II. LES RISQUES LIÉES À L'AGGRAVATION DES INÉGALITÉS SOCIALES ET L'HYPOTHÈQUE DÉMOGRAPHIQUE

A. UNE AGGRAVATION ALARMANTE DES INÉGALITÉS SOCIALES

Il est logique qu'en période de transition économique et de croissance économique accélérée, on constate une aggravation des inégalités, mais celle-ci prend, en Chine, des proportions alarmantes et à des niveaux multiples : entre le milieu urbain et rural, mais aussi au niveau géographique et selon les catégories socioprofessionnelles.

1. L'aggravation des inégalités entre ville et campagne

Force est de constater que les campagnes sont depuis 15 ans les laissées-pour-compte des réformes conduites en Chine.

Après une première phase (1978-1984) de réformes agricoles, marquée par la hausse des revenus paysans, l'essentiel des incitations économiques a porté sur le développement de l'industrie manufacturière. Ce choix économique s'est traduit par le déclin du revenu rural depuis 1985 .

Certes, entre 1985 et 2003, le revenu net des ménages paysans a augmenté de 4,1 % par an en moyenne, mais dans le même temps, le revenu urbain augmentait de 6,7 % par an.

En 2004, le revenu rural moyen est de 300 euros/capita/an contre 950 en milieu urbain.

L'une des principales explications de ce phénomène provient de l'accroissement des prélèvements et impôts du fait des administrations locales, y compris de manière illégale. On estime que les campagnes versent au budget central, par leurs contributions, trois fois plus qu'elles n'en reçoivent .

- Ce système de contributions fiscales a, en quelque sorte, remplacé les prélèvements indirects opérés à travers l'obligation faite aux agriculteurs de livrer des quotas de grains payés à des prix administratifs bas.

Le système du « double rail » mis en place en 1985 avec un prix administré de quotas et un prix de marché pour les ventes hors quotas a entraîné des mouvements de spéculation et de stockage et l'implosion du système, les prix du marché devenant, à partir de 1997, inférieurs à ceux des quotas. Après l'échec d'une politique de prix de soutien, l'Etat a libéralisé progressivement le marché domestique des grains, et depuis 2004, les quotas sont totalement supprimés. Ceci coïncide avec l'ouverture des frontières du fait de l'adhésion de la Chine à l'OMC.

- Le « fardeau paysan » fiscal se composait, jusqu'en 2005, des taxes agricoles et para-agricoles versées au district, des « prélèvements unifiés » versés aux cantons et des « retenues » versées aux villages. En outre, s'y ajoutaient des frais administratifs, des amendes et des surtaxes diverses.

En 2001, selon les données officielles de l'Annuaire agricole en Chine, le « fardeau paysan » était évalué à 15,7 milliards de dollars 18 ( * ) , soit 78,6 dollars par ménage par an, représentant 6,4 % de son revenu net avant impôt. Mais en réalité, le montant total des impôts prélevés, y compris les taxes et prélèvements illégaux, dépassait probablement les 24,15 milliards de dollars, soit plus de 120,77 dollars par foyer ou près de 10 % du revenu net.

Il convient en outre de souligner qu'il s'agit d'évaluations moyennes pour toute la Chine. Dans les districts de l'intérieur, dans lesquels les gouvernements locaux perçoivent peu de revenus fiscaux non agricoles, la pression fiscale est proportionnellement beaucoup plus forte et peut atteindre jusqu'au quart des revenus monétaires.

- Conscient des risques engendrés par cette situation, le Gouvernement a tenté des réformes importantes pour alléger la fiscalité sur les revenus paysans.

A partir de 2001, une taxe agricole unique a été progressivement mise en place. Fixée à 7 % de la valeur de la production agricole, elle remplace la taxe versée au district et celle versée au canton, les retenues villageoises devenant une taxe additionnelle limitée à 20 % de la nouvelle taxe agricole. En 2003, celle-ci représentait 10,5 milliards de dollars et elle a été à son tour progressivement supprimée. Au 1 er janvier 2006, la Chine a en effet aboli l'impôt agricole, payé sur les céréales, vieux de 2.600 ans, les pertes des gouvernements locaux étant compensées par des transferts des budgets central et provincial. Ainsi, le budget central pour 2005 prévoyait-il un transfert de 81,16 milliards de dollars vers les provinces, avec une priorité pour le Centre-Ouest, chiffre en augmentation de 12 % par rapport à 2004.

Mais du fait des réformes évoquées ci-dessus, l'impôt agricole ne représente tout au plus que 5 % du revenu paysan en 2005. La question demeure entière s'agissant de la perspective des autres formes de prélèvements fiscaux opérés localement.

* 18 Sur la base d'une parité fixée depuis 1994 à 1 dollar pour 8,28 yuans. En juillet 2005, la réévaluation de 2,1 % a fixé la monnaie chinoise à 8,11 yuans pour 1 dollar.

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