II. LES FAMILLES MONOPARENTALES SONT DAVANTAGE TOUCHÉES PAR LA PRÉCARITÉ : UN DÉFI POUR LES POLITIQUES DE LUTTE CONTRE LA PAUVRETÉ

A. UNE TENDANCE INSUFFISAMMENT CONNUE : LA PAUPÉRISATION CROISSANTE DES PARENTS ISOLÉS ET, TOUT PARTICULIÈREMENT, DES MÈRES

L'une des raisons majeures du choix par la délégation de son thème d'étude en 2005 réside dans la perception par ses membres d'une aggravation, sur le terrain, de la situation des parents isolés. Les travaux de la délégation ont confirmé que ces symptômes, observés au plan local, correspondent à une tendance générale à la paupérisation des familles monoparentales.

1. Le taux de pauvreté des familles monoparentales est proche du double de celui de l'ensemble de la population

En s'attachant tout d'abord à fonder ses recommandations sur un bilan chiffré, la délégation a constaté que les données statistiques n'appréhendaient que partiellement la réalité des ressources et des conditions de vie des familles monoparentales.

Tout d'abord parce qu'elles « photographient » des situations instantanées et évolutives : une des caractéristiques de la monoparentalité est, en effet, d'être bien souvent transitoire et de prendre fin avec une remise en couple ou le départ des enfants qui peuvent être déjà âgés au moment de la séparation. Ensuite, et comme le soulignent les statisticiens de la Direction de la recherche, des études, de l'évaluation et des statistiques (DREES), « lorsqu'un parent vit seul avec ses enfants, il est impossible d'en conclure qu'il est le seul à assumer l'ensemble des fonctions parentales, que ce soit en termes affectifs, financiers ou d'organisation» . Enfin, la définition de la famille monoparentale - le parent vit seul avec ses enfants dans un logement ordinaire - retenue par l'Institut national de la statistique et des études économiques (INSEE), diffère du critère d'isolement, plus large, appliqué par les caisses d'allocations familiales (CAF) : à titre d'ordre de grandeur, il a été estimé en 1998 que 83 % des foyers de RMistes qualifiés de « parents isolés » au sens de la Caisse nationale d'allocations familiales (CNAF) correspondaient effectivement à des familles monoparentales, tandis que 17 % de ces foyers correspondaient à des ménages dits « complexes ».

En dépit de ces réserves méthodologiques, il est nécessaire de souligner que ces « familles monoparentales », qui correspondent à 86 % à des mères isolées, doivent faire face à un certain nombre de difficultés spécifiques et connaissent une tendance globale à l'appauvrissement au cours des dernières années.

a) La paupérisation des familles monoparentales s'est aggravée
(1) La séparation provoque un appauvrissement mécanique

Ce « théorème » a été souligné par l'ensemble des personnes auditionnées par la délégation : la séparation s'accompagne, en effet, en règle générale, d'une croissance mécanique et immédiate des « frais fixes » des deux membres du couple qui n'est pas financée par une augmentation proportionnelle de leurs ressources.

Entendues par la délégation, Mme Anne-Marie Lemarinier, vice-présidente, responsable du service des affaires familiales, et Mme Morgane Le Douarin, juge aux affaires familiales au tribunal de grande instance de Paris, ont noté que cet appauvrissement résultant de la séparation n'était pas suffisamment pris en compte par les conjoints au moment de la rupture, ce qui tend à accroître, par la suite, leur sentiment d'insatisfaction et la conflictualité qui s'exprime à propos des enfants . Elles ont estimé par conséquent souhaitable l'élaboration d'un barème indicatif pour la détermination des pensions alimentaires, ce qui permettrait d'améliorer, pour les couples, la prévisibilité des modalités de la séparation et de favoriser la conclusion d'accords 20 ( * ) .

Mme Annie Guilberteau, directrice générale du Centre national d'information sur les droits des femmes et des familles (CNIDFF) a également insisté sur cet appauvrissement mal anticipé au moment de la rupture et évoqué la solitude extrême d'un certain nombre de mères isolées dont les revenus sont largement constitués de minima sociaux , cette tendance s'étant aggravée au cours des dix dernières années. Évoquant les témoignages recueillis sur le terrain, elle a indiqué que, selon les représentations dominantes, l'homme élevant seul ses enfants avait droit à la considération de son entourage, tandis que la femme, dans la même situation, souffrait d'une certaine stigmatisation .

* 20 Cf. infra III. A. 3.

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