TRAVAUX DE LA COMMISSION

I. AUDITION DU MINISTRE

Audition de M. Xavier BERTRAND, ministre de la santé et des solidarités (mardi 11 avril 2006)

M. Gilbert BARBIER, président - Notre commission arrive aujourd'hui au terme de ses auditions. Nous en avons réalisé trente-six, ce qui nous a permis de balayer assez largement la problématique du médicament. Comme vous le savez, nous avons envisagé cette mission sous les quatre angles suivants :


• le rôle de l'Afssaps ;


• l'indépendance et les conflits d'intérêt en matière d'expertise ;


• l'information du corps médical (charte du visiteur médical) ;


• la qualité et l'efficacité des études post AMM.

Nous avons également évoqué un dernier dossier indirectement lié à celui des médicaments. Il s'agissait en effet de la problématique des produits de santé, des dispositifs médicaux et du matériel qui échappent au contrôle faute de passer par le dispositif habituel. Si vous le voulez bien, je vais dès à présent céder la parole aux deux rapporteurs.

Mme Marie-Thérèse HERMANGE, rapporteur - Sans doute est-ce parce que nous sommes des femmes que nous sommes deux à avoir été nommées ! Nous redoublerons de force et non de faiblesse.

M. Xavier BERTRAND, ministre de la santé et des solidarités - Ayant parcouru avec attention un certain nombre des auditions effectuées, je voudrais, en préambule et sans prétendre à l'exhaustivité, vous faire partager la lecture du ministère concernant le médicament. Les récents événements ayant touché les médicaments nouvellement commercialisés - je fais notamment allusion à l'affaire du Vioxx - ont fait émerger de nombreuses questions sur les méthodes et la qualité de l'évaluation du médicament en France et en Europe. Quelques observations tout d'abord : l'affaire Vioxx nous a permis de constater que la France avait été la première à s'interroger et à interroger l'Europe sur la tolérance de cette classe de médicaments. A l'époque, sa démarche fut critiquée. Nous avons cependant observé que notre réglementation sur la publicité a permis de mieux encadrer l'usage du produit dans des limites de doses ou de durée raisonnables, et nous a probablement permis d'éviter les problèmes de grande ampleur rencontrés par certains pays. Ce n'est pas pour autant que nous ne devons pas nous livrer à un réexamen de nos choix en ce domaine en nous demandant si nous avons clairement mis en place les moyens d'une évaluation suffisamment rigoureuse, impartiale, efficace et continue.

Je voudrais souligner les progrès qui sont en train de se réaliser tant en matière de formation et d'information des médecins qu'en termes de transparence des décisions. Ces deux dernières années ont vu, avec la mise en oeuvre de la réforme de l'assurance maladie, l'installation de la Haute Autorité de santé, la mise en place d'un encadrement de la visite médicale, celle du cadre de la formation médicale continue et de sa valorisation, l'instauration d'une procédure rigoureuse de gestion des experts par l'Afssaps, Les procédures sont également plus transparentes, puisque l'Afssaps rend désormais publics progressivement les débats des commissions et les appels à candidature de leurs membres. Surtout, le nouveau cadre des plans de gestion et de minimisation des risques qui, complétant le dispositif existant de pharmacovigilance, permet de mieux évaluer les médicaments, en particulier lors des premières années de leur commercialisation et de remettre éventuellement en cause leur intérêt à tout moment Ce sont autant de progrès qui nous permettent d'augmenter la qualité et la transparence de l'évaluation. Je voudrais également souligner la qualité du travail d'investigation qui est mené. J'ignorais que cette audition était la 36 e que vous réalisiez. Je suis néanmoins certain que les conclusions que vous tirerez de ce long travail nous aideront également pour aller vers encore davantage de qualité.

Je souhaite tout d'abord redire clairement ma conviction : la structure actuelle du système français d'évaluation du médicament est légitime. Ce dernier peut apparaître comme différent de ceux en vigueur dans d'autres pays. Je pense cependant que, sur le fond, tous les systèmes d'évaluation du médicament répondent aux mêmes questions, avec des méthodes proches. La décision de mettre un médicament à disposition de la collectivité, c'est-à-dire de le rembourser, doit reposer et repose chez nous sur une succession d'évaluations et de critères qui ne peuvent être confondus et qui s'enchaînent logiquement. Il s'agit d'abord des évaluations scientifiques, qui concernent la sécurité et l'efficacité du médicament, puis celles de son service rendu et de sa valeur thérapeutique ajoutée. Les unes répondent à la question de la sécurité sanitaire ; les autres permettent de classer les médicaments en fonction de critères qui vont bien au-delà du rapport bénéfice/risque tels que notamment la gravité de la maladie ou l'intérêt en termes de santé publique. En effet, recourir à un classement en fonction du seul rapport bénéfice/risque revient à ignorer une grande partie des autres questions que nous sommes en droit de nous poser sur l'intérêt thérapeutique d'un médicament.

La décision de rembourser repose également sur des critères économiques pour fixer le prix et l'acceptabilité du prix par la collectivité en fonction de la valeur thérapeutique du médicament. Cette décision relève également d'un choix public, qui est celui de ce que nous estimons utile et nécessaire pour la santé de nos concitoyens. Les différentes étapes de l'évaluation sont donc nécessaires et complémentaires. Les instances qui les examinent s'articulent, que ce soit la commission de transparence qui s'appuie sur l'AMM pour évaluer les données d'efficacité et de tolérance ou le CEPS qui se fonde sur l'avis de la commission de transparence pour fixer le prix. La HAS et l'Afssaps se coordonnent lorsque c'est nécessaire, par exemple en cas de demande d'étude post-inscription. Quant à la synthèse de ces avis, vous savez qu'elle appartient au ministre qui puise en chacun de ses avis des motifs d'inscription au remboursement.

Je suis conscient des interrogations autour de l'apparente absence de sélectivité des inscriptions au remboursement des médicaments. Je sais que ce sujet a largement alimenté les débats de cette commission. La sélection des médicaments à prendre en charge est une question de politique de santé qui ne peut pas être résolue simplement et seulement par les données scientifiques ou seulement par des calculs économiques ou financiers. C'est une décision qui engage en effet les choix de politique de santé. Plusieurs questions doivent donc être posées avant d'envisager des méthodes ou des procédures nouvelles. La première est de savoir très franchement si notre pays est prêt à accepter que l'on refuse d'inscrire des médicaments indiqués dans une pathologie au motif qu'il existe déjà un ou plusieurs médicaments ayant cette indication. Sommes-nous prêts à le faire ? Je pense que tel n'est pas le cas, car, aujourd'hui, toute innovation même modeste est supposée devoir être rendue accessible à tous. Que l'on hiérarchise au sein d'une classe en fonction de la valeur thérapeutique ajoutée est acceptable, mais que l'on discrimine au sein d'une classe entre des médicaments équivalents a priori paraît moins admissible pour de nombreux observateurs.

Je vois également un certain nombre de dangers à la sélection entre médicaments équivalents si elle était décrétée comme une règle générale. Je passerai rapidement sur les écueils juridiques, qui sont pourtant de taille. En l'état actuel des textes nationaux et communautaires, il faut en effet pouvoir motiver scientifiquement ou économiquement le fait qu'une molécule identique mais moins chère ne puisse pas accéder au marché. Il existe également des difficultés de mise en oeuvre. A partir de combien de molécules considérerait-on que le besoin thérapeutique est couvert et que l'on doit arrêter d'inscrire les produits. Un autre danger existe : celui de voir une course à la première AMM se faisant de plus en plus radicale au détriment de la qualité des dossiers. Dans ces conditions, il apparaît que la seule discrimination au sein des classes doit être celle que nous opérons déjà par les prix, laquelle est d'ailleurs prévue par les textes. Si un nouveau médicament arrive qui n'apporte rien de plus que les précédents, il doit donc apporter des économies pour l'assurance maladie Obligatoire, faute de quoi il ne sera pas inscrit. Ces nouvelles inscriptions permettent donc d'élargir le choix thérapeutique des médecins à un prix moindre pour un service équivalent. Ainsi, la dernière statine inscrite l'a été au prix des génériques de la première. Elle apporte par conséquent une alternative nettement moins chère que les médicaments restant brevetés.

Il est certain qu'une molécule nouvelle peut toujours élargir le marché. Cependant ce risque est d'ores et déjà pris en compte lors de la fixation du prix. En revanche, il serait légitime que les nouveaux produits, qui n'auraient pas d'ASMR et pourraient entraîner une perte de chance par rapport aux thérapies existantes, ne soient pas inscrits. Le décret transparence en préparation précisera la possibilité pour la commission de donner des avis en ce sens. Je souhaite également profiter de la mise à jour de ce décret sur la transparence pour doter cette commission de critères supplémentaires qui permettraient aux décideurs de mieux distinguer les produits prioritaires des produits non prioritaires grâce à des motifs explicites ayant trait autant à l'intérêt clinique du produit qu'à son intérêt pour la santé publique ou pour la collectivité.

Enfin, je voudrais réaffirmer mon engagement pour que les véritables innovations soient discernées et mises à disposition des patients dans les meilleures conditions, c'est-à-dire sans délai et avec les meilleures garanties de sécurité à chaque étape. C'est l'objectif des mesures prises dans le cadre du comité stratégique pour l'industrie de façon à favoriser l'innovation, et aussi de la mise en place des études post-AMM ainsi que les plans de gestion et de minimisation des risques. Je voudrais rappeler que chaque année, en France, près de 150 médicaments nouveaux sont inscrits au remboursement pour près de 1 milliard d'euros. Certains d'entre eux comme les biothérapies dans la polyarthrite rhumatoïde ont profondément modifié la vie quotidienne des patients, quand bien même le coût de ce traitement est de 1.375 euros par mois. Vous connaissez également le médicament qui a permis de réduire de 50 % le taux de rechute des femmes atteintes d'un cancer du sein. Il s'agit également d'un traitement dont le coût s'élève à 1.500 euros par mois. Voilà aujourd'hui ce que, dans notre pays, nous sommes capables de prendre en charge.

Je suis néanmoins conscient que des progrès restent à faire dans notre système d'évaluation, notamment pour améliorer la situation de l'expertise et, plus globalement, pour aller plus loin dans l'encadrement de l'intervention de l'industrie pharmaceutique dans la formation médicale continue. Le plus urgent concerne les experts. Nous leur imposons à juste titre des contraintes de plus en plus rigoureuses. Nous savons qu'ils ont également besoin de reconnaissance de leur travail. Je souhaite faire rapidement des propositions pour un véritable statut de l'expert avec une reconnaissance dans leur carrière de leur action de service public. De la même façon, je veux aller plus loin dans l'encadrement de la FMC et notamment de l'intervention de l'industrie pharmaceutique. Est-il raisonnable et réaliste de vouloir supprimer tous les partenariats dans la formation médicale continue, qu'il s'agisse de l'industrie pharmaceutique ou d'autres partenaires ? Mon objectif est plutôt d'encadrer leur intervention en fixant des règles qui permettront d'en garantir les limites. Je souhaite, plutôt que de multiplier les interdits, apporter aux médecins une véritable formation critique. Je souhaite enfin que l'évaluation des médicaments en situation réelle ne soit pas dépendante de la seule industrie pharmaceutique. L'expérience du Vioxx, des THS, de la Cérivastatine, montre que les autorités n'ont, à l'époque, pas pu se donner les moyens d'une évaluation rapide des risques. Les initiatives publiques, dans les cadres dont nous disposons actuellement - PHRC ou agence nationale de recherche - ont un délai de mise en oeuvre qui ne permet pas une réaction rapide. Je souhaite par conséquent que nous puissions également installer un fonds public d'intervention sur le médicament qui permettrait d'engager des études plus rapidement, dès qu'un doute sur la réalité du rapport bénéfice/risque est avéré.

Voilà ce que je voulais souligner en introduction, monsieur le président et mesdames et messieurs les commissaires, car je crois avoir constaté que les sujets que j'ai voulu aborder avaient fait l'objet d'autant de questions et d'attention de votre part.

M. Gilbert BARBIER, président - Nous vous remercions monsieur le ministre. Vous avez effectivement balayé le champ de notre mission en apportant un certain nombre de réponses. Peut-être certaines paraîtront-elles trop rapides aux yeux des rapporteurs à qui nous allons sans plus attendre céder la parole.

Mme Marie-Thérèse HERMANGE, rapporteur - En quoi la directive 2004/24/CE et le règlement n° 726/2004 du 31 mars 2004 sont-ils de nature à améliorer l'examen et le suivi de l'AMM des médicaments ? Quel est le calendrier prévu pour la transposition de cette directive en droit interne ? Le ministère incite-t-il d'ores et déjà les agences à appliquer certaines dispositions notamment en matière de publicité des travaux ? Est-il prévu d'aller plus loin, à l'occasion de la transposition législative des dispositions, que les notions communautaires « d'efficacité » et de « qualité pharmaceutique » des médicaments pour leur préférer l'analyse systématique de la « valeur thérapeutique ajoutée » ? Une audition nous a permis de constater que l'ensemble des AMM était autorisé à partir d'un modèle de connaissances élaboré sur le modèle pasteurien, c'est-à-dire sur des prises relativement réduites de médicaments. Or, aujourd'hui, une majorité de la population est amenée à prendre des médicaments sur le long terme. Ne faut-il pas réfléchir à la notion de « valeur thérapeutique ajoutée » au regard de l'observation qui nous a été faite et qui a peut-être plus de conséquence que nous ne l'imaginons sur la notion d'AMM et de post AMM ?

M. Xavier BERTRAND, ministre de la santé et des solidarités - La transposition de la directive a pris du temps, notamment parce qu'un certain nombre de questions d'interprétation ont dû être tranchées au niveau de la commission européenne, et que ces avis n'ont été obtenus qu'à l'automne 2005. Il reste également à vaincre un certain « embouteillage » parlementaire. Nous sommes intervenus à différentes reprises auprès d'Henri Cuq, le ministre chargé des relations avec le Parlement, pour que ce texte soit rapidement inscrit à l'ordre du jour. Le projet de loi est actuellement en cours d'examen au Conseil d'Etat. Il est aujourd'hui, mardi 11 avril, soumis en section sociale. Nous espérons être en mesure de le passer en Conseil des ministres dans le courant du mois de mai en vue d'une adoption définitive avant la fin de l'année 2006. J'ai repris une formule dont l'efficacité a été prouvée à l'occasion de la réforme des retraites et qui consiste à préparer les décrets en parallèle du projet de loi. Nous devrions par conséquent être en mesure de publier les décrets moins de trois mois après la promulgation de la loi.

Je pense notamment à l'introduction des plans de gestion du risque et au renforcement de la pharmacovigilance dans le cadre desdits plans et de la réévaluation du bénéfice/risque en post AMM. Je suis en effet très attaché à la pharmacovigilance. J'ai notamment été saisi ces jours derniers d'un sujet qui intéresse particulièrement la population dont Anne-Marie Payet est la représentante et qui concerne un certain nombre de molécules pour lesquelles il convient de renforcer la pharmacovigilance. Deux articles ont particulièrement un impact sur le renforcement de l'expertise, mais je tiens à noter que, sans attendre la directive, ces mesures sont déjà appliquées ou en cours de mise en oeuvre en France. Il s'agit notamment de la mention disposant que les Etats membres veillent à ce que les experts contribuant à l'autorisation et au contrôle des médicaments n'aient dans l'industrie pharmaceutique aucun intérêt financier ou autre qui pourrait nuire à leur impartialité des mesures relatives à la transparence des débats et des votes sont déjà en cours de mise en place..

M. François AUTAIN - Nous ne nous en étions pas aperçus.

M. Xavier BERTRAND, ministre de la santé et des solidarités - J'aurai l'occasion de revenir sur ce point. Je vous ai fait part d'exigences de ma part qui, à mon avis, doivent rejoindre les vôtres.

M. Gilbert BARBIER, président - Un certain nombre d'experts s'affranchissent de la déclaration obligatoire.

M. Xavier BERTRAND, ministre de la santé et des solidarités - J'aurai l'occasion d'aborder à nouveau ce point dont je me suis entretenu avec l'Afssaps. Vous me demandiez si le ministère incitait les agences à appliquer dès maintenant certaines dispositions. A ce titre, je tiens à préciser que j'ai, dès l'été 2005, totalement soutenu l'Agence dans la mise en oeuvre de cette transparence. Les documents suivants sont notamment mis en ligne depuis le mois de mars 2006 ou le seront dans le courant du printemps :


• les règlements intérieurs des commissions d'AMM et de pharmacovigilance ;


• l'ordre du jour de ces commissions ainsi que des groupes de travail spécialisés préparant les délibérations de la commission d'AMM ;


• les comptes rendus des commissions (pharmacovigilance puis AMM).

M. François AUTAIN - Je n'avais pas remarqué que les comptes rendus des commissions étaient accessibles.

M. Xavier BERTRAND, ministre de la santé et des solidarités - Ils ont commencé à être mis en ligne en mars 2006. Je vous informe des documents mis en ligne sans attendre la transposition de la directive.

Mme Marie-Thérèse HERMANGE, rapporteur - Nous avons été informés de la mise en ligne des comptes rendus. En revanche, je ne crois pas que les débats soient ouverts au public.

M. Xavier BERTRAND, ministre de la santé et des solidarités - J'ignore depuis quand vous n'avez pas été surfer sur Internet. Les comptes rendus sont en ligne depuis mars 2006. Par ailleurs, la publication des rapports publics d'évaluation a été engagée sur une base facultative dans la mesure où cela représente pour l'Afssaps 830 produits par an. Elle est mise en oeuvre de façon progressive en commençant par toutes les nouvelles AMM correspondant à de nouvelles entités physiques et biologiques et par les extensions d'indications majeures. J'ajoute que, dans le cadre du contrat d'objectifs et de moyens en cours de finalisation entre l'Agence et l'Etat, j'ai, au nom du ministère de la santé, demandé que les mesures soient intégralement appliquées y compris pour la publication des rapports publics d'évaluation.

M. Gilbert BARBIER, président - Avez-vous également l'intention de publier les résultats des votes ?

M. Xavier BERTRAND, ministre de la santé et des solidarités - Le contrat d'objectifs et de moyens est en cours de finalisation.

M. Gilbert BARBIER, président - Cette question fait suite à une discussion prolongée. En effet, un certain nombre d'experts ont déploré que les votes ne soient pas d'une transparence absolue. Il s'agit me semble-t-il d'un sujet essentiel. Le compte rendu devra faire mention des interventions en faveur ou en défaveur des médicaments et des résultats nominatifs des votes faute de manquer de transparence. En effet, sans soupçonner quiconque de malversation, il convient de reconnaître qu'un certain nombre de personnes, notamment les experts, peuvent avoir ou avoir eu des relations avec des laboratoires. Les représentants de l'Agence nous ont évidemment assuré que tout allait pour le mieux dans le meilleur des mondes. Cependant, tel n'est pas tout à fait notre sentiment. Je crois que nous avons intérêt à garantir une transparence parfaite des votes et des prises de position des uns et des autres. Je pense que vous partagez cette position.

M. Xavier BERTRAND, ministre de la santé et des solidarités - Monsieur le président, je pourrais, dans les fonctions qui sont les miennes, vous citer moult exemples où la transparence a toujours été ma ligne de conduite. En effet, celle-ci est le préalable de la confiance. C'est moi-même qui aie tout révélé de l'affaire de l'Hôpital Saint-Vincent de Paul. Je suis également le premier à avoir décidé de publier le tableau de bord des infections nosocomiales. Je pense en effet que nous devons à la fois reconnaître que nous ne savons pas tout et dire tout ce que nous savons. S'agissant du sujet qui nous occupe et sans dévoiler ce qui sera définitivement finalisé entre l'Agence et le ministère, il me semble important de préciser que le compte rendu de la commission d'AMM intégrera les conclusions des travaux préalables des groupes spécialisés qui auront servi de base à ces délibérations et qui feront apparaître, le cas échéant, l'existence d'opinions minoritaires. J'ignore si cette mesure répond à vos préoccupations, mais je tiens à préciser que l'audience des opinions minoritaires et leurs motivations scientifiques seront également mentionnées. Ces différents points seront finalisés dans la convention d'objectifs et de moyens.

Par ailleurs, une seconde partie de votre question concernait les critères d'efficacité. Sur ce point, je tiens à rappeler que les critères d'efficacité, de qualité pharmaceutique et de sécurité demeurent les trois piliers de l'évaluation d'un médicament en AMM. En cela, ni la directive, ni le règlement n'ont modifié les règles d'évaluation. La notion de valeur thérapeutique ajoutée, qui est un critère de transparence, n'est pas prévue dans les textes régissant l'évaluation de l'AMM. Si la France introduisait d'autres critères d'octroi de l'AMM, cela ne la dispenserait pas d'avoir à accepter sur son territoire des médicaments qui auraient été autorisés par les autres procédures d'AMM et notamment l'AMM centralisée ou décentralisée européenne qui n'auraient pas introduit ce critère dans leur évaluation. Il convient par conséquent de distinguer la finalité de sécurité sanitaire, qui vise à satisfaire les besoins des patients dans les meilleures conditions possibles de maîtrise du risque, de la finalité de la gestion des produits remboursables dans un contexte de maîtrise des dépenses. Les logiques sont en effet totalement différentes. Je tenais à le préciser et à souligner que nous n'avons évidemment pas attendu pour commencer à travailler. En ce qui concerne le reste, je ne voudrais pas vous demander de vous faire les relais du Gouvernement auprès de l'Assemblée nationale. Il est toutefois évident que nous présenterons le texte dès que nous disposerons d'un créneau pour ce faire.

M. Gilbert BARBIER, président - Un problème se pose cependant. En effet, il revient à la commission de mise sur le marché d'évaluer le bénéfice/risque. Or la commission de la transparence nous a indiqué que le bénéfice ne pouvait être remis en cause. En d'autres termes, il ne peut exister de service médical rendu négatif. Ce dernier ne peut être qu'égal ou positif. Le médicament est autorisé avec un taux plus important lorsque le service médical rendu est positif. Je me suis ce week-end intéressé à un médicament très prescrit, à savoir le Lipanthyl. Ce médicament portait le numéro 200 dans sa première formule puis le numéro 67 et enfin le numéro 160. Le 14 février est sorti le Lipanthyl 145. Les pharmaciens se demandent pourquoi cette dernière version fait l'objet d'une publicité de la part des visiteurs médicaux. En effet, le Lipanthyl 145 ne diffère pas réellement du 160 en matière de dosage et a pour seul avantage de pouvoir être pris à n'importe quel moment de la journée et non pas obligatoirement au moment des repas. Le résultat en matière de prescription est assez ubuesque. Le médecin prescripteur ne s'y retrouve certainement pas. Nous pourrions multiplier cet exemple. Vous connaissez sans doute également la nouvelle forme d'Aspegic commercialisée qui présente l'avantage d'être beaucoup mieux tolérée. Lorsque nous évoquons le sujet, les représentants de la commission d'AMM nous répondent qu'ils se chargent uniquement d'évaluer le bénéfice/risque. Le Lipanthyl a reçu son AMM il y a plus d'un an, mais n'est toujours pas remboursé. La décision de remboursement est, me semble-t-il, intervenue le 14 février dernier. Ce sujet est pour nous source d'interrogation

M. Xavier BERTRAND, ministre de la santé et des solidarités - Pouvez-vous m'indiquer le prix du Lipanthyl 145 par rapport au Lipanthyl 160 ?

M. Gilbert BARBIER, président - Il coûte 7,75 euros contre 11 euros pour le Lipanthyl 160.

M. Xavier BERTRAND, ministre de la santé et des solidarités - Le Lypanthyl 145, qui est mis sur le marché, doit visiblement présenter un intérêt identique à ses prédécesseurs sur le plan thérapeutique et a l'avantage d'être moins cher. Faut-il par conséquent refuser sa mise sur le marché ?

Mme Anne-Marie PAYET, rapporteur - Nos auditions font apparaître l'existence d'une faille dans la procédure qui, passant par l'Afssaps, la HAS, le CEPS, l'Uncam et le ministre chargé de la santé conduit à la commercialisation de nouveaux médicaments. S'il ne fait aucun doute que chacun de ces organismes assume pleinement son rôle, il semble qu'il n'existe pas de coordination entre ces différents acteurs pour juger de la commercialisation d'un produit au regard de son intérêt pour la santé publique. Ne serait-il pas souhaitable de renforcer la compétence de l'un de ces acteurs, la Haute Autorité de santé par exemple, pour établir l'intérêt du produit au regard de la santé publique avant que le prix du médicament et son admission au remboursement ne soient décidés ?

M. Xavier BERTRAND, ministre de la santé et des solidarités - Je souhaitais souligner dans mon propos introductif que chacune des instances intervenait à son tour, c'est-à-dire selon une succession d'étapes bien définies où chacun a un rôle et des responsabilités claires. Chacun intervient également à un moment où il a connaissance des avis des intervenants précédents et peut prendre en compte, en tant que de besoin, les attributions respectives ne se confondant pas et ne se recoupant pas. Ainsi, l'AMM et ses motivations sont connues lorsque démarre le processus d'inscription au remboursement. De la même façon, l'avis de la commission de la transparence est connu du ministre en charge de la décision d'inscription mais aussi de l'Uncam en charge de la fixation du taux, lorsque ceux-ci prennent leur décision. C'est ce même avis, par le niveau d'amélioration du service rendu, qui sert à la fixation du prix. Le ministère constitue en outre un point de la synthèse finale qui concerne le choix des produits à inscrire. Il s'appuie pour ce faire sur l'avis scientifique de la commission de la transparence ainsi que sur les éléments économiques fournis par le CEPS. Je souhaite en effet rappeler qu'un produit qui n'apporte rien de plus que l'existant ne peut être inscrit que s'il apporte une économie à l'assurance maladie obligatoire.

En second lieu, les instances communiquent entre elles et chacune est entendue à la fois en amont et en aval. L'Afssaps est notamment représentée au sein de la commission de la transparence. Les représentants des deux commissions (AMM et Transparence) échangent tous les quinze jours sur les sujets en cours, en présence de mes services. Je crois globalement que le système fonctionne. Nous n'enregistrons pas de problèmes consécutifs à une absence de coordination qui aurait été révélée entre les autorités. Le seul point, à mon sens, sur lequel une amélioration et une visibilité plus grande des administrations compétentes ont pu ou auraient pu apparaître concerne les demandes d'études post-commercialisation. C'est la raison pour laquelle j'ai mis en place le 13 septembre 2005 un comité de liaison dans lequel siègent l'ensemble des autorités qui peuvent demander des études ainsi que l'Uncam dont les bases de données pourraient faciliter la réalisation de ces études. Au-delà de son objectif premier qui consiste à mieux organiser la circulation de l'information entre les autorités afin notamment de garantir l'absence de demandes faisant double emploi, son rôle pourrait être élargi à la définition d'une véritable stratégie en la matière.

En ce qui concerne le point de savoir si l'autorité compétente en matière d'AMM ne devrait pas être chargée d'établir l'intérêt du produit pour la santé publique, il convient de noter que c'est la commission de la transparence, qui fait partie de la Haute Autorité de santé, qui est en charge de l'évaluation de santé publique d'un médicament. Or ce critère, comme l'avis que le collège de la HAS peut donner, est progressivement amené à intervenir de façon de plus en plus importante dans la décision d'inscription. Je souhaitais également vous annoncer qu'il est envisagé, dans le cadre de la mise à jour du décret sur la transparence mentionnée en introduction, de renforcer encore la part prise dans l'avis de la commission de la transparence et de la HAS par l'évaluation de l'intérêt de santé publique. La question que vous posez sur la coordination est en fait celle de l'établissement d'un filtre pour sélectionner les médicaments. Ai-je raison ?

M. Gilbert BARBIER, président - Tout à fait.

M. Xavier BERTRAND, ministre de la santé et des solidarités - J'ai déjà répondu à cette question. Je ne suis pas certain que regrouper l'ensemble des évaluations soit une solution. Je crois davantage à la coordination des évaluations et à ce rôle de synthèse exercé par le ministère. Je suis persuadé qu'il revient au politique de continuer à jouer ce rôle principal. Si nous avons besoin de renforcer la vision scientifique, il ne faut pas oublier celui qui, en bout de ligne, est chargé de prendre en compte les besoins de santé définis collectivement et politiquement. Je pense que chaque acteur doit réellement prendre sa place avant de penser à aller au-delà.

M. Gilbert BARBIER, président - La dilution des responsabilités au sein des diverses commissions pose réellement problème. Nous avons auditionné l'ensemble des responsables et constaté qu'il existait un jeu de ping-pong manifeste. Chacun se renvoie les responsabilités. La commission de transparence ne réévalue pas totalement le bénéfice/risque. Ce matin, nous avons auditionné le chef de département de la publicité de l'Afssaps qui nous a indiqué qu'elle examinait plus de 9.000 dossiers par an et prononçait des mises en demeure et des décisions d'interdiction. Ces dernières étaient au nombre de vingt-quatre au titre de l'année 2005. Nous l'avons interrogée sur le suivi des décisions d'interdiction. Or elle a répondu qu'elle ignorait totalement quelle suite était donnée par le CEPS.

M. François AUTAIN - Ce n'est pas le plus grave. Il existe deux formes de contrôle : celui opéré a priori qui me paraît totalement justifié s'agissant de médicaments non remboursés, à prescription facultative et pris à des fins d'automédication et celui réalisé a posteriori qui concerne les médicaments soumis à prescription et remboursés par la sécurité sociale. Cette différence de traitement ne se justifie absolument pas et ce d'autant qu'il peut s'écouler de trois mois à un an entre le moment où le laboratoire commence sa campagne et celui où la commission émet un avis. Cela signifie que, pendant un an, un laboratoire peut mener une campagne sur des thèmes qui ne sont pas en accord avec les prescriptions de l'AMM sans que personne ne puisse intervenir. Il s'agit selon moi d'un point à régler. Il n'y a aucune raison d'exercer dans certains cas un contrôle a priori et dans d'autres un contrôle a posteriori. Il n'existe d'ailleurs pas d'exemple de publicités contrôlées a posteriori hormis en ce qui concerne les médicaments prescrits. Estimez-vous cette situation normale ? Ne pensez-vous pas qu'elle peut avoir des conséquences sur la santé de nos concitoyens ?

M. Xavier BERTRAND, ministre de la santé et des solidarités - Faites-vous référence aux visas grand public ou à la publicité grand public ?

M. François AUTAIN - Je faisais la différence entre les médicaments grand public contrôlés a priori et ceux contrôlés a posteriori en précisant que cette différence de traitement ne me paraissait pas justifiée. Il me paraît souhaitable d'établir un contrôle a priori des médicaments donnant lieu à prescription et remboursés par la sécurité sociale.

M. Nicolas ABOUT, président de la commission des affaires sociales - Peut-être avez-vous raison. Toutefois, pour avoir été responsable de communication dans l'industrie, je me demande si cela n'entraîne pas un sentiment de responsabilité plus grand de la part des industriels. Ces derniers semblent en effet opérer les contrôles de manière responsable sachant que les sanctions peuvent être beaucoup plus fortes à l'égard des produits diffusés. J'aimerais savoir quel bilan le ministère tire aujourd'hui des contrôles a posteriori ?

M. François AUTAIN - Je précise que sur 9.000 dossiers examinés, vingt -quatre interdictions et 329 mises en demeure ont été prononcées.

M. Gilbert BARBIER, président - J'ajoute que les décisions d'interdiction induisent une amende qui peut représenter jusqu'à 10 % du chiffre d'affaires.

M. Xavier BERTRAND, ministre de la santé et des solidarités - Sur ce point précis, il me paraît important de rappeler que les interdictions sont publiées au Journal officiel, ce qui n'est pas neutre. Vous n'ignorez pas les conséquences du retrait d'un médicament pour un industriel. Il me semble par conséquent que la discipline mise en oeuvre fonctionne et que le faible nombre d'interdictions en est la preuve.

M. Gilbert BARBIER, président - En 2004, sur 8.800 dossiers examinés, 305 mises en demeure, dix-huit interdictions dont une assortie d'un rectificatif et 248 courriers d'avertissement ont été adressés.

M. François AUTAIN - Un contrôle a priori permettrait d'éviter le risque important de bâtir une campagne contradictoire avec les prescriptions de l'AMM. Si la campagne émettait un avis favorable avant la campagne, elle n'aurait plus à prononcer d'interdiction.

M. Nicolas ABOUT, président de la commission des affaires sociales - Il me semble que les contrôles a posteriori sont destinés à favoriser le dynamisme de l'industrie. Un contrôle a priori supposerait que tous les dossiers soient passés au crible.

M. François AUTAIN - Des contrôles a posteriori sont organisés dans les autres secteurs de l'industrie, ce qui n'empêche pas leur dynamisme.

M. Nicolas ABOUT, président de la commission des affaires sociales - Dans le cas présent, la sanction est assez lourde et crée des dommages considérables dans la relation avec le médecin. Il me semble qu'avec 4 % d'avertissement et moins de 1 % d'interdictions, le dispositif mis en place est assez efficace. Ne risquons-nous pas de l'alourdir en systématisant le contrôle a priori.

M. François AUTAIN - Monsieur le président, je suggère que nous systématisions le contrôle a posteriori dans l'ensemble du secteur industriel de façon à le dynamiser !

M. Gilbert BARBIER, président - J'ai cité cet exemple car les différentes auditions que nous avons menées nous ont donné le sentiment d'un manque d'interaction entre les entités au cours des différentes étapes jalonnant la mise sur le marché d'un médicament. Ainsi, les expertises s'apparentent davantage à des contrôles de texte qu'à un examen attentif du rapport bénéfice/risque.

M. Xavier BERTRAND, ministre de la santé et des solidarités - Vous avez posé la question du CEPS. Je peux, si vous le souhaitez, vous transmettre la liste des cas pour lesquels des sanctions ont été mises en oeuvre. Cette instance prend en compte les deux critères suivants :


• l'atteinte à la santé publique que la publicité interdit ;


• le surcoût pour l'assurance maladie que la publicité a pu entraîner.

Je souhaite aborder un dernier point afin de répondre à votre question de façon exhaustive. Il me semble en effet important d'ajouter que la transposition renforcera le contrôle de la publicité des médicaments d'automédication. Pourront être interdites les publicités pour les médicaments qui ne sont pas adaptés à un usage sans avis médical préalable. Vous constatez par conséquent que nous nous inscrivons dans une logique de renforcement du contrôle.

Mme Marie-Thérèse HERMANGE, rapporteur - La question de l'indépendance des experts est revenue de façon récurrente au cours des auditions. Quels sont, selon vous, les critères qui doivent déterminer cette indépendance. Est-il possible de mettre en place un statut pour les experts alors que la connaissance évolue ? Comment valoriser le travail effectué par les experts ? Quelles formes concrètes pourrait prendre cette valorisation ?

M. Gilbert BARBIER, président - Il semble que 10 à 15 % des experts ne répondent pas aux injonctions de déclaration d'intérêt dans les diverses commissions.

M. Xavier BERTRAND, ministre de la santé et des solidarités - Quelles sont vos sources ?

M. François AUTAIN - J'ai réalisé ce travail qui n'a pas été contredit par le professeur Humbert qui avait réalisé une étude similaire en 2003. Nous sommes parvenus aux mêmes conclusions. Environ 12 à 15 % des experts ne produisent pas de déclarations d'intérêt. Ne pensez-vous pas que le président et le vice-président de la commission d'AMM ne doivent pas avoir des liens d'intérêt avec les laboratoires ? La commission d'AMM est présidée par quelqu'un de très compétent mais qui entretient des liens d'intérêt avec quatre laboratoires de dimension internationale. Dans la mesure où le vice-président a des intérêts avec quatre autres laboratoires, ils couvrent à eux deux la quasi-totalité de l'éventail.

M. Gilbert BARBIER, président - Nous reprenons les conclusions du rapport de la mission parlementaire relative à l'évaluation des soixante études techniques de l'Afssaps.

M. Xavier BERTRAND, ministre de la santé et des solidarités - Si nous parvenons à mettre en place un statut, nous nommerons un président à temps plein qui, par définition, n'entretiendra pas de liens avec les laboratoires. La question de l'évaluation des conflits d'intérêt est incontournable. Il me paraît nécessaire de rappeler que les experts sont sollicités par les commissions dans l'accomplissement de la mission de service public de l'Agence et par conséquent libres de tout risque de conflit d'intérêts dans le dossier qu'ils examinent. L'Afssaps autant que l'EMEA ont développé des approches de plus en plus rigoureuses concernant ces aspects déontologiques. L'Agence a notamment renforcé les procédures de recherche de conflits d'intérêts lors de chaque réunion de chaque recrutement d'expert en publiant les déclarations d'intérêt et mis en place, outre la cellule déontologique, un groupe référent pour les cas les plus complexes. Elle a également mis en place pour la désignation des membres et présidents de commission des procédures d'appel public à candidature ainsi qu'un jury.

L'application de ces règles a renforcé le constat suivant : la recherche d'experts externes libres de tout conflit d'intérêts et compétents dans une discipline pharmacologique ou clinique se heurte également à certaines limites. Tout expert compétent ne peut pas préserver cette compétence sans recherche. Or, dans le domaine du médicament, recherche et innovation se font rarement sans la collaboration de l'industrie pharmaceutique. Les agences rencontrent donc des difficultés réelles dans la recherche d'experts libres de tout lien. Je suis pour ma part particulièrement attentif à cette question. Les procédures en vigueur nous permettent cependant de limiter considérablement les conséquences d'un éventuel conflit d'intérêts individuel par plusieurs de leurs caractéristiques :


• l'exclusion de l'expert concerné des débats sur les dossiers pour lesquels il a un conflit ;


• la transparence des décisions ;


• la collégialité de celles-ci : la décision n'est pas prise par l'expert seul ;


• le suivi des dossiers par les experts internes, qui n'ont par définition aucun lien avec l'industrie, permettant de garantir la maîtrise des conséquences des conflits.

L'approche de l'Afssaps est une démarche préventive qui privilégie la transparence des liens entre industriels et experts. Elle passe par conséquent par l'obligation de dépôt et l'actualisation régulière de la déclaration publique d'intérêt ainsi que par l'obligation de ne pas participer à l'évaluation des dossiers avec lesquels l'expert entretient un lien direct ou indirect.

M. Gilbert BARBIER, président - Que le lien soit positif ou négatif...

M. Xavier BERTRAND, ministre de la santé et des solidarités - Est-ce un sujet que vous avez abordé avec l'Afssaps ?

M. Gilbert BARBIER, président - C'est en effet un problème. Si l'expert entretient des liens avec un laboratoire concurrent...

M. Xavier BERTRAND, ministre de la santé et des solidarités - Cela ne m'a pas échappé. Je me conforme cependant à la logique du conflit d'intérêts. J'ajoute que la décision n'incombe pas à un seul expert. La collégialité a également toute son importance. Je ne prétends pas qu'il n'est pas nécessaire de revoir le système. J'ai clairement indiqué quelles étaient les voies d'amélioration envisagées.

M. Gilbert BARBIER, président - C'est la raison pour laquelle nous pensons qu'il convient de favoriser la transparence des débats en mentionnant les avis éventuellement contradictoires émis par les experts.

M. Xavier BERTRAND, ministre de la santé et des solidarités - Il convient également de garantir l'équilibre entre les expertises interne et externe. L'association des deux constitue me semble-t-il un atout pour notre pays. Au-delà de la labellisation des prestations des experts, il convient de mettre en place une démarche tournée vers la recherche d'une complète effectivité des règles et obligations déontologiques. Cette dernière est indissociable d'un effort de valorisation de l'utilité collective du travail de l'expertise en sécurité sanitaire tant au sein qu'en dehors de l'Agence. Il convient également de privilégier une approche plus ambitieuse, plus globale et plus équilibrée des droits et obligations de l'expert. Si les rémunérations des experts ont été revalorisées, elles sont encore loin d'être suffisantes pour compenser l'investissement en temps et les contraintes liées aux obligations déontologiques notamment pour les présidents de commission. Nous devrons également nous donner les moyens d'opter pour le choix d'une présidence à temps plein.

Vous savez également que les chercheurs, les hospitaliers et les hospitalo-universitaires qui consacrent un temps important à l'expertise souhaitent à juste titre que celle-ci soit prise en compte notamment en matière de promotion. La loi Recherche qui vient d'être votée prévoit explicitement que les missions d'expertises soient un critère d'évaluation des chercheurs et des universitaires, ce qui constitue d'ores et déjà un réel progrès. Il nous faut cependant aller plus loin en établissant que la présidence de commission ou de groupes de travail doit être reconnue comme un élément de promotion dans la carrière hospitalo-universitaire.

J'ai d'ores et déjà mis en place, en partenariat avec l'éducation nationale, un groupe de travail qui devra faire, avant la fin de l'année, des propositions en matière de valorisation des experts. Un chiffrage sera nécessaire. Il conviendra de décider si nous nous donnons ou non les moyens de mettre en place ces mesures. Je me tourne, en déclarant cela, vers les parlementaires. J'estime que ces questions sont très importantes à la fois pour l'efficacité du système d'évaluation, mais aussi pour la crédibilité des décisions publiques. Je pense également que nous avons besoin d'un lieu où il est possible d'élaborer une vraie politique de l'expertise. Celui-ci devra constituer une référence et permettre l'arbitrage des situations les plus difficiles. Je souhaite par conséquent que soit envisagée la création d'un Haut Conseil de l'expertise qui serait la référence pour cette question dans le domaine de la santé. Il s'agira d'une structure assez souple qui aura le mérite d'être efficace. Elle pourra être composée de scientifiques, de juristes, de magistrats et de personnalités qualifiées. Ses missions seront les suivantes :


• faire des propositions pour la valorisation de l'expertise externe dans le domaine de la santé ;


• expertiser la politique de gestion des experts et de prévention des conflits d'intérêts des institutions rendant des avis dans le domaine de la santé ;


• faire toute proposition pour améliorer la contribution de l'expertise aux décisions de santé ;


• rendre à la demande des institutions concernées ou du ministère de la santé un avis sur des situations particulières.

Je serai heureux de connaître l'accueil que reçoit cette proposition ainsi que vos propositions alternatives. Je tente d'apporter des solutions sur ces sujets.

M. Gilbert BARBIER, président - Le problème est que nombre d'autorisations passent par une procédure centralisée qui échappe quelque peu à la procédure nationale. Pour la Commission européenne le fait qu'un expert ne puisse être totalement libre de lien avec l'industrie pharmaceutique ne pose pas véritablement problème. Elle considère qu'un bon expert en pharmacologie ou en toxicologie a forcément travaillé à un moment ou à un autre avec l'industrie pharmaceutique. En revanche, il me paraîtrait de bonne conduite de garantir la transparence totale des conflits d'intérêts des experts par la publication des comptes rendus exhaustifs des commissions, notamment en ce qui concerne les votes.

M. Xavier BERTRAND, ministre de la santé et des solidarités - Je vous ai indiqué que le processus était en cours et inscrit noir sur blanc dans le contrat d'objectifs et de moyens qui va être signé entre le ministère et l'Afssaps. La publication des déclarations d'intérêt prévue par la loi permet également au public de vérifier, par rapprochement avec la publication des comptes rendus, que l'Agence a bien géré le problème. Il me semble à ce titre important de rappeler que les décisions de prises en charge sont et demeurent nationales.

Mme Anne-Marie PAYET, rapporteur - Le thème de la formation continue des médecins s'est imposé au fil de nos auditions comme un élément majeur du débat sur la prescription et la surconsommation de médicaments en France. De quels moyens disposent les pouvoirs publics pour assurer l'indépendance de cette formation, dont le coût nécessite pourtant le recours au financement par les laboratoires pharmaceutiques ? Avec la mise en place de la charte de la visite médicale, un contrôle effectif du contenu de l'information délivrée par les délégués médicaux est-il envisageable ?

M. Gilbert BARBIER, président - Seriez-vous éventuellement prêt à faire une intervention sur la formation médicale initiale ? A quel niveau la pharmacologie et la thérapeutique doivent-elles être enseignées ? Des contacts sont-ils pris en matière de réorganisation de l'enseignement de ces matières ? La pharmacologie est en effet enseignée avant que les étudiants aient eu un contact avec les pathologies. Peut-être ce sujet n'est-il pas de votre ressort. Je pense cependant que vous pourriez donner quelques directives au ministre de l'éducation.

Mme Anne-Marie PAYET, rapporteur - J'aimerais également recueillir votre avis en ce qui concerne la nouvelle loi allemande sur la réduction des dépenses pharmaceutiques qui prévoit notamment l'introduction d'un système bonus-malus pour les comportements de prescription. Pensez-vous qu'un tel système pourrait être imposé en France ?

M. Xavier BERTRAND, ministre de la santé et des solidarités - Pouvez-vous me fournir davantage d'informations sur cette loi. J'échangeais récemment sur ce sujet avec Ulla Schmidt, ministre de la santé. Pour ne rien vous cacher, je ne suis pas allé dans le détail de cette loi.

Mme Anne-Marie PAYET, rapporteur - Les articles de presse faisaient mention de l'introduction d'un système bonus-malus collectif pour les comportements de prescription et du gel des prix de tous les médicaments jusqu'en 2008.

M. Xavier BERTRAND, ministre de la santé et des solidarités - Je suis favorable à une baisse des prix tant que cela est possible, ce qui signifie que je suis opposé au gel. La baisse du prix de nombreux médicaments n'a peut-être pas été assez soulignée. C'est un point sur lequel j'avais voulu que nous puissions intervenir dès lors que cela était possible. Il convient en effet de veiller à ce que le cycle d'investissement d'un nouveau médicament puisse retrouver sa juste rémunération, faute de quoi un certain nombre de médicaments parmi les plus récents et admis au remboursement dans d'autres pays ne seront même pas présentés en France. Je ne tiens pas à ce que notre pays n'ait pas accès à l'ensemble des nouveaux médicaments. Ce qui se fait en Allemagne s'apparente selon moi à de la maîtrise comptable. Je ne suis pas partisan de cette doctrine. Depuis maintenant dix-huit mois, nous avons fait, Gouvernement et majorité, le choix de la maîtrise médicalisée et enregistrons de bons résultats. En un an et demi, le déficit de l'assurance maladie qui aurait dû être de 16 milliards d'euros ne s'est en définitive établi qu'à 8 milliards d'euros. A ce titre, je trouve regrettable que le propos de M. le sénateur François Autain indiquant hors micro que les résultats de l'assurance maladie sont extraordinaires, ne figure pas au procès-verbal.

Des approches telles que celle retenue par l'Allemagne me gênent dans la mesure où elles ne permettent pas de prescrire librement à un patient tous les médicaments dont il a besoin. Un médecin qui, face à un patient, se rend compte qu'il a été au-delà de ses objectifs de prescription sera-t-il capable de s'affranchir de ces normes pour prescrire autant de lignes de médicaments que de besoin ? La maîtrise médicalisée consiste en effet à fournir les lignes de médicament dont un patient a besoin sans aucune autre référence. Je refuse que les mesures prises aient la moindre incidence sur l'état et les besoins de santé des Français. Je suis convaincu que la maîtrise médicalisée dans un système organisé et bien géré est sans doute la seule réponse valable car inscrite dans la durée. La maîtrise comptable a sans doute des effets à court terme mais qui ne sont en rien pérennes.

M. Gilbert BARBIER, président - Vous n'êtes donc pas favorable à l'ordonnance verte, c'est-à-dire à la consultation n'induisant pas systématiquement une ordonnance de médicaments.

M. Xavier BERTRAND, ministre de la santé et des solidarités - Des consultations se font déjà sans aucune délivrance de médicaments.

M. Gilbert BARBIER, président - L'ordonnance verte peut par exemple consister en la prise en charge par la sécurité sociale de l'adhésion à un club de gymnastique. De telles mesures sont mises en place en Nouvelle-Zélande et en Hollande.

M. Xavier BERTRAND, ministre de la santé et des solidarités - La Hollande a un taux de prescription de médicaments parmi les plus faibles au monde. Cela tient à d'autres prises en charge que médicamenteuse des patients. Le recours aux psychiatres est plus important que dans notre pays. La question que vous m'avez posée concernait la formation et l'information. S'agissant de la formation initiale, François Goulard, ministre délégué à l'enseignement supérieur, et moi-même nous sommes lancés dans un chantier partagé. Je ne vous cache pas que si la question des cursus m'intéresse, celle de leur contenu me passionne davantage encore. En tant que ministre de la santé, ce qui m'intéresse est de savoir à dix ans, à quinze ans et à vingt ans ce que les futurs praticiens auront retenu de ce qu'ils ont appris aujourd'hui. Je ne suis en effet pas persuadé qu'un certain nombre de maladies infectieuses nouvelles bénéficient de suffisamment d'heures de formation ou que la prévention trouve sa juste place dans les cursus de formation.

La formation médicale continue n'a plus vocation à être l'arlésienne de notre système de santé. Vous savez que la loi du 4 mars 2002 a rendu la FMC obligatoire pour tous les médecins afin de permettre à la fois le perfectionnement de la connaissance et l'amélioration de la qualité des soins. J'ai demandé, dès 2005, un rapport à l'Igas afin de donner un caractère opérationnel à la mise en place de cette obligation. Le cadre a été fixé dans un décret qui est, à l'heure actuelle, en cours de publication. Il prévoit les deux mécanismes suivants pour renforcer l'indépendance de la formation :


• l'agrément des organismes formateurs délivré après l'examen du dossier de demande d'agrément par les organismes de formation continue sur la base de la qualité des programmes, de la transparence des financements et de l'engagement de l'absence de promotion ;


• la validation de l'obligation de formation médicale continue pour chaque médecin.

L'évaluation des pratiques professionnelles est également liée à la formation médicale continue. En effet, un aller-retour entre la FMC et l'EPP est pratiqué afin d'enrichir les programmes. La mise en place des conseils nationaux et régionaux de FMC complète le dispositif.

En ce qui concerne le financement, je souhaite à la fois être efficace et pragmatique. Il est impératif que les financements, quelle que soit leur origine, ne puissent être admis que dans un cadre de transparence et de rigueur, ce qui garantit l'absence d'influence sur les contenus de la formation médicale continue. Comme le proposait le rapport de l'Igas, j'ai commencé à échanger avec le Conseil national de la formation médicale continue ainsi qu'avec le Leem sur le principe d'un cadre de bonnes pratiques ou d'une charte qui garantirait la transparence des financements et qui permettrait de labelliser les formations en évitant ainsi toute tentation d'utilisation des actions de formation à des fins promotionnelles.

M. François AUTAIN - Je suis absolument opposé au financement de la formation continue par l'industrie pharmaceutique.

M. Xavier BERTRAND, ministre de la santé et des solidarités - Quelle solution proposez-vous dans ce cas ?

M. François AUTAIN - La formation doit être financée sur le budget de la santé.

M. Xavier BERTRAND, ministre de la santé et des solidarités - A quelle hauteur ?

M. François AUTAIN - Je crois que 300 millions d'euros sont nécessaires.

M. Xavier BERTRAND, ministre de la santé et des solidarités - Il s'agit en réalité de 600 millions d'euros.

M. François AUTAIN - Vous avez raison. Il faut savoir ce que nous voulons. En ce qui me concerne, je suis absolument opposé à la participation de l'industrie pharmaceutique dans le financement de la formation continue et ceci pour des raisons évidentes. En effet, une charte ne permettra pas de différencier ce qui relève de l'information et de la promotion. Quand bien même vous y parviendriez, l'industrie pharmaceutique n'aurait dans ce cas plus aucune raison de financer la formation continue. Elle y trouve son intérêt car elle sait que, par ce canal, elle peut augmenter et favoriser la prescription de médicaments qui ne servent pas toujours la santé publique et l'intérêt des malades. Vous pouvez financer la formation continue en augmentant, comme vous l'avez fait cette année, certaines taxes.

M. Xavier BERTRAND, ministre de la santé et des solidarités - Quelle taxe a augmenté cette année ?

M. François AUTAIN - Il s'agit me semble-t-il d'une taxe sur l'industrie. Il est tout à fait possible de prélever sur les différentes taxes existantes pour financer la formation médicale continue. Cela n'a cependant rien à voir avec un financement direct par l'industrie pharmaceutique. Je pense qu'il n'est pas possible de parler de formation médicale continue et indépendante dès lors que celle-ci est financée par l'industrie pharmaceutique. Je ne serais éventuellement pas opposé au principe d'un financement par les représentants de l'industrie automobile, par exemple. En revanche, je refuse catégoriquement celui d'un financement par l'industrie pharmaceutique. Je ne pense en effet pas que ce secteur agit par philanthropie.

Mme Anne-Marie PAYET, rapporteur - Que pensez-vous du logiciel d'aide à la prescription ?

M. Xavier BERTRAND, ministre de la santé et des solidarités - Il existe différents types de logiciels d'aide à la prescription. Par qui est établi celui auquel vous faites allusion ? Vous savez sans doute que l'assurance maladie est en train de mettre en place le Webdocteur qui permet d'utiliser les prescriptions précédentes comme aide. Le DMP n'a pas été conçu à cette fin mais contribuera aussi à l'aide à la prescription. Par qui est mis en place et financé le logiciel auquel vous pensez ?

Mme Anne-Marie PAYET, rapporteur - Il s'agit du logiciel proposé par l'Afssaps.

M. Xavier BERTRAND, ministre de la santé et des solidarités - Il faut que vous sachiez que l'Afssaps met en ligne les AMM, mais que la HAS doit aussi valider l'ensemble des logiciels d'aide à la prescription. Cela fait partie des sujets que j'ai l'intention d'étudier dans le détail. Ces logiciels d'aide à la prescription sont-ils indépendants ?

M. François AUTAIN - Il me semble au contraire qu'ils sont financés directement ou indirectement par les laboratoires.

M. Xavier BERTRAND, ministre de la santé et des solidarités - La Haute Autorité de santé les valide en tant que tel avec toute la rigueur qui est la sienne. Soit on nie toute confiance à quelque acteur que ce soit, ce qui ne pousse pas à l'action ; soit on considère que cette validation permet de garantir une totale indépendance. J'ai tendance à croire que les choses sont possibles. C'est la raison pour laquelle je suis favorable à ce principe. De nombreux professionnels de santé nous réclament des outils tels que la prescription en DCI.

M. François AUTAIN - Je souhaite revenir sur la partie de votre exposé liminaire concernant la discrimination entre médicaments équivalents. Cela me conduit à évoquer le problème que pose la mise sur le marché de 150 nouveaux médicaments chaque année, qui tous ne constituent pas une innovation thérapeutique. Dans son rapport, la commission de transparence démontre que, sur 150 nouveaux médicaments, 130 à140 n'apportent aucune avancée thérapeutique. Ces médicaments, quand bien même leur efficacité est prouvée, présentent un certain nombre d'effets indésirables. Nous avons souligné ce matin que les Français consommaient deux à trois fois plus de médicaments que les autres ressortissants européens. Cet abus de médicaments se traduit par environ 1.000 hospitalisations par an ainsi que des centaines voire des milliers de cas mortels dénombrés. Est-il indispensable de mettre sur les marchés des molécules dont l'absence de plus-value thérapeutique est avérée. Ne prenons-nous pas un risque en multipliant inconsidérément le nombre des médicaments et ce d'autant que le président du CEPS a été incapable de nous communiquer l'économie réalisée pour la sécurité sociale ? Ce dernier nous a même avoué que les médicaments les moins chers étaient parfois moins vendus que les autres. Les patients estiment en effet que l'efficacité d'un médicament est proportionnelle à son prix. La réglementation n'est pas respectée puisque sont mis sur le marché des médicaments qui ne sont pas plus efficaces que ceux qui existent déjà. C'est la raison pour laquelle je suis favorable à ce que des essais comparatifs soient effectués systématiquement et à ce que les médicaments qui n'apportent pas une plus-value thérapeutique ne soient pas mis sur le marché ou, s'ils le sont, ne donnent pas lieu à remboursement.

M. Xavier BERTRAND, ministre de la santé et des solidarités - Vous avez évoqué la question des effets indésirables. Evitons si possible toute généralisation en la matière car ce qui importe est le suivi des médicaments après leur mise sur le marché. Ce dernier permet en effet, via la pharmacovigilance et les études épidémiologiques, de mesurer leur efficacité et d'évaluer les risques qu'ils présentent. Faut-il refuser les médicaments qui ne présentent pas davantage d'effets indésirables que les versions antérieures et qui sont d'un coût moindre pour l'assurance maladie ?

M. François AUTAIN - J'ai souligné que nous étions, à l'heure actuelle, dans l'incapacité de vérifier, qu'à équivalent égal, un médicament dont le prix est inférieur permet à la sécurité sociale de réaliser des économies. Les médicaments qui ne génèrent pas d'économies devraient être retirés du marché, mais les évaluations ne sont jamais pratiquées. Il n'est pas normal que nous ne soyons pas capables de mesurer les économies réalisées.

M. Xavier BERTRAND, ministre de la santé et des solidarités - Je suis très attentif à tout ce qui concerne les reports de prescription. Il me semble en effet très important de mesurer les effets des décisions prises. Nous ne sommes pas d'accord sur un point. Devons-nous ou non nous doter d'une véritable palette thérapeutique ? Un nouveau médicament qui ne semble pas représenter une réelle innovation thérapeutique apportera une réelle plus-value à certains patients. Est-il opportun de s'en priver s'il n'est pas plus coûteux et même moins cher ? Quelles que soient les mesures prises, les remboursements des médicaments sont chaque année supérieurs à l'année précédente. Il s'agit notamment des médicaments destinés à des patients souffrant de pathologies lourdes et des médicaments très nouveaux. Les médicaments représentent 1 milliard d'euros de dépenses nouvelles annuelles. Je suis effectivement favorable à ce que nous rémunérions mieux la réelle innovation.

M. François AUTAIN - La véritable innovation se fait rare.

Mme Marie-Thérèse HERMANGE, rapporteur - Le directeur de la sécurité sociale nous a indiqué ne pas connaître la part des médicaments hospitaliers dans les dépenses. La visibilité en la matière est nulle.

M. Gilbert BARBIER, président - Il a indiqué qu'il existait encore un véritable mur.

M. Xavier BERTRAND, ministre de la santé et des solidarités - Je lui ai moi-même demandé d'accélérer le processus afin que nous signions la circulaire permettant les contrôles de l'assurance maladie sur les tarifications hospitalières. Les murs sont faits pour être abattus. Selon moi, le véritable sujet a trait aux dépenses de recherche et de développement qui doivent davantage progresser. Mon principal intérêt lorsque je rencontre les responsables de laboratoires pharmaceutiques est de savoir quelles seront les nouvelles et véritables innovations. Je souhaite que la France puisse disposer des médicaments les plus pointus de façon à pouvoir répondre aux nouveaux enjeux de santé publique tels que l'obésité. Je suis très attaché à la prévention, mais je sais également que le soin et l'apport du médicament sont essentiels.

Mme Anne-Marie PAYET, rapporteur - Vous n'avez pas répondu à ma dernière question concernant le contrôle effectif du contenu de l'information délivrée par les délégués médicaux.

M. Xavier BERTRAND, ministre de la santé et des solidarités - Vous faites allusion à la charte de la visite médicale inscrite dans la réforme de l'assurance maladie. Il faut croire que le processus que nous avons adopté était suffisamment rigoureux puisque l'industrie a fait savoir qu'elle n'était pas totalement satisfaite des dernières moutures proposées. Cette charte signée par le Leem et le CEPS et les représentants de l'hôpital constitue pour ma part un progrès indéniable. Nous avons également obtenu l'engagement de l'industrie de ne pas dépasser certaines limites dans ses pratiques promotionnelles. Bien que la charte n'impose pas de contrôles effectifs de l'information délivrée oralement par le visiteur médical, elle oblige l'entreprise à s'assurer que la formation du délégué à cette présentation orale réponde aux exigences fixées par la charte.

La HAS travaille également au référentiel qui permettra la mise en place de l'accréditation. L'entreprise devra par conséquent décrire et faire valider le système instauré pour permettre les mises en situation. Nous travaillons également à de nouvelles initiatives pour équilibrer les messages venant de l'industrie pharmaceutique. Il s'agit des discussions relatives à la deuxième charte de la visite médicale. Nous avons placé la barre assez haut, ce qui a poussé certains industriels à se demander s'ils allaient s'engager dans la discussion de cette seconde charte. Je tiens à vous assurer de notre entière détermination en la matière.

M. François AUTAIN - Quels sont les moyens mis en place pour contrôler que la charte de la visite médicale est appliquée ?

M. Xavier BERTRAND, ministre de la santé et des solidarités - Cette tâche incombe à la HAS. Vous ne m'avez pas dit, monsieur le ministre, quel regard vous portiez sur cette instance.

M. François AUTAIN - Je déplore qu'elle ne dispose pas de moyens. En effet, seuls 14 millions d'euros lui sont octroyés pour vérifier l'information dispensée. Que pèse cette somme face à la puissance de l'industrie pharmaceutique ?

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