III. LE RENFORCEMENT DES GARANTIES D'INDÉPENDANCE ET DU CONTRÔLE DÉMOCRATIQUE
Initiant un nouveau mouvement de réforme de l'Etat fondé sur une logique de performance, la loi organique relative aux lois de finances du 1 er août 2001, la LOLF, est malencontreusement susceptible de réduire l'autonomie financière des autorités administratives indépendantes.
Si l'attribution de la personnalité morale ne constitue pas une panacée, il convient toutefois de mieux assurer l'autonomie financière, mais aussi l'indépendance fonctionnelle, de ces autorités, et de développer parallèlement le contrôle du Parlement sur leur activité.
A. RENFORCER L'INDÉPENDANCE FONCTIONNELLE DES AAI
Une autorité ne peut être indépendante que si elle dispose de moyens suffisants pour exercer ses missions. Les moyens budgétaires et humains alloués à l'autorité déterminent en effet son indépendance fonctionnelle, qui lui permet de mettre en oeuvre efficacement ses prérogatives, en se fondant sur son expertise propre.
L'indépendance budgétaire regroupe trois paramètres, comme le rappelle l'étude réalisée par Mme Marie-Anne Frison-Roche : l'indépendance financière, qui vise les ressources de l'autorité, l'indépendance d'exécution budgétaire, qui permet à l'autorité de décider de l'utilisation de son budget, et l'autonomie de gestion budgétaire, qui désigne la capacité de l'autorité à effectuer ses dépenses.
Si l'Office ne juge pas opportun d'étendre le modèle des autorités publiques indépendantes dotées de la personnalité morale et de ressources propres à l'ensemble des AAI, il estime cependant que les autorités administratives indépendantes doivent être mieux protégées contre les potentielles incidences de la LOLF sur leur indépendance financière.
1. L'autonomie de gestion budgétaire des AAI
Les AAI bénéficient d'une large autonomie de gestion budgétaire.
En effet, le président de chaque autorité est l'ordonnateur principal de ses dépenses. Il dispose ainsi d'un budget globalisé, qu'il peut utiliser en fonction des besoins de l'instance qu'il dirige.
Par ailleurs, la plupart des autorités administratives indépendantes échappent à l'application de la loi du 10 août 1922 relative à l'organisation du contrôle des dépenses engagées. Leurs dépenses ne sont donc pas soumises au contrôle a priori d'un contrôleur financier du ministère des finances.
Les comptes des AAI sont en revanche soumis au contrôle a posteriori de la Cour des comptes 114 ( * ) , ainsi qu'à celui du Parlement, exercé par les commissions des finances des deux assemblées, à l'occasion de la discussion des projets de loi de finances et dans le cadre des travaux de contrôle des rapporteurs spéciaux 115 ( * ) .
En outre, les AAI peuvent recourir à un audit de leur gestion par un organisme extérieur, afin d'identifier les possibilités d'économie. Ainsi, M. Jean-Paul Delevoye, Médiateur de la République, a indiqué à votre rapporteur qu'il avait demandé à l'inspection des finances de réaliser un audit des comptes de la Médiature.
Toutefois, les ressources budgétaires des AAI provenant du budget de l'Etat, elles sont soumises à l'utilisation du logiciel comptable « ACCORD » 116 ( * ) qui, dans sa version adaptée à la LOLF, réintègre les contrôleurs financiers dans tout le circuit de la dépense publique.
Ainsi, dans les faits, les dépenses des AAI devaient se voir appliquer un visa du contrôleur financier, contrairement aux dispositions législatives qui les en dispensent.
Si les contrôleurs financiers ont reçu l'instruction de porter leur visa sur les dépenses des AAI sans les contrôler, ce procédé ne semble pas conforme à l'esprit de la loi. Comme l'indique Mme Marie-Anne Frison-Roche, le mécontentement manifesté par les AAI à cet égard montre que leur spécificité peut être difficile à prendre en compte au sein des logiciels comptables, « du fait même qu'il s'agit de petites structures ».
Recommandation n° 16 :
L'Office souhaite que les prochaines versions du logiciel comptable de l'Etat, dénommé ACCORD, soient plus conformes à la dispense du contrôle financier dont bénéficient la plupart des AAI, en excluant les dépenses de ces autorités de l'obligation systématique de visa.
* 114 La Cour des comptes a ainsi procédé au contrôle des comptes du CSA pour les exercices 1994 à 1999.
* 115 Voir notamment le rapport d'information fait au nom de la commission des finances du Sénat par M. François Marc sur le Conseil supérieur de l'audiovisuel, n° 371 (2003-2004).
* 116 Application coordonnée de comptabilisation, d'ordonnancement et de règlement de la dépense de l'Etat, créée par un arrêté du 25 avril 2003.