B. L'ARCHITECTURE : ENTRE DESTRUCTION, CONSERVATION ET AVANT-GARDISME

1. Un patrimoine traditionnel en souffrance

a) Des destructions massives

Les grandes villes chinoises vivent, et l'on pourrait parfois dire qu'elles subissent, des métamorphoses impressionnantes.

Les membres de la délégation connaissant déjà la Chine ont été à la fois surpris et impressionnés par l'ampleur et la rapidité de ces transformations.

Si elles traduisent indubitablement le dynamisme économique du pays, celles-ci suscitent néanmoins la stupéfaction des visiteurs européens - soucieux de la préservation du patrimoine - face aux destructions massives qu'entraîne la fièvre immobilière chinoise.

A une vitesse déconcertante, bulldozers et grues travaillent depuis des années à faire table rase du passé architectural du pays pour donner naissance à des « forêts » d'immeubles. C'est ainsi que Pékin s'agrandit d'un nouveau périphérique tous les deux ou trois ans environ. Tandis que Shanghai est passée de 5 à 18 millions d'habitants en 30 ans, elle voit « fleurir » l'équivalent d'un immeuble de 30 étages quasiment toutes les 36 heures... Le Park Hotel (construit en 1934) était le point culminant de Shanghai en 1990 ; depuis, on y a bâti plus de 1 000 tours de 30 étages !

M. Pierre Gentelle, agrégé de géographie, directeur de recherche émérite au CNRS, décrit ce phénomène dans ces termes 16 ( * ) : « A Pékin, les derniers quartiers insalubres de siheyuan (maisons sur cour à quatre côtés sans étage) et de hutong (ruelles aux murs aveugles joignant les siheyuan) rappellent que le coeur de la ville, bâtie sur un plan dû aux Mongols au XIII e siècle, était constitué de maisons en bois du XVIII e siècle, à une époque où les chinois avaient été priés de quitter la ville manu militari pour laisser la place aux nouveaux maîtres mandchous. Les promoteurs, nouveaux riches soutenus à la fois par les autorités locales et par la nouvelle bourgeoisie, expulsent sans ménagement les miséreux ou les artistes qui occupent les espaces convoités du centre-ville. Le Pékin nouveau donne dans le kitsch, la démesure et le clinquant. »

b) Une préoccupation récente de conservation

Les autorités chinoises semblent désormais soucieuses de la préservation du patrimoine.

Début mai 2005, une dépêche de l'Agence France Presse (AFP) indiquait que les habitants de Pékin dégradant le patrimoine historique de la ville, se verraient infliger des amendes allant jusqu'à 200 000 yuans (18 800 euros).

Par ailleurs, l'Institut national du patrimoine français a établi avec la Chine un plan de coopération sur trois ans, afin de contribuer à la formation de conservateurs du patrimoine.

De fait, les membres de la délégation ont constaté - pour s'en réjouir - une évolution de la politique architecturale. Désormais, certains quartiers de hutong sont préservés à Pékin. Ils sont rénovés et réhabilités, à tel point que l'un d'entre eux, visité par la délégation, est apparu méconnaissable à ceux l'ayant parcouru deux ans auparavant...

On peut penser que ces réhabilitations - malheureusement peu nombreuses - sont inspirées à la fois par des considérations de salubrité publique et d'apaisement social, les mouvements de contestation se multipliant contre les expulsions d'habitants liées aux démolitions, mais aussi par un intérêt touristique bien compris. Il est certain que les touristes étrangers sont davantage attirés par le charme de ces quartiers que par les immeubles souvent banals qui peuplent désormais les villes chinoises.

* 16 Article de M. Pierre Gentelle dans la revue « Questions internationales » n° 6 de mars-avril 2004.

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