3. La place des autorités administratives indépendantes dans la nouvelle architecture budgétaire

Avant la première discussion du projet de loi de finances selon les règles établies par la LOLF, MM. Jean Arthuis, président de la commission des finances, et Philippe Marini, rapporteur général, avaient proposé la création d'une nouvelle mission rassemblant les fonctions de régulation et d'audit des finances de l'Etat 128 ( * ) . Cette mission « Transparence et régulation de l'action publique » aurait regroupé dans deux programmes distincts la Cour des comptes et les AAI, dans un souci de séparation des crédits du contrôleur et des administrations susceptibles d'être contrôlées.

Elle aurait permis de prendre en compte, au sein de la nouvelle architecture budgétaire définie par la LOLF, les particularités des autorités administratives indépendantes.

Cependant, si la Cour des comptes et les juridictions financières ont été dotées d'un programme spécifique au sein de la mission « Conseil et contrôle de l'Etat », les AAI demeurent réparties au sein de plusieurs missions, sans critère précis.

Certaines d'entre elles sont ainsi rattachées à des programmes correspondant à leur domaine d'intervention. Encore les motifs de ce rattachement semblent-ils parfois ténus, comme pour la Commission nationale de l'informatique et des libertés (CNIL) qui figure dans le programme « Conduite et pilotage de la politique de la justice et organismes rattachés » de la mission « Justice » 129 ( * ) .

En revanche, d'autres autorités échappent à cette logique et sont placées au sein du programme « Coordination du travail gouvernemental », dans la mission « Direction de l'action du Gouvernement », en dehors de tout critère matériel. Tel est le cas du CSA, du Médiateur de la République ou encore de la Commission nationale de déontologie de la sécurité (CNDS), dont les activités ne paraissent guère relever de la coordination du travail gouvernemental...

Intégrées à des programmes comprenant également des structures administratives relevant directement du Gouvernement, les autorités administratives peuvent se voir appliquer le principe de fongibilité asymétrique 130 ( * ) des crédits , institué par la LOLF. Cette prérogative appartient au responsable du programme qui pourrait ainsi, en cours d'exercice, réduire les crédits d'une autorité administrative indépendante constituant une action de ce programme pour les attribuer à une autre action du même programme.

Aussi, les autorités administratives indépendantes apparaissent-elles soumises aux mêmes contraintes budgétaires que les services administratifs de l'Etat directement placés sous l'autorité d'un ministre.

S'agissant des programmes où se trouvent des autorités administratives indépendantes, le responsable est en général un haut fonctionnaire par ailleurs chargé de fonctions de coordination. Ainsi, le responsable du programme « Coordination du travail gouvernemental » est le secrétaire général du Gouvernement ; celui du programme « Accueil des étrangers et intégration » est le directeur de la population et des migrations ; celui du programme « Développement et régulation économiques » est le secrétaire général du ministère de l'économie et des finances.

Par conséquent, comme le relève Mme Marie-Anne Frison-Roche, « la LOLF se retourne contre les autorités administratives indépendantes, par leur insertion dans des programmes, c'est-à-dire en les soumettant à un pouvoir de décision budgétaire en cours d'exercice, diminution apparente de leur propre maîtrise, c'est-à-dire de leur apparente autonomie ».

Cette analyse est partagée par de nombreuses autorités. M. Louis Schweitzer, président de la HALDE, a ainsi déclaré à votre rapporteur que les AAI étaient un objet mal défini au sein de la LOLF. M. Pierre Bordry, président de la nouvelle Agence française de lutte contre le dopage, a pour sa part considéré que la LOLF n'avait pas été faite pour les AAI.

M. Alex Türk, président de la CNIL, a souligné les conséquences préjudiciables de la répartition des AAI au sein de multiples missions sur la délégation des crédits en cours d'année, précisant que cette situation obligeait les autorités à demander régulièrement le versement de leur dotation. Considérant que les AAI ne devaient pas constituer des appendices ministériels, il a souhaité que chacune puisse discuter ses crédits directement avec le ministère du budget.

Nos collègues MM. Alain Lambert, sénateur, et Didier Migaud, député, chargés d'une mission sur la mise en oeuvre de la LOLF, auprès de MM. Thierry Breton, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie, et Jean-François Copé, ministre délégué au budget et à la réforme de l'Etat, ont estimé que la LOLF n'avait pas pour objet de remettre en cause l'indépendance des AAI, qui devaient cependant être soumises aux mêmes aléas budgétaires que les autres administrations. Ils ont considéré que certaines autorités avaient ainsi indûment interprété des contraintes issues de la mise en place du nouveau cadre budgétaire et affectant tous les organismes publics , comme une tentative de réduire leur indépendance.

* 128 Rapport d'information fait au nom de la commission des finances sur la mise en oeuvre de la loi organique du 1 er août 2001 relative aux lois de finances par MM. Jean Arthuis et Philippe Marini, n° 292 (2003-2004).

* 129 De la même façon, le Conseil de la concurrence, la Commission de régulation de l'énergie (CRE) et l'Autorité de régulation des communications électroniques et des postes (ARCEP) sont rangés dans le programme « Régulation et sécurisation des échanges de biens et services » de la mission « Développement et régulation économique ». La HALDE est quant à elle intégrée au programme « Accueil des étrangers et intégration » de la mission « solidarité et intégration », ce qui ne correspond que très partiellement aux missions de cette autorité.

* 130 La fongibilité des crédits permet de définir l'objet et la nature des dépenses au sein d'un programme pour en optimiser la mise en oeuvre. Cette fongibilité est qualifiée d'asymétrique puisque si les crédits de personnel peuvent être utilisés pour des dépenses d'une autre nature (fonctionnement, intervention, investissement ...), l'inverse n'est pas autorisé.

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