3. L'indépendance des cadres des services techniques
Dans l'étude qu'elle a réalisée pour l'Office, Mme Marie-Anne Frison-Roche s'étonne « que le dispositif légal soit à la fois très protecteur et très contraignant pour les membres du collège, mais n'existe pas de la même façon pour les membres des services techniques ».
Cette différence tient sans doute à la répartition des responsabilités, les membres du collège exerçant un pouvoir de décision alors que les services techniques ne jouent qu'un rôle de préparation.
Toutefois, comme le relève Mme Marie-Anne Frison-Roche, « si ce partage des tâches est bien celui-là dans les textes, il demeure qu'indépendamment même des volontés ou stratégies personnelles, celui qui prépare les dossiers a une influence sur celui qui décide ». Elle en conclut que le législateur devrait aussi protéger « l'indépendance des cadres des services techniques ».
A cet égard, si les secrétaires généraux ou directeurs généraux des AAI ne bénéficient pas de l'irrévocabilité ou même d'une durée de mandat définie, ils appartiennent en général à des corps de la fonction publique qui leur assurent une véritable indépendance (membres du Conseil d'Etat, magistrats de l'ordre judiciaire, administrateurs des assemblées...).
Aussi les textes constitutifs des autorités administratives indépendantes sont-t-ils souvent silencieux sur les garanties d'indépendance relatives à leur personnel de direction. Cependant, plusieurs AAI ont défini des règles déontologiques visant à prévenir les conflits d'intérêts susceptibles d'affecter leur personnel.
Par ailleurs, les agents de droit public de certaines AAI peuvent, le cas échéant, avoir à soumettre leur dossier à la Commission de déontologie de la fonction publique s'ils souhaitent rejoindre le secteur privé. Ainsi, selon les indications fournies à votre rapporteur par l'Autorité des marchés financiers, les personnes souhaitant travailler dans les services de cette autorité sont informées de sa nature particulière et de l'application de règles très strictes en matière de déontologie. Celles-ci prévoient notamment l'obligation de déclarer tout compte d'instruments financiers ou les procurations sur de tels comptes et l'interdiction de procéder à toute transaction durant l'exercice des fonctions auprès de l'autorité 149 ( * ) .
En outre, les personnes employées par l'AMF depuis plus d'un an et qui souhaitent exercer une des activités privées entrant dans le champ d'application du décret n° 95-168 du 17 février 1995 relatif à l'exercice d'activités privées par des fonctionnaires ou agents non titulaires ayant cessé temporairement ou définitivement leurs fonctions 150 ( * ) , doivent présenter pour avis un dossier au collège de l'AMF sur l'activité privée qu'elles souhaitent exercer. Le collège formule alors un avis sur la compatibilité des activités briguées au regard des fonctions que le salarié ou l'agent contractuel a exercées au sein de l'autorité.
Il peut assortir son avis de réserves sur les relations professionnelles que le salarié ou l'agent contractuel pourra établir avec tout ou partie des services de l'AMF dans le cadre de ses nouvelles activités pour ne pas être en conflit d'intérêts. L'avis du collège est notifié au secrétaire général qui informe l'agent contractuel ou le salarié concerné de la suite qu'il entend donner à sa demande.
Fortement inspirée des règles déontologiques appliquées au sein de la fonction publique, cette procédure pourrait être transposée à d'autres autorités de régulation. La Commission de régulation de l'énergie applique d'ailleurs une procédure similaire.
Les règles déontologiques peuvent toutefois avoir à l'égard du personnel d'une AAI le même effet dissuasif qu'auprès des personnes susceptibles d'entrer dans son collège. Le Conseil supérieur de l'audiovisuel a ainsi indiqué à votre rapporteur que ces règles constituaient un frein à la mobilité externe des agents et pouvaient par conséquent rendre difficile le recrutement d'experts en début ou en milieu de carrière, auxquels l'autorité ne peut offrir ni des carrières longues, ni des rémunérations suffisamment attractives.
Recommandation n° 26 :
En définitive, l'Office juge indispensable que chaque autorité apporte la plus grande attention aux garanties d'indépendance de ses services. Il estime que la définition des règles propres à assurer cette indépendance revient aux autorités elles-mêmes, qui doivent en rendre compte au Parlement.
Les AAI doivent par conséquent adopter des règles déontologiques adaptées à leur domaine d'activité et aux prérogatives de leurs services.
* 149 Seules les ventes sont autorisées, après avis du « déontologue » de l'autorité.
* 150 Il s'agit notamment des activités professionnelles dans une entreprise privée lorsque l'intéressé a été, au cours des cinq années précédant la cessation définitive de ses fonctions ou sa mise en disponibilité, chargé à raison même de ces fonctions de surveiller ou contrôler cette entreprise, de passer des marchés ou contrats avec elle, ainsi que des activités lucratives dans un organisme ou une entreprise privée et des activités libérales qui, par leur nature ou leurs conditions d'exercice, porteraient atteinte à la dignité des fonctions précédemment exercées par l'intéressé ou risqueraient de compromettre ou mettre en cause le fonctionnement normal, l'indépendance ou la neutralité du service (art. 1 er du décret du 17 février 1995).