trahir les intentions généreuses qui avaient présidé à leur adoption, des mesures de portée peut-être moins ambitieuse mais qui ont le mérite d'apporter des réponses concrètes à des problèmes précis, telles certaines de celles prévues par le projet de loi relatif à l'immigration à l'intégration pour assurer la transposition de textes communautaires :

- l'extension du regroupement familial aux ascendants au premier degré des mineurs isolés ayant obtenu le statut de réfugié ;

- la délivrance d'un titre de séjour aux victimes d'atteintes à la dignité humaine (esclavagisme, exploitation de la mendicité...) qui témoignent ou portent plainte contre leurs exploitants.

b) L'harmonisation des pratiques préfectorales en matière de régularisation des étrangers

Plusieurs interlocuteurs de la commission d'enquête ont soulevé le problème de la divergence des pratiques préfectorales en matière de régularisation des étrangers.

Interrogé sur ce point par la commission d'enquête, le ministère de l'intérieur a fait état de l'intervention des nombreuses circulaires diffusées aux préfectures afin de préciser les modalités d'instruction des demandes d'admission au séjour des étrangers en situation irrégulière, à la lumière notamment de l'évolution de la jurisprudence administrative, et de recommander l'instauration d'un dialogue avec les collectives et associations de défenses des étrangers.

Il a également rappelé le pouvoir d'appréciation dont peuvent user les préfets, dans des situations particulièrement dignes d'intérêt, pour admettre au séjour des étrangers en dehors des critères légaux, sur la base de considérations humanitaires.

Deux circulaires du 19 décembre 2002 et du 30 octobre 2004 ont à cet égard donné des exemples de situations pouvant justifier l'usage de ce pouvoir d'appréciation. Elles concernent :

- les étrangers accompagnant des personnes malades ou handicapées de nationalité française ou régulièrement installées en France ;

- les femmes victimes de violences conjugales, de mariage forcé ou de répudiation ;

- les situations humanitaires de familles démontrant une volonté forte d'intégration au regard notamment de l'ancienneté de leur séjour habituel sur le territoire français, de leur niveau d'insertion dans la société française et de la scolarisation des enfants.

A cet égard, la commission d'enquête souhaiterait insister tout particulièrement sur la priorité qui lui paraît devoir être reconnue aux intérêts des enfants en cours de scolarité ou de formation, dont le retour dans le pays d'origine de leurs parents risque de compromettre irréparablement l'avenir personnel et professionnel.

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