N° 411

SÉNAT

SESSION ORDINAIRE DE 2005-2006

Annexe au procès-verbal de la séance du 21 juin 2006

RAPPORT D'INFORMATION

FAIT

au nom de la commission des Finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la Nation (1) sur le débat d' orientation sur les finances publiques ,

Par M. Philippe MARINI,

Sénateur,

Rapporteur général.

(1) Cette commission est composée de : M. Jean Arthuis, président ; MM. Claude Belot, Marc Massion, Denis Badré, Thierry Foucaud, Aymeri de Montesquiou, Yann Gaillard, Jean-Pierre Masseret, Joël Bourdin, vice-présidents ; M. Philippe Adnot, Mme Fabienne Keller, MM. Michel Moreigne, François Trucy, secrétaires ; M. Philippe Marini, rapporteur général ; MM.  Bernard Angels, Bertrand Auban, Jacques Baudot, Mme Marie-France Beaufils, MM. Roger Besse, Maurice Blin, Mme Nicole Bricq, MM. Auguste Cazalet, Michel Charasse, Yvon Collin, Philippe Dallier, Serge Dassault, Jean-Pierre Demerliat, Eric Doligé, Jean-Claude Frécon, Yves Fréville, Paul Girod, Adrien Gouteyron, Claude Haut, Jean-Jacques Jégou, Roger Karoutchi, Alain Lambert, Gérard Longuet, Roland du Luart, François Marc, Michel Mercier, Gérard Miquel, Henri de Raincourt, Michel Sergent, Henri Torre, Bernard Vera.

Finances publiques.

AVANT-PROPOS

Dresser, en cette fin de législature, les acquis de la période récente et les perspectives de nos finances publiques, dégager les lignes de force d'une politique de reflux de la dette permettant à la France de relancer les réformes , tels sont les axes d'un rapport d'orientation budgétaire qui va au-delà de la simple analyse de celui que le gouvernement a déposé sur L'évolution de l'économie nationale et sur les orientations des finances publiques .

Deux facteurs apparaissent essentiels dans l'anémie dont souffre l'économie française : le caractère ambivalent de l'euro qui surprotège et anesthésie ; l'augmentation de la dette qui traduit la propension de notre pays à reporter à plus tard l'heure des décisions douloureuses.

De ce point de vue, le rapport de M. Michel Pébereau 1 ( * ) a le mérite de souligner que les Français ne pourront pas faire « comme s'ils ne savaient pas » et comme si la dette ne « pesait rien ». Au moment où devrait prendre fin la période de taux d'intérêt historiquement bas, les réveils risquent d'être très difficiles.

Ne pas céder à la facilité budgétaire

En tout état de cause, il ne faudrait pas, pour votre rapporteur général, céder à la tentation des largesses 2 ( * ) : évitons une politique de cadeaux, dont il serait illusoire de croire que ceux qui la feraient, en tireraient le bénéfice électoral, et qui ne pourrait que compliquer la tâche de ceux qui auront la charge du redressement des finances publiques du pays.

En fin de législature, l'honneur et le devoir d'un gouvernement, c'est de ne pas compromettre l'avenir . Ce que votre rapporteur général attend des responsables actuels, c'est non seulement qu'ils s'abstiennent de faire des promesses à crédit mais, plus encore, qu'ils fassent preuve d'esprit de responsabilité, en donnant aux finances publiques des orientations saines. Il y a là le meilleur placement du point de vue de l'intérêt du pays .

Pour avancer et, plus encore, pour rebondir, il convient de disposer d'un sol stable. De ce point de vue, votre commission des finances ne peut que se féliciter des options prises par le gouvernement dans le rapport sur les orientations budgétaires pour 2007.

Il fait d'abord un pas supplémentaire vers la norme de progression des dépenses « zéro valeur » préconisée par le rapport de M. Michel Pébereau, en présentant un budget 2007 qui, pour la première fois, ira au-delà du « zéro volume » en voyant sa croissance limitée à un point en deçà de l'inflation .

Remarquons également que le gouvernement a ajusté en baisse son objectif de déficit pour 2006, qui passerait donc à 2,8 points de PIB, dès lors le déficit public de 2005 s'est finalement établi à 2,9 points de PIB. Il y faut y voir la manifestation d'une détermination d'autant plus louable que, même si l'exécution des premiers mois de 2006 laisse espérer un surplus - les projections de votre commission des finances sont pour l'instant en ligne avec celles du gouvernement -, l'absence de recettes exceptionnelles rend l'objectif particulièrement ambitieux.

Intégrer dans le raisonnement l'interdépendance des comptes de l'Etat et de la Sécurité sociale

Au surplus, la réalisation de cet objectif dépend largement des comptes sociaux. Pour ce qui est de 2006, la commission des comptes de la sécurité sociale a souligné, lors de sa réunion du 8 juin dernier, que ceux-ci pourraient bien faire apparaître une dérive de l'ONDAM de quelque 600 millions d'euros. Par ailleurs, le gouvernement espère que les légères révisions à la baisse des soldes 2006 de la CNAV et de la CNAF seront compensées par une situation de l'UNEDIC meilleure qu'escomptée.

Cette interdépendance conforte le choix du Sénat d'organiser, cette année, une seule et même discussion pour les débats d'orientation budgétaire et d'orientation des finances sociales , consacrant la nécessité d'une vision consolidée de l'évolution des finances publiques et, en particulier des déficits, au regard certes du respect du traité de Maastricht mais aussi de leur soutenabilité pour l'économie française.

Amorcer un effort nécessaire de pédagogie budgétaire

Pour ce qui concerne le moyen terme, votre commission des finances tient à saluer la démarche consistant à proposer à la représentation nationale d'adhérer à un Engagement national de désendettement . Il s'agit effectivement d'une priorité nationale si l'on veut accroître les marges de manoeuvre dont nous avons besoin pour préparer l'avenir.

Un tel engagement passe par l'établissement d'un constat partagé - un certain consensus semble se faire jour sur le caractère insoutenable de l'évolution de l'endettement du pays - ainsi que par la recherche - plus difficile, il est vrai - de convergences sur les moyens. La conférence nationale des finances publiques mais aussi, tout simplement, le Parlement ont un rôle essentiel à tenir dans la mise en oeuvre d'une pédagogie qui doit accompagner une politique de rigueur budgétaire certes, mais aussi de rigueur tout court en termes de cohérence et de sens des responsabilités .

A cet égard, votre commission des finances ne peut qu'adhérer aux « règles de gouvernance vertueuses et stables » - au demeurant proches de celles qu'elle avait exposées, l'année dernière, quand elle avait présenté les « sept piliers de la sagesse budgétaire » 3 ( * ) - que met en avant le rapport déposé par le gouvernement en vue du présent débat d'orientation budgétaire :

- la mobilisation de l'Etat et des administrations de sécurité sociale pour revenir rapidement en dessous du « solde stabilisant de la dette » et réduire le taux d'endettement des administrations publiques ;

- la recherche d'économies structurelles , qui devraient permettre, notamment sur la base de la centaine d'audits de modernisation déjà engagés, de maîtriser la dépense publique ;

- l'amélioration de la gouvernance en mode LOLF , au sujet de laquelle votre commission des finances note avec intérêt le souci du gouvernement de valoriser la performance lors des arbitrages internes aux ministères mais, surtout, tient à saluer sa volonté de mieux prendre en compte des dépenses fiscales dans la procédure budgétaire.

Cette stratégie de désendettement à moyen terme proposée par le gouvernement, satisfaisante dans ses principes, doit subir une forme de test de cohérence . Au-delà des mesures de court terme, il convient de s'interroger tant sur le réalisme des objectifs et donc des efforts qu'elle assigne à la collectivité, que sur la faisabilité du cheminement qu'elle propose.

Ne pas se contenter de la réduction annoncée du nombre de fonctionnaires

A court terme, votre commission des finances ne peut que saluer l'attitude responsable du gouvernement. Non seulement il articule ses propositions autour d'une stratégie déterminée de réforme de l'Etat, mais encore, il prend le risque d' afficher des objectifs en matière d'emploi public qui montrent qu'en dépit d'une conjoncture préélectorale, le gouvernement est décidé, enfin, à saisir l'opportunité que constitue le départ en retraite des premières cohortes de la génération du baby boom .

Votre rapporteur général voudrait, d'emblée, relativiser cet objectif qui apparaît comme la résultante d'une politique active de gestion des ressources humaines de l'Etat.

S'agissant, en outre, non pas de postes mais d'équivalents temps plein, il doit être clair que la réduction ne représente pas des suppressions de postes mais constitue le solde d'opérations de sens contraire : des non-remplacements de départs en retraite à concurrence d'un peu plus de 19.000 emplois et des affectations de moyens nouveaux en personnel dans d'autres secteurs à concurrence de 4.000 emplois. Bref, il s'agit d'une opération de redéploiement ayant pour objet de tenir compte de l'évolution des besoins et de l'organisation du travail.

Le gouvernement prend en quelque sorte acte de ce que, comme toutes les organisations, l'Etat doit s'adapter à son environnement ; il ne peut considérer que son mode de fonctionnement est figé une fois pour toutes et qu'il peut persévérer dans son être comme s'il était dans une bulle.

Cet effort, aussi méritoire, soit-il est d'ailleurs relatif, puisqu'il ne conduira qu'à effacer un tiers des créations d'emplois intervenues au cours de la précédente législature . Au surplus, il intègre a priori au moins en ce qui concerne la défense la suppression de postes non pourvus, ce qui signifie qu'il est moins ambitieux qu'il n'y paraît.

Dans le corps du présent rapport d'information, votre rapporteur général s'est efforcé, chiffres à l'appui, de montrer qu'il était indispensable de faire preuve d'un volontarisme sans faiblesse en matière de politique de la fonction publique, si l'on voulait se donner une chance de réduire le déficit et l'endettement publics à un niveau soutenable : selon les calculs de votre commission des finances, une stricte politique de maîtrise de la masse salariale de la fonction publique permettrait de gagner 5 milliards d'euros à l'horizon 2011.

Préparer un sol stable pour la prochaine législature tout en ménageant l'avenir

Le présent gouvernement semble en passe de s'acquitter de cette tâche en ne faisant peser aucune hypothèque sur la marge de manoeuvre de la nouvelle majorité qui sortira des urnes en 2007. Il doit prolonger cette attitude sérieuse en adoptant une position minimaliste sur le volet recettes .

Il n'est plus temps , selon votre rapporteur général, pour engager des réformes d'envergure. Celles-ci supposent une phase de maturation, de mise au point et, bien entendu, de discussion que le présent gouvernement n'est pas en mesure de mener à bien dans le temps limité qui lui reste. En particulier, il est trop tard , selon votre rapporteur général, pour chercher à donner des suites immédiates aux travaux sur l'élargissement de l'assiette des cotisations employeurs de la sécurité sociale . Le gouvernement a par ailleurs suffisamment de « pain sur la planche » avec l'achèvement des réformes souvent importantes qu'il a entreprises, qu'il s'agisse de la taxe professionnelle, de l'impôt sur les sociétés ou de l'impôt sur le revenu.

Avec modestie du fait du caractère encore trop général des informations techniques sur lesquelles il peut s'appuyer, le présent rapport entend contribuer au débat en livrant à l'opinion un exercice de cadrage permettant de chiffrer de façon aussi cohérente que possible, l'ordre de grandeur des mesures de nature à permettre le redressement de nos finances publiques .

Un certain nombre de choses ont déjà été faites. Mais, dans un contexte mondialisé celui, qui n'avance pas plus vite que les autres, recule. C'est vrai pour l'Europe de la zone euro en général, et pour la France en particulier.

Notre pays risque d'être décroché du peloton s'il ne trouve pas en lui-même l'énergie d'un nouvel élan, dont le socle est à l'évidence constitué par des finances publiques saines. Il est maintes manifestations de cette interdépendance entre sphère réelle et sphère financière qui montre que le laisser-aller est sanctionné comme en témoigne l'exemple de la Hongrie 4 ( * ) .

Votre commission des finances souligne, sans vouloir alimenter la morosité et l'inquiétude naturelles des Français, qu'il est des signes - comme le déséquilibre du commerce extérieur sur la nature duquel votre rapporteur général est en train de se pencher - qui pourraient faire penser que la France est sur la mauvaise pente et qu'elle doit avoir le courage de procéder à des réformes de structures radicales.

La conduite du changement passe par une série d'étapes : un diagnostic sans concession mais dont il convient de s'assurer qu'il soit autant que possible partagé, le repérage des points de nature à servir de leviers du changement, le balisage de l'horizon des possibles, autant d'éléments qui devraient permettre, à travers la poursuite d'un effort de pédagogie, de créer la confiance dont la France a besoin pour rétablir ses finances publiques et retrouver la croissance .

* 1 Michel Pébereau, « Rompre avec la facilité de la dette publique », rapport au ministre de l'économie, des finances et de l'industrie, décembre 2005.

* 2 Rapport d'information n° 313 (2005-2006) de M. Philippe Marini.

* 3 Rapport d'information n° 444 (2004-2005) de M. Philippe Marini.

* 4 Cf. la communication de votre rapporteur général devant votre commission des finances du 14 juin 2006, consacrée au compte-rendu de sa mission en Hongrie et qui va donner lieu à la publication d'un rapport d'information n° 403 (2005-2006).

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